Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 06/08/2020

M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la lutte contre la concentration des terres agricoles.

La problématique de l'accaparement des terres agricoles par des investisseurs étrangers, sur lequel l'auteur de cette question a déjà appelé l'attention du Gouvernement, persiste malgré la réponse de celui-ci à sa question écrite du 1er mars 2018 dans lequel il indiquait « qu'une réflexion sera[it] menée en 2018 sur l'ensemble des outils de régulation du foncier dans laquelle les questions de protection, de transmission, du portage, des usages et du contrôle du foncier seront étudiées ». Ainsi, le droit de préemption des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) reste limité notamment dans les cas d'une cession partielle de parts ou d'actions d'une société dont l'objet principal est la propriété agricole.

Afin d'éviter les agrandissements excessifs d'exploitations, certains syndicats d'agriculteurs demandent également le renforcement du contrôle des structures pour éviter le travail à façon et les « baux fictifs ».

Ils estiment en particulier que la commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA), composée notamment des représentants du monde agricole, doit être saisie pour toutes les demandes d'autorisation d'exploiter, et même en l'absence de candidats concurrents.

Deux modifications du cadre réglementaire, en 2007 et en 2015, sont venues restreindre les conditions de saisine de la CDOA qui ne peut être désormais consultée par le préfet de région que « lorsque des candidatures concurrentes ont été enregistrées sur tout ou partie des biens qui font l'objet de la demande ». Or selon ces syndicats, les nouveaux agriculteurs pourraient être désincités par de gros exploitants à présenter leur candidature pour l'exploitation de terres, empêchant ainsi la consultation de la CDOA.

En Normandie, cette situation a conduit la SAFER à créer en mai 2019 une structure, la SCEA SAFER, qui vise à présenter une candidature dans le cadre des demandes d'autorisation d'exploitations sans concurrence.

Aussi, il lui demande les mesures qu'il compte enfin prendre pour lutter contre la concentration des terres agricoles, notamment en matière de droit de préemption des SAFER ou du régime d'autorisation d'exploiter.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 01/10/2020

Les outils de régulation du foncier sont en partie inadaptés face au développement des phénomènes de concentration conduits sous forme sociétaire quelle que soit la nationalité de la société se portant acquéreuse. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 a permis aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) d'exercer leur droit de préemption pour l'acquisition de la totalité des parts sociales d'une société dont l'objet principal est la propriété agricole. Néanmoins, force est de constater que des cessions partielles peuvent être aisément organisées pour contourner ce dispositif. Des initiatives ont été engagées pour protéger les terres agricoles contre ces phénomènes de financiarisation et de concentration d'exploitations agricoles sous la forme sociétaire mais elles se sont avérées infructueuses. La dernière tentative en date, opérée dans le cadre de la proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles déposée le 21 décembre 2016 visant à étendre le droit de préemption des SAFER aux parts sociales, a été censurée par le conseil constitutionnel dans une décision n° 2017-748 DC du 16 mars 2017. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a consulté à l'été 2019 l'ensemble des parties prenantes sur la question du foncier agricole, afin notamment de connaître leur position sur le contrôle des cessions partielles de parts sociales. Si un consensus se dégage sur la nécessité de contrôler ces mouvements « sociétaires », les avis divergent sur les moyens à mettre en œuvre. Deux pistes de travail sont cependant identifiées à ce stade : soit instaurer une procédure spécifique d'agrément des cessions de parts, soit intégrer ces opérations dans le cadre de la réglementation du contrôle des structures (autorisation d'exploiter). Le sujet sera ainsi approfondi avec les parties prenantes. S'agissant du champ d'intervention de la commission départementale d'orientation agricole (CDOA), conformément aux dispositions de l'article R. 331-5 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), cette dernière peut être consultée sur les demandes d'autorisations d'exploiter auxquelles il est envisagé d'opposer un refus. Les motifs de refus d'une autorisation d'exploiter sont encadrés par l'article L. 331-3-1 du CRPM. Hormis dans le cas spécifique des départements d'outre-mer, le préfet ne dispose pas de motif pour refuser une autorisation d'exploiter en l'absence de candidature concurrente ou de preneur en place. La problématique soulevée ne tient donc pas tant aux modalités de consultation de la CDOA qu'à l'encadrement par le CRPM des motifs de refus d'une autorisation d'exploiter.

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