Question de Mme GOY-CHAVENT Sylvie (Ain - NI) publiée le 07/05/2020

Mme Sylvie Goy-Chavent appelle l'attention de M. le Premier ministre sur le régime de responsabilité des maires dans le cadre de la crise du Covid-19.
La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 a considérablement renforcé les prérogatives du Gouvernement et elle limite de façon drastique les pouvoirs de police du maire.
Toutefois, alors même que l'État décide de la conduite à tenir, la responsabilité du maire pourrait toujours être engagée sur la base de l'article L. 2212-2, alinéa 5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qui lui confie « le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, […] les maladies épidémiques ou contagieuses […], de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours », complété par les dispositions de l'article L. 2212-4 du même code, selon lequel, « en cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution de mesures de sûreté exigées par les circonstances... ».
Dès lors, dans le cadre de l'état d'urgence il serait légitime que l'État assume toutes ses responsabilités et que la responsabilité des maires ne puisse-t-être engagée qu'en cas de manquement grave.
Cette initiative serait de nature à rassurer les maires et elle permettrait sans aucun doute d'accélérer la reprise.
Elle le remercie de lui indiquer ce qu'il compte faire en urgence à ce sujet.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 03/09/2020

Lorsque les maires n'ont pas causé directement le dommage, par exemple pour les infractions non intentionnelles telles que les blessures involontaires en cas de contamination par le covid-19 sur les lieux dont le maire a la responsabilité, notamment les écoles, les conditions d'engagement de leur responsabilité pénale sont restrictives. Pour de telles infractions non intentionnelles, la loi exige depuis la loi dite « Fauchon » du 10 juillet 2000 que la faute soit plus importante lorsque le lien de causalité avec le dommage est indirect. Le quatrième alinéa de l'article 121-3 du code pénal prévoit ainsi que « les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter », ne sont responsables que si elles ont commis : - Soit une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; - Soit une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer. Par conséquent, la faute pénale non intentionnelle des maires ne peut être retenue dans de telles circonstances qu'en cas de faute d'une particulière intensité. Par ailleurs, l'article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions a introduit dans le code de la santé publique un article L. 3136-2 relatif aux conditions d'engagement de la responsabilité pénale en cas de catastrophe sanitaire. En application de cet article, l'article 121-3 du code pénal est applicable « en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l'auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l'état d'urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu'autorité locale ou employeur ». Ce nouvel article constitue une disposition interprétative de l'appréciation in concreto de la faute d'imprudence ou de négligence énoncée par le troisième alinéa de l'article 121-3 du code pénal. Il rappelle ainsi que seul peut être considéré comme fautif un comportement qui n'est pas celui d'une personne normalement diligente au regard des circonstances de l'espèce. Ces dispositions exigent des juridictions qu'elles se livrent à une analyse approfondie des situations, c'est-à-dire du contexte très particulier dans lequel ont été prises les décisions, afin de pouvoir caractériser l'existence d'une faute d'imprudence ou de négligence de la part des décideurs. Les conditions restrictives d'engagement de la responsabilité pénale exposées ci-dessus doivent ainsi permettre aux maires de poursuivre leur mission au service de leur commune sans que le risque pénal les empêche, dans le contexte de la crise sanitaire, de prendre les décisions qu'ils estiment devoir prendre dans l'intérêt général de leurs administrés.

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