Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 04/06/2020
M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur le récent avis publié par les scientifiques du conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM) s'agissant de la survie des dauphins.
Ils demandent à la Commission européenne de prendre des mesures d'urgence afin d'éviter la mort de milliers de dauphins communs dans les engins de pêche, comme c'est le cas chaque hiver et depuis vingt ans. Ainsi, en 2019, ce sont 11 300 dauphins qui sont morts dans les filets de pêche et cette saison, malgré le confinement, ce sont déjà 1 160 dauphins qui se sont échoués
Les scientifiques indiquent que les captures dans les filets de pêche constituent la première menace pour les mammifères marins, que ce soit les marsouins communs en mer Baltique (dont il ne reste plus que quelques centaines d'individus aujourd'hui), ou les dauphins communs s'échouant par milliers sur les plages malgré les mesures mises en place par la France.
Les chalutiers pélagiques (une des pêches responsables des captures) ont été équipés en répulsifs acoustiques qui n'ont pas apporté de résultats significatifs. Quant aux mesures concernant l'amélioration des connaissances, elles ne semblent pas plus opérationnelles (la présence d'observateurs à bord des bateaux est très faible, les pêcheurs ne déclarent que peu leurs captures et les moyens de contrôle en mer sont très limités).
Cet avis des scientifiques du CIEM rejoint les préconisations de nombreuses organisations non gouvernementales, dont France nature environnement, qui demandent de suspendre l'activité des chalutiers pélagiques et des filets maillants pendant l'hiver dans le Golfe de Gascogne.
Considérant l'importance de ne pas attendre un rappel à l'ordre de la Commission européenne en la matière, il lui demande quelles mesures elle entend mettre en œuvre afin de sauver la population de dauphins communs, espèce protégée par la loi.
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Transmise au Ministère de la mer
Réponse du Ministère de la mer publiée le 20/01/2022
Les échouages hivernaux de petits cétacés sont en augmentation régulière depuis une quinzaine d'années. Alors qu'on en comptait moins d'une centaine en 2005, nous en comptons 10 fois plus aujourd'hui De plus, la plupart des individus retrouvés sur les plages présentent des traces indiquant des interactions avec les activités de pêche. Durant l'hiver 2020 - 2021, une baisse du nombre d'échouages a été observé (756 individus recensés du 1er décembre 2020 au 30 avril 2021 contre 1130 durant la même période l'année précédente). Cette baisse est significative mais elle est très probablement ponctuelle et doit être rapportée à la très forte variabilité interannuelle de ce phénomène. Il est donc beaucoup trop tôt pour invoquer une quelconque inversion de tendance. Face à cette situation, le ministère de la mer, conjointement avec le ministère de la transition écologique est pleinement mobilisé à travers le groupe de travail national dédié aux captures accidentelles de cétacés, créé en avril 2017. Cette enceinte, qui réunit l'administration centrale, les services déconcentrés, les scientifiques, la Commission européenne, des associations environnementales (LPO, FNE et WWF), les représentants des professionnels de la pêche ainsi que le représentant de l'ambassade d'Espagne a pour objectifs d'améliorer les connaissances sur les interactions entre la pêche et les mammifères marins, de sensibiliser les professionnels de la pêche et de définir collectivement des mesures pour limiter ces interactions. L'objectif partagé par l'ensemble des acteurs est de comprendre les circonstances (écologiques, environnementales, comportementales, technologiques) qui conduisent aux captures accidentelles de dauphins communs et de petits cétacés dans le golfe de Gascogne. La compréhension des interactions entre les navires de pêche et les populations de cétacés est un sujet complexe. D'importants travaux nationaux, européens et internationaux impliquant scientifiques et organisations non gouvernementales ont permis une première identification des engins impliqués dans ces interactions. Le rapport du Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM), publié le 26 mai 2020 résume parfaitement l'état de l'art en la matière, et identifie plusieurs méthodes de pêche pouvant potentiellement donner lieu à des interactions avec les dauphins. Ces connaissances scientifiques ne permettent cependant ni de comprendre les conditions précises de ces interactions en mer, ni d'expliquer leur augmentation en période hivernale. Les données disponibles, bien que très fragmentaires encore à jour, font cependant apparaitre les éléments suivants : la population de dauphins de l'Atlantique nord-est, et a fortiori celle du golfe de Gascogne dont elle n'est qu'un petit sous-ensemble, est, selon les indicateurs, soit stable soit en augmentation. A titre d'exemple, des comptages effectués au mois de mai indiquent qu'entre 2005 et 2016, la population de dauphins dans le golfe de Gascogne a été multipliée par 2 à 2,5 ; sur la même période, l'effort de pêche dans le golfe de Gascogne a baissé de 5 à 25 % selon l'indicateur choisi (nombre de navires, puissance totale des navires, nombre de jour de mer ). De plus, aucune modification significative des pratiques ou des engins n'a été observée par l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer sur cette période ; au cours de la période critique (janvier à mars) la densité de dauphins dans le golfe de Gascogne est 5 à 10 fois supérieure celle qui est observée durant la période estivale. L'action de la France s'exerce à deux niveaux : Au niveau européen, une approche concertée entre États membres est privilégiée pour mettre en place des mesures efficaces et équitables. La France a ainsi fortement contribué au succès de la révision du règlement « mesures techniques », notamment sur les points relatifs à l'équipement de « dissuasifs acoustiques » face à la problématique des captures accidentelles de mammifères marins ou la possibilité de prendre des mesures dans le cadre du processus de régionalisation de la politique commune des pêches. L'objectif est que l'ensemble des mesures s'applique à tous les navires pêchant dans le golfe de Gascogne, quelle que soit leur nationalité, afin de maximiser leur effet. Au niveau national, sur la base des travaux scientifiques, et face au niveau élevé des échouages, la France a décidé de mettre en place un plan d'action ambitieux qui mobilise l'ensemble des parties prenantes, des pêcheurs aux organismes scientifiques. Ce plan s'articule notamment autour de deux axes : l'adoption de mesures de conservation immédiates dans le Golfe de Gascogne, associées à des mesures de contrôle. Les chalutiers doivent aussi tous s'équiper de dispositif de dissuasion acoustique, ou « pinger », durant toute l'année, depuis le 1er janvier 2021 ; l'acquisition de connaissances, pour mieux évaluer le statut de conservation du dauphin. En effet, de nombreuses actions sont prévues telles que la déclaration des captures accidentelles, l'observation embarquée des activités de pêche sur les chalutiers pélagiques et des fileyeurs, l'expérimentation de caméras embarquées sur 5 navires en 2021 puis 20 pour la saison de pêche de 2021-2022, le baguage des individus rejetés en mer, un programme de survol aérien du golfe de Gascogne pour estimer la population de dauphin et l'étude de la flexibilité d'usage des engins de pêche pendant la période à risque. La France est également moteur dans un projet européen lancé le 1er juillet 2021, visant à proposer une stratégie coordonnée France-Espagne-Portugal d'évaluation, de surveillance et de gestion des captures accidentelles de cétacés dans le golfe de Gascogne et la sous-région de la côte ibérique. Au fur et à mesure de son déroulement, ce plan pourra être complété, de manière concertée, de mesures pragmatiques dans le but d'accélérer encore davantage la diminution des captures accidentelles et des échouages.
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