Question de Mme SOLLOGOUB Nadia (Nièvre - UC) publiée le 03/09/2020

Mme Nadia Sollogoub attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les difficultés de mutations des gardiens de la paix.
Deux concours permettent d'accéder au métier de gardien de la paix : un concours national à affectation nationale (y compris en région parisienne) qui, à la suite de la réussite de la formation, implique une affectation de cinq ans minimum dans la même région ; le concours national à affectation régionale Île-de-France où les lauréats seront affectés pendant une durée minimale de huit ans.
Concrètement, cela signifie que ces jeunes resteront au minimum une dizaine d'années dans leur première région d'affectation, en comptant les années d'école et de stage. En réalité, la mutation demandée ne sera souvent accordée que deux ou trois ans plus tard. De plus, l'aspiration à un grade supérieur prolongera cette durée de trois nouvelles années.
Pour ces jeunes gens, heureux de leur réussite au concours, l'échéance de ce contrat de huit ans doit sembler bien irréelle ; à 20 ans, ou guère plus, on n'a que très rarement organisé un projet de vie. Mais les années passent, les couples se forment, les familles se créent et les questions se posent. On souhaite « s'installer », acheter une maison, faire des choix de vie…
Et ils se retrouvent pris au piège de ce contrat qui d'un seul coup prend toute sa dimension dans le temps. La problématique est valable pour les deux hypothèses : que ce soit pour venir en région parisienne ou le plus souvent pour retrouver sa région d'origine en province.
Dans ce métier si particulier où ils sont quotidiennement confrontés à des situations souvent très éprouvantes, leur vie personnelle doit pouvoir leur permettre de garder un équilibre afin d'être en mesure d'assumer pleinement leur engagement professionnel. Le rapport n° 612 (2017-2018) fait au nom de la commission d'enquête du Sénat relative à l'état des forces de sécurité intérieure fait état d'un mal-être généralisé au travail et rapporte notamment de trop nombreux témoignages de gardiens de la paix qui cohabitent dans de minuscules logements parisiens, séparés de leurs conjoints, de leurs enfants.
Dans l'intérêt général, il serait souhaitable que les conditions d'évolution de carrière soient concordantes avec les projets de vie, ce qui permettrait à ces personnels d'évoluer plus sereinement et plus efficacement dans leur profession.
Elle lui demande s'il est envisagé d'assouplir les conditions de mutation des gardiens de la paix ou de modifier les durées de leurs contrats.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur - Citoyenneté publiée le 16/12/2020

Réponse apportée en séance publique le 15/12/2020

Mme le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 1277, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés que rencontrent les gardiens de la paix dans l'obtention de mutations.

Deux concours permettent d'accéder au métier de gardien de la paix. Qu'ils passent l'un ou l'autre, les jeunes lauréats doivent rester au minimum une dizaine d'années dans leur première région d'affectation, en comptant les années d'école et de stage. En réalité, la mutation demandée ne sera souvent accordée que deux ou trois ans plus tard. De plus, l'aspiration à un grade supérieur prolongera cette durée de trois nouvelles années.

Pour ces jeunes gens, heureux de leur réussite au concours, l'échéance de ce contrat de huit ans doit sembler bien irréelle ; à vingt ans, ou guère plus, on n'a que très rarement organisé un projet de vie. Mais les années passent, les couples se forment, les familles se créent et les questions se posent. On souhaite s'installer, acheter une maison, faire des choix de vie. Or ils se trouvent alors pris au piège de ce contrat qui, d'un seul coup, prend toute sa dimension dans le temps. La problématique est valable dans les deux hypothèses, que ce soit pour venir en région parisienne ou, le plus souvent, pour retrouver sa région d'origine en province.

Le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur l'état des forces de sécurité intérieure fait état d'un mal-être généralisé au travail. Il rapporte notamment de trop nombreux témoignages de gardiens de la paix qui cohabitent dans de minuscules logements parisiens, séparés de leurs conjoints et de leurs enfants.

Dans l'intérêt général, il serait souhaitable que les conditions d'évolution de carrière soient concordantes avec les projets de vie, ce qui permettrait à ces agents d'évoluer plus sereinement et plus efficacement dans leur profession.

