Question de Mme PROCACCIA Catherine (Val-de-Marne - Les Républicains) publiée le 14/05/2020

Mme Catherine Procaccia attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la continuité de l'activité des juridictions après la période de confinement.

Le système judiciaire est aujourd'hui à la peine. Depuis l'annonce du confinement, seule l'activité pénale d'urgence est maintenue avec les comparutions immédiates et le contentieux des libertés. Le nombre de magistrats présents est inférieur à celui prévu par le plan de continuité d'activité et se chiffre à moins de 15 % des effectifs habituels.

Contrairement à d'autres professions, le télétravail est une option qui paraît bien lointaine pour un système où la présence du juge est imposée par les textes, ainsi que celle d'un greffier. Ces présences ayant naturellement été empêchées, ou à tout le moins limitées pendant cette période, l'entière chaîne de décision s'en est trouvée atténuée. Depuis deux mois, c'est le système presque dans son intégralité qui est à l'arrêt.

Pourtant, avec une première phase de déconfinement prévue pour le 11 mai 2020, les greffes de toutes les juridictions vont se retrouver submergés par des dossiers à régulariser. Les magistrats et greffiers se plaignant d'un manque de moyens depuis plusieurs années, il est à craindre un engorgement complet du système qui mettrait alors plusieurs mois avant de retrouver un fonctionnement optimal.

Certains de nos pays voisins sont pourtant bien en avance sur la dématérialisation dans l'organisation de la justice, ce qui a permis de limiter le retard des juridictions. Ainsi en Autriche, les magistrats rendent des décisions de chez eux grâce à des applications de vidéoconférences et d'outils numériques afin que les jugements puissent prendre effet immédiat. L'Espagne, quant à elle, réfléchit à écourter les vacances d'été des magistrats afin de faire face à l'afflux de dossiers non traités.

La volonté des gouvernements successifs a toujours été depuis les années 2000 de s'orienter vers une dématérialisation plus grande et plus importante. Pourtant, cet épisode ne fait que mettre en exergue notre retard par rapport à d'autres pays ou, peut-être plus globalement, par rapport à notre temps. Elle souhaiterait dès lors connaître le plan de reprise d'activité des juridictions françaises pour l'après confinement et, dans un deuxième temps, qu'il lui soit communiqué les éléments liés à la dématérialisation du système judiciaire, mis à jour par rapport à ceux présentés lors du vote de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 10/06/2021

