Question de Mme DUMAS Catherine (Paris - Les Républicains) publiée le 11/06/2020
Mme Catherine Dumas attire l'attention de M. le ministre de la culture sur la situation préoccupante des bouquinistes à Paris.
Elle rappelle que depuis plusieurs siècles, les bouquinistes participent au charme de la capitale française et font le bonheur de nombreux touristes. Ce métier implanté dans la capitale depuis le XVIe siècle est devenu un véritable symbole culturel de la ville de Paris. Aujourd'hui, on ne recense qu'un peu plus de 200 bouquinistes, exploitant près de 1 000 boîtes pour un total d'environ 300 000 objets présentés (livres, affiches, dessins...).
Elle note que plusieurs éléments récents mettent en péril la perpétuation de leur activité. D'une part l'accessibilité et la rapidité de la vente sur internet influencent les clients à ne plus se déplacer, y compris dans la vente d'occasion. D'autre part, les bouquinistes sont victimes de la décision prise par la ville de Paris concernant les aménagements et la piétonisation des voies sur berges en quais bas alors qu'ils se situent eux-mêmes en quais hauts. Beaucoup de piétons ne passent donc plus devant leurs échoppes.
Elle souhaite donc savoir s'il envisage un plan de sauvegarde qui permettrait aux bouquinistes parisiens de ne pas disparaitre, à moyen ou long terme.
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Réponse du Ministère de la culture publiée le 17/06/2020
Réponse apportée en séance publique le 16/06/2020
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteure de la question n° 1211, adressée à M. le ministre de la culture.
Mme Catherine Dumas. Monsieur le ministre, je tiens à évoquer la situation préoccupante des bouquinistes à Paris.
Descendants des colporteurs ambulants de l'Ancien Régime, les bouquinistes ont connu une histoire mouvementée, intimement liée à l'histoire de Paris. Ces férus de littérature et de beaux ouvrages, âgés de 20 à 90 ans, sont les gardiens et les promoteurs de notre culture française.
Anatole France les surnommait « les braves marchands d'esprit ». Avec leurs 300 000 bouquins et leurs 900 boîtes vert wagon, ils nous invitent aujourd'hui à parcourir quatre kilomètres de livres anciens ou contemporains, de gravures, de timbres et de revues. Emblèmes du Paris historique, ils participent au charme des bords de Seine : ils constituent une animation touristique, une attraction culturelle, un patrimoine littéraire et historique unique qu'il faut bien sûr préserver.
Sur l'initiative de l'association culturelle des bouquinistes de Paris, laquelle regroupe près de 80 % de ces professionnels, et des maires des Ve et VIe arrondissements, Florence Berthout et Jean-Pierre Lecoq, ces 227 petites librairies à ciel ouvert ont fait leur entrée en février 2019 au patrimoine culturel immatériel français : c'est un premier pas vers le classement au patrimoine mondial de l'Unesco.
Déjà pénalisée par les gilets jaunes, puis par les grèves des transports, la profession a une nouvelle fois été durement touchée par la crise sanitaire. Il serait malheureux que ces libraires de la Seine disparaissent, alors que bien des villes dans le monde, telles Tokyo, Montréal ou Pékin, se sont inspirées de ce modèle.
Monsieur le ministre, envisagez-vous un plan de sauvegarde j'emploie ce terme à dessein, en référence au patrimoine immatériel de l'Unesco pour préserver cette profession ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre de la culture. Madame la sénatrice Dumas, vous avez raison : les bouquinistes de Paris représentent bien notre capitale ; ils incarnent, le long de la Seine, un certain art de vivre à la parisienne. Ces librairies uniques en leur genre, avec leurs boîtes vert wagon, sont défendues avec beaucoup de cur par des professionnels exceptionnels, les bouquinistes, qui doivent être accompagnés.
En 2019, le ministère de la culture a précisément accompagné l'association culturelle des bouquinistes de Paris dans ses démarches d'inscription à l'inventaire national du patrimoine culturel immatériel. J'en suis convaincu, le savoir-faire de ces professionnels doit être préservé, et même sauvegardé, pour reprendre votre terme.
Vous le savez, pour tout ce qui concerne la gestion au quotidien, l'autorité régulatrice de ce secteur, c'est la Ville de Paris. Pour autant, le ministère de la culture est très attentif à l'avenir des bouquinistes, comme à l'avenir de toutes les librairies, à Paris et partout en France.
Bruno Le Maire et moi-même, sous l'autorité du Premier ministre, avons mis en uvre un plan d'envergure en faveur des librairies ; il s'inscrit dans le cadre du dispositif 2020 pour la sauvegarde du secteur du livre, lequel représente plus de 230 millions d'euros. Comme nous l'avons annoncé tout récemment, nous avons renforcé les mesures en faveur des librairies, notamment les librairies indépendantes.
Ainsi, nous veillons à accompagner les librairies les plus en difficulté. Au total, 25 millions d'euros vont être confiés au Centre national du livre (CNL) pour accompagner ces librairies. En outre, au-delà des aides proposées par le CNL, 7 millions d'euros seront déployés cette année, et 6 millions d'euros l'année prochaine, pour accompagner la modernisation des librairies.
Dans le cadre de nos discussions avec la Ville de Paris et le CNL, une partie de ces moyens pourront-ils être fléchés vers les bouquinistes ? Pourquoi pas : il faut y travailler. C'est ce que je vous propose de faire. Bien sûr, je resterai en contact avec vous sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour la réplique.
Mme Catherine Dumas. Monsieur le ministre, merci de votre réponse. Il s'agit d'un sujet très important. Les Parisiennes et les Parisiens sont très attachés aux bouquinistes. Je ne manquerai pas de solliciter une nouvelle fois la Ville de Paris, que vous avez évoquée, même si, sur ce sujet, elle n'est pas toujours au rendez-vous. En tout cas, j'ai pris bonne note de votre réponse et je compte sur vous : nous devons continuer à protéger ces passionnés, héritiers d'une longue tradition, qui conservent le charme de Paris !
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