Plus que jamais, la question se pose : est-il envisagé d'assouplir les conditions de mutation des gardiens de la paix, ou de modifier les durées de leurs contrats ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Sollogoub, permettez-moi de vous répondre au nom de M. le ministre de l'intérieur.

Comme vous l'avez souligné, les policiers assurent chaque jour avec dévouement, professionnalisme et courage la protection de l'ensemble des Françaises et des Français dans des situations souvent extrêmement difficiles.

Vous avez fort bien rappelé que les gardiens de la paix recrutés via le concours national sont affectés pour une durée minimale de cinq ans dans la région de leur première affectation. Ceux qui sont recrutés via le concours ouvert pour une affectation régionale en Île-de-France y sont affectés pour une durée minimale de huit ans.

Naturellement, cette situation est connue des candidats au moment où ils passent ces concours. Un engagement réciproque est alors pris. L'engagement géographique est d'ailleurs relatif, puisque les policiers ont tout à fait la possibilité de solliciter une mobilité au sein de leur zone de défense et de sécurité durant cette période. Ces zones recouvrent, comme vous le savez, plusieurs départements.

Il convient aussi de rappeler qu'en Île-de-France les policiers du corps d'encadrement et d'application bénéficient de primes tout au long de leur durée d'affectation et de divers dispositifs d'action sociale.

En effet, les services opérationnels ont besoin de visibilité et de stabilité dans l'affectation du personnel pour la bonne gestion des équipes, de ces femmes et de ces hommes. Ces règles permettent aussi une mixité féconde entre les nouveaux arrivants et les agents expérimentés qui ont une bonne connaissance de la réalité du terrain.

Vous avez raison : il existe aussi des blocages statutaires liés à l'avancement de grade. Cette exigence temporelle prend tout son sens pour les grades de brigadier-chef et de major, tant au niveau opérationnel qu'au niveau de l'engagement attendu d'un agent promu.

Au terme de ces délais, la mobilité interrégionale des gradés et des gardiens de la paix relève du mouvement annuel général de mutation dit « polyvalent ». Dans le cadre de ces campagnes de mobilité, l'administration a récemment instauré un dispositif permettant, au regard de la situation professionnelle et personnelle des fonctionnaires, d'établir un barème de points qui prend notamment en compte l'équilibre entre l'engagement professionnel des agents et leur vie familiale et personnelle. L'ancienneté dans le grade ou dans le service de l'agent formulant une demande de mutation est l'un des éléments pris en compte.

Pour conclure, madame la sénatrice, je voudrais vous assurer que des réflexions sont engagées dans le sens que vous évoquiez, pour parvenir à un meilleur équilibre, dans les territoires en tension, entre les primoaffectations et la possibilité de réaliser des mouvements de mutation sur ces zones, y compris dans les régions, sans porter atteinte aux besoins spécifiques de Paris et de sa région.

Mme le président. Il faudrait conclure, madame la ministre.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Le ministère de l'intérieur est particulièrement attentif à cette question.

Mme le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.

Mme Nadia Sollogoub. Je veux citer quelques mots de la lettre que j'ai reçue d'une jeune gardienne de la paix : « Je vous adresse ce présent courrier comme je lancerais une bouteille à la mer : un appel à l'aide émanant du cœur d'un couple travaillant au service de l'État depuis leur plus jeune âge. Vous qui ne pouvez ignorer l'actualité, vous avez forcément conscience que ce métier est difficile, puisque nous côtoyons au quotidien les divers maux de la société. Vous comprendrez ainsi qu'il est primordial pour un policier de pouvoir, en parallèle, avoir une échappatoire dans sa sphère privée. Forte de caractère et très impliquée dans mon travail, je ne peux vous cacher que je perds pied de jour en jour. La dépression me guette, bien que je fasse preuve de tous les efforts possibles pour tenir. Je suis à bout de forces ! Tout est lié à notre éloignement géographique, tous les problèmes que nous subissons découlent ainsi les uns des autres, un cercle vicieux dont nous ne parvenons pas à sortir. »

Je peux vous dire que, pour obtenir la mutation de cette gardienne de la paix, il a fallu mener bataille pendant des mois, voire des années ! Vraiment, on ne peut pas laisser ces agents dans cette situation ; il faut que ça change !

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