Question de M. DAGBERT Michel (Pas-de-Calais - SOCR) publiée le 23/04/2020
M. Michel Dagbert attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur les fortes inquiétudes suscitées par l'avant-projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche dans le milieu universitaire et de la recherche.
En effet, celui-ci s'inquiète d'abord pour le financement public de la recherche. Le budget qui lui est alloué reste très inférieur aux besoins, malgré l'objectif fixé de porter l'investissement de l'État dans la recherche à hauteur de 3 % du produit intérieur brut (PIB) et l'augmentation annoncée des crédits de cinq milliards d'euros en dix ans.
Par ailleurs, la volonté de généraliser le financement du secteur par l'appel à projets risque d'accroître les investissements par l'intermédiaire de fonds privés. Ce mode de financement pose le problème de l'orientation donnée à la recherche. Il pourrait limiter la liberté des chercheurs qui devront orienter leurs projets en fonction des priorités déterminées par les différents organismes de financement. La recherche s'en trouverait affaiblie et fragilisée.
Les inquiétudes portent aussi sur la précarisation accrue des personnels. En effet, il est envisagé de créer deux modes alternatifs de recrutement à durée limitée : le contrat à durée indéterminée de projet, qui s'arrête à la fin du projet, et le contrat de « tenure track », contrat à durée déterminée qui ne débouche sur un poste permanent de la fonction publique qu'après plusieurs années, la titularisation étant conditionnée aux résultats académiques et à l'obtention de financements.
Enfin, de façon générale, le milieu scientifique dénonce la philosophie globale du projet qui érige la « performance » et la compétition en principes ultimes d'efficacité. Le risque est d'aboutir à la mise en place d'une recherche « à deux vitesses », les moyens étant prioritairement attribués aux laboratoires jugés les plus rentables et les plus performants.
Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il entend prendre afin de répondre aux différentes inquiétudes exprimées par les acteurs de la recherche.
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Transmise au Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation publiée le 10/12/2020
Annoncé le 1er février 2019 par le Premier ministre, le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 a été définitivement adopté par le Parlement le 20 novembre 2020. - La programmation de la recherche est d'abord une réponse au besoin de financement massif dont notre recherche a besoin. Cela fait plus de 20 ans que le constat du sous-financement de la recherche publique française est posé et partagé. C'est pourquoi la programmation de la recherche investira près de 25 milliards d'euros supplémentaires en faveur de la recherche publique au cours des 10 prochaines années. Cet effort spécifique permettra de redonner de la visibilité, du temps et des leviers d'actions à la recherche. Dès l'année prochaine, les moyens budgétaires dont bénéficiera le ministère augmenteront de 606 millions d'euros supplémentaires dont 400 dans le cadre de la programmation de la recherche. En 2022, la programmation de la recherche y rajoutera une nouvelle hausse de 800 millions d'euros, soit 1,2 milliard d'euros supplémentaires en deux ans. Par ailleurs, la programmation permettra d'articuler les moyens du plan de relance dont les 6,4 milliards d'euros fléchés sur la recherche et l'enseignement supérieur qui seront engagés au cours des deux prochaines années viendront en plus des crédits de la programmation de la recherche. Il en va de même de l'investissement dans les équipements de recherche dans le cadre du contrat de plan État Région. Au cours des deux prochaines années, près de 8 milliards d'euros viendront soutenir la recherche. La programmation permettra dès l'année prochaine de rehausser les moyens de base des laboratoires de 10 % supplémentaires. Cet effort sera porté à 25 % supplémentaires dès 2023. Notre pays souffre d'un défaut de financement généralisé qu'il s'agisse du financement de base ou du financement par appel à projet. La programmation de la recherche permettra ainsi de porter le taux de succès de l'ANR à 30 % dans les prochaines années. Dès l'année prochaine, ce taux sera rehaussé de 17 % à 23 % et le préciput, c'est dire la part revenant aux établissements et organismes d'emploi, à 25 % dont 2 % affectés au laboratoire abritant une équipe lauréate. La part dédiée au préciput atteindra 40 % d'ici 2027, permettant de mieux accompagner le financement des politiques de sites, des politiques scientifiques des établissements, ce qui contribuera à mieux financer en base les unités de recherche et les laboratoires, partout sur le territoire. Toutes les universités en bénéficieront. Le texte définitivement voté par le Parlement prévoit par ailleurs une réactualisation de l'engagement de l'État tous les trois ans. Cette clause de revoyure permettra au Parlement de se prononcer régulièrement s'agissant du financement de la recherche et d'en consolider les moyens à l'instar de ce qui existe déjà depuis près de douze ans pour la défense nationale à travers la loi de programmation militaire. - La programmation de la recherche engage par ailleurs une nouvelle donne au service de l'attractivité des métiers de la recherche en vue de faire émerger une nouvelle génération de scientifiques. La programmation permettra de lancer, dès l'année prochaine, un grand plan de revalorisation indemnitaire en faveur des métiers de la recherche, cela dans le cadre spécifique et distinct de l'accord « rémunérations et carrières » signé le 12 octobre 2020 à Matignon en présence du Premier ministre avec le SNPTES, le SGEN-CFDT et l'UNSA. Près de 2,5 milliards d'euros permettront au cours des sept prochaines années de relever significativement et d'harmoniser vos régimes indemnitaires. Cet accord permettra également d'ouvrir une deuxième phase de revalorisation entre 2027 et 2030. Dès l'année prochaine, dans cette logique de convergence et en donnant une priorité aux rémunérations les plus faibles, un maître de conférences titulaire percevra 1000 euros d'indemnités supplémentaires en moyenne et les chargés de recherche percevront 1300 euros de plus. Dans sept ans, la revalorisation des chercheurs et des enseignants-chercheurs sera de 7000 à 8000 euros en moyenne, soit l'équivalent d'un treizième ou d'un quatorzième mois pour les plus jeunes. Près de 80% de cette revalorisation sera de nature statutaire (63 %) ou fonctionnelle (17 %). Dans le cadre de l'accord « rémunérations et carrières », la part individuelle des revalorisations a été limitée à 20% tout en étant assortie de garanties pour une répartition plus large, plus juste, plus transparente et permettant de rendre compte de la totalité de vos compétences et de vos mérites. Toutes les filières et l'ensemble des corps ministériels bénéficieront tout au long des sept prochaines années de revalorisations ainsi que les agents contractuels. Cette revalorisation de la fonction publique de recherche sera accompagnée de mesures de revalorisation