Si l'ensemble des juridictions ont été fermées au public, des plans de continuation d'activité ont été mis en œuvre dès le 16 mars 2020. Les deux ordonnances du 25 mars 2020 relatives à la Justice ont permis d'alléger et d'aménager l'activité des juridictions pénales et civiles pendant le confinement.  L'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 relative aux juridictions pénales a ainsi prévu des mesures dérogatoires pour garantir leur fonctionnement, comme la généralisation des procédures à distance et à huis clos, ou encore la libération anticipée des personnes condamnées et la possibilité d'une réduction de peine supplémentaire de deux mois. L'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 relative aux juridictions judiciaires ne statuant pas en matière pénale, a également introduit des règles d'organisation et de procédure qui dérogent aux dispositions de droit commun, afin d'assouplir la tenue des audiences, permettre l'information des parties et assurer le contradictoire par tout moyen. Ont ainsi été modifiées les règles relatives à la compétence territoriale (possibilité de transfert de compétence territoriale) et aux formations de jugement des juridictions de l'ordre judiciaire (recours facilité au juge unique), ainsi que celles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence et aux modalités de saisine et d'organisation du contradictoire. La mise en œuvre de ces ordonnances s'est accompagnée d'une priorisation dans le traitement des contentieux et d'un recours très important au travail à distance. La crise a mis en lumière la nécessité de renforcer les capacités de travail à distance des greffes, ce qui passe par un taux d'équipement en ultra-portables plus important pour les greffes (notamment civils) et par la possibilité d'accéder à distance aux applicatifs. S'agissant de l'accessibilité des applicatifs pénaux, Cassiopée et APPI sont accessibles à distance et permettent le télétravail. Seule la problématique d'équipement en ultra-portables, déjà évoquée, notamment pour le greffe constituent un frein au travail à distance. S'agissant de l'accessibilité des applicatifs civils, s'il était impossible lors du premier confinement, d'accéder à distance à Winci, pour accélérer le retour à la normale de l'activité des juridictions, de nombreuses actions ont été mises en œuvre dès le début de la crise pour favoriser le travail à distance du personnel judiciaire et notamment à l'endroit des magistrats : – Amélioration des capacités des accès à distance avec le renforcement des capacités du VPN, – Outre les 13.000 ultraportables dont était déjà équipés les services judiciaires : commande de 1 500 ultra-portables passée par la DSJ pour combler une partie des besoins prioritaires identifiés par les juridictions (365 UP livrés à la fin du mois d'avril. Une seconde vague de 673 interviendra début juin et une dernière vague de 462 sera livrée fin juin). Un plan d'équipement plus large est également en cours d'élaboration au niveau du ministère pour une couverture à 100 % des besoins de travail en mobilité, notamment ceux des greffiers civils. A fin décembre 2020, 18 120 ultraportables sont déployés. Si l'on considère que 90 % des magistrats (sur une population de 8 500) en sont dotés, ce sont donc 10 470 qui pourront ainsi être attribués au personnel de greffe. Sur une population de 20 940 greffes, c'est bien 50 % qui se verra attribuer un matériel permettant le télétravail. – Des protocoles ont été conclus avec le CNB pour faciliter l'envoi de demandes d'actes, conclusions et pièces pour la mise en œuvre des dispositions de l'ordonnance pénale n°2020-305 du 25 mars portant adaptation des règles de procédure pénale pour faire face à l'épidémie du covid-19 ; – La mise à disposition de la plateforme d'échange sécurisée externe, PLEX, pour les échanges entre les juridictions et les avocats en matières pénale et civile plus particulièrement le dépôt dossier de pièces volumineuses ; – La mise à disposition d'un dispositif de télé-audiences à partir du 3 juin au tribunal judiciaires de Paris, à des fins d'expérimentations, et généralisation à partir du 6 juillet sur l'ensemble des juridictions avec plus de 200 créneaux disponibles ; – L'extension du dispositif de saisine par voie dématérialisée des injonctions de payer a été proposée à la CA de Paris, Marseille, Versailles, Bordeaux, Lyon, Metz, Douai.  S'agissant des applicatifs civils actuels, des travaux ont permis en définitive l'accessibilité de Winci à distance lors du deuxième confinement et ainsi la possibilité de travailler à distance pour les greffes civils. Enfin, une nouvelle trajectoire du projet Portalis (destiné à remplacer les 9 applicatifs civils actuels par un applicatif unique rénové, accessible depuis internet et permettant par construction le travail à distance des greffes) est actée : elle consiste à accélérer le développement des fonctionnalités cœur du tribunal judiciaire comprenant la communication électronique avec les avocats. Les fonctions associées à la dématérialisation native interviendront ensuite. Une première expérimentation du module procédure sans représentation obligatoire était prévue à la fin de l'année 2020 dans les juridictions prudhommales pour un déploiement en 2021. S'agissant du retard pris dans les juridictions, malgré la mobilisation des magistrats et fonctionnaires de greffe, la capacité de traitement des affaires au sein des juridictions s'en est trouvée affectée. Plusieurs initiatives locales destinées à réduire le délai de traitement des procédures, dont certaines résultaient de l'initiative de barreaux locaux, ont été recensées. Un groupe de travail pluridisciplinaire a été mis en place pour réfléchir à des mesures concrètes, permettant aux juridictions de résorber leurs stocks et a rendu ses conclusions le 31 mars dernier. Ces préconisations ne vont pas manquer d'être prises en compte rapidement. Par ailleurs, un recrutement historique de 1 000 agents en renfort va être mis en place à partir de mai 2021 au profit des juridictions pour résorber les stocks des affaires civiles après un précédent recrutement de plus de 900 agents au profit de la justice pénale de proximité en décembre dernier pour les tribunaux.

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