Question de M. DURAIN Jérôme (Saône-et-Loire - SOCR) publiée le 25/06/2020
Question posée en séance publique le 24/06/2020
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Jérôme Durain. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
En 2017, Emmanuel Macron avait réussi à ringardiser mon parti et le vôtre, enfin, celui de l'époque, monsieur le Premier ministre, en brocardant leur incapacité systématique à accepter les idées venant du camp d'en face. Que fait-il aujourd'hui ? Exactement la même chose.
Regardons ce qu'il en est à propos du crime d'écocide.
Les sénatrices et sénateurs socialistes ont proposé l'année dernière un texte équilibré et applicable qui visait à lutter contre l'impunité des crimes les plus graves en matière d'environnement et à satisfaire une attente de la société. La réponse du Gouvernement a été : « C'est une bonne idée, mais c'est non. »
Des députés socialistes ont repris cette notion d'écocide, dans une version quelque peu différente. On leur a répondu : « C'est non ! »
Cette fois, c'est la Convention citoyenne pour le climat qui déclare l'écocide utile, dans une version plus exigeante et peut-être plus audacieuse. Qu'allez-vous faire, monsieur le Premier ministre ?
Il y a peut-être un risque à ne pas écouter les demandes émanant de la société. Les réponses négatives systématiques peuvent créer le sentiment d'être méprisé et une frustration. En tant que parlementaires de l'opposition, nous sommes habitués à une telle attitude. Mais prenons garde que la société n'en prenne pas ombrage.
Les rejets sont nombreux : l'écocide, le rétablissement de l'ISF, le référendum relatif à la privation d'ADP, la commission d'enquête sur la gestion de la crise du Covid-19. C'est presque une réaction pavlovienne !
Monsieur le Premier ministre, écouterez-vous la société, à défaut d'écouter les parlementaires ? Qu'allez-vous faire concernant l'écocide et les conclusions de la Convention citoyenne pour le climat ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Réponse du Ministère de la justice publiée le 25/06/2020
Réponse apportée en séance publique le 24/06/2020
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Durain, si cette Convention citoyenne a été mise en place, sur l'initiative du Président de la République, c'est parce que nous souhaitions écouter ce que les 150 citoyens tirés au sort avaient à nous dire sur le sujet.
C'est ce que nous avons fait. Mme Élisabeth Borne a reçu 149 propositions, qui ont été étudiées. Parmi celles-ci, vous l'avez rappelé, figurent des dispositions concernant l'écocide.
Les difficultés soulevées par la notion d'écocide que j'avais eu l'occasion d'évoquer devant vous au printemps 2019, et en décembre dernier à l'Assemblée nationale, demeurent. Elles sont de deux ordres. D'une part, d'un point de vue procédural, on ne peut pas soumettre cette proposition au référendum, puisqu'elle porte sur la législation pénale, qui ne fait pas partie du champ de l'article 11 de la Constitution. D'autre part, sur le fond, notre Constitution repose sur l'exigence, que vous partagez certainement, de la précision de la loi pénale.
Or les conclusions de la Convention citoyenne vous avez vous-même évoqué une « écriture audacieuse » évoquent le crime d'écocide dans des limites planétaires. Elle fait même référence au « dépassement des limites planétaires ».
M. Jérôme Bascher. C'était un peu juste, en effet !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne suis pas tout à fait certaine que cette notion corresponde à l'exigence de précision de la loi pénale figurant dans notre constitution.
Pour autant, monsieur le sénateur, la question de l'atteinte à l'environnement est une vraie question. J'ai eu l'occasion de le dire devant vous, avec ma collègue Élisabeth Borne, à propos du texte sur le parquet européen, texte dans lequel nous avons institué des juridictions pour l'environnement et une nouvelle procédure, à savoir la convention judiciaire pour l'environnement. Nous sommes prêtes, dans ce cadre, à réfléchir à un délit plus général de pollution des eaux, des sols et de l'air, qui pourrait trouver place dans notre droit pénal de l'environnement.
M. le président. Veuillez conclure, madame la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ainsi, sur l'incitation de la Convention citoyenne, nous pourrons réfléchir ensemble à ces éléments. Nous croyons beaucoup à toutes ces propositions, que nous soumettrons bien évidemment au Parlement.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.
M. Jérôme Durain. Madame la ministre, je vous parle d'exigence démocratique, et vous me répondez exigence de précision de la loi pénale. Dans Le Monde d'hier, Dominique Rousseau affirme que, pour déconfiner politiquement la France, il faut reconnaître la compétence des citoyens. Emmanuel Macron lui-même l'avait dit : « J'ai besoin que vous sachiez prendre des options fortes, même radicales, sinon il y aura le filtre de ceux qui les mettront en musique. »
Attention à ne pas trop filtrer : on peut finir par faire déborder ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
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