Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - CRCE-R) publiée le 24/09/2020

M. Guillaume Gontard souhaite rappeler l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur la dangerosité du stockage de nitrate d'ammonium.

La catastrophe survenue à Beyrouth, le 4 août 2020, à la suite de l'explosion de 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium causant la mort de près de 200 personnes, soulève de nouvelles inquiétudes sur l'usage de ce composé, à l'origine également de la catastrophe à l'usine AZF à Toulouse, en septembre 2001.

La France consomme chaque année 2 millions de tonnes de nitrates d'ammonium, soit 8 % de la production mondiale et est particulièrement exposée par la présence de nombreux sites industriels classés (installations classées pour la protection de l'environnement - ICPE).

Le rapport sénatorial établi au nom de la commission d'enquête, chargée d'évaluer la gestion des conséquences de l'incendie de l'usine Lubrizol (n° 480, 2019-2020), a montré que le risque zéro n'existait pas et que la prévention contre les risques industriels devait être, de toute évidence, renforcée via notamment un plus grand nombre de contrôles des sites industriels à risques. Le nitrate d'ammonium n'est pas officiellement reconnu comme un explosif mais le devient dès lors qu'il est associé à n'importe quel combustible.

Après l'accident industriel au port de Beyrouth, il souhaite savoir si des mesures particulières d'encadrement, de contrôle et d'inspection des sites français stockant du nitrate d'ammonium ont été prises.

Il lui demande s'il on dispose aujourd'hui d'un état des lieux précis par département des sites de stockage de nitrate d'ammonium et de combustibles pour prévenir d'un effet domino en cas d'incendie. Par ailleurs, la réglementation ne prévoit pas de contrôle sur les sites stockant moins de 250 tonnes de nitrate d'ammonium, en particulier sur les exploitations agricoles, où plusieurs accidents se sont pourtant produits. Il lui demande si est prévue une évolution de la réglementation pour rendre obligatoires des mesures de prévention et de surveillance sur ces sites et protéger les populations, en premier lieu les agriculteurs eux-mêmes et les pompiers, particulièrement exposés en cas d'explosion.

Enfin, au regard du caractère particulièrement dangereux du nitrate d'ammonium, composant largement utilisé dans les engrais agricoles, il lui demande si le Gouvernement prévoit d'engager une réflexion pour trouver des alternatives et accélérer la transition vers une agriculture moins dépendante des produits phytosanitaires.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargé de la biodiversité publiée le 06/11/2020

Réponse apportée en séance publique le 05/11/2020

Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 1282, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

M. Guillaume Gontard. La catastrophe survenue à Beyrouth, le 4 août dernier, à la suite de l'explosion de 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium, a soulevé de nouvelles inquiétudes sur l'usage de ce composé et les risques qu'il fait peser sur nos concitoyens.

La France consomme chaque année 2 millions de tonnes de nitrate d'ammonium, soit 8 % de la production mondiale. Près de 180 sites industriels soumis au régime des ICPE stockent du nitrate d'ammonium en grande quantité ; 108 de ces sites sont soumis à la directive européenne Seveso. Ainsi, l'usine Yara, située à Ambès, en Gironde, peut stocker jusqu'à 68 000 tonnes de produits à base de nitrate d'ammonium. Elle est entourée de sept autres sites Seveso seuil haut dans un rayon de cinq kilomètres. Un schéma similaire se retrouve dans mon département de l'Isère.

Nous avons vu dans le rapport de notre commission d'enquête consécutive à l'incendie de l'usine Lubrizol que le risque zéro n'existait pas. La prévention contre les risques industriels doit être de toute évidence renforcée, notamment à travers un plus grand nombre de contrôles des sites à risques.

En réponse à ces défaillances, le Gouvernement vient de présenter un plan d'action pour renforcer la sécurité de ces sites, mais permettez-moi de douter de la réalité de ces mesures.

Vous annoncez une augmentation de 50 % des contrôles des sites ICPE et la création de postes supplémentaire d'inspecteurs, mais cette hausse d'effectifs n'interviendra pas avant la fin de l'année 2022.

Je suis également très inquiet de la politique de simplification que vous poursuivez dans l'ombre pour accélérer l'implantation d'usines, qui semble céder à la tentation de les soustraire à certains contrôles.

Par ailleurs, rien n'est prévu dans votre plan pour déclarer et renforcer les contrôles sur les sites stockant moins de 250 tonnes de nitrate d'ammonium, en particulier sur les exploitations agricoles, où plusieurs accidents se sont pourtant produits. Le nitrate d'ammonium, qui est particulièrement explosif avec un combustible, est utilisé dans la composition d'engrais chimiques dont notre agriculture est largement dépendante.

Ma question est simple : dispose-t-on aujourd'hui d'un état des lieux précis, par département, des sites de stockage de combustibles et de nitrate d'ammonium, au-dessus comme au-dessous du seuil de 250 tonnes ? Quels moyens entendez-vous mobiliser pour renforcer les mesures de prévention et de contrôle sur ces sites ? Enfin, au regard du caractère particulièrement dangereux de cette substance, le Gouvernement prévoit-il d'engager une réflexion visant à trouver des alternatives, mais surtout une transition vers une agriculture moins dépendante des produits phytosanitaires ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Gontard, vous nous faites part de différentes interrogations relatives au stockage du nitrate d'ammonium.

Les produits à base de nitrate d'ammonium peuvent être consacrés à un usage d'explosif, pour les produits techniques, ou à un usage fertilisant, sous la forme d'ammonitrates. Dès lors que les quantités stockées dépassent certains seuils, les stockages sont réglementés, soit sous le régime de la déclaration, soit sous celui de l'autorisation des installations classées pour la protection de l'environnement, les fameux ICPE. Les stockages doivent respecter les prescriptions techniques prévues par des arrêtés ministériels, par exemple l'interdiction de la présence de matières combustibles dans les stockages et à proximité, ou encore le fractionnement du stockage en îlots.

S'agissant des ICPE, elles sont contrôlées par l'inspection des installations classées. Je veillerai à ce que les priorités nationales du programme de contrôle pour 2021 comprennent une action spécifique au stockage de nitrates d'ammonium.

Les installations soumises à autorisation sont recensées dans la base de données nationale de l'inspection des installations classées, accessible au public via le site internet Géorisques. Les installations soumises à déclaration sont quant à elles recensées au niveau départemental ; les déclarations sont reçues en préfecture.

Au-dessous des seuils définis par la nomenclature ICPE, les stockages de produits à base de nitrate d'ammonium ne relèvent pas de la réglementation ICPE, mais de la police du maire.

S'agissant plus spécifiquement des ports, à la suite de l'accident de Beyrouth, nous avons demandé un examen des exigences réglementaires régissant le transit et le stockage du nitrate d'ammonium dans les ports. Les conclusions de cette mission, réalisée conjointement par le CGE et le CGEDD, devraient être disponibles d'ici à quelques mois. Croyez bien que nous en tirerons les conséquences qui s'imposent, sans aucune zone d'ombre !

Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.

M. Guillaume Gontard. Permettez-moi, madame la secrétaire d'État, de rester inquiet après votre réponse. Certes, il y a des contrôles privilégiés sur les sites Seveso les plus à risque, mais on est toujours en attente de solutions quant aux sites où sont stockées moins de 250 tonnes de nitrate d'ammonium. J'ai effectué une demande dans mon département, mais on n'a aucune visibilité sur ce type de stockage.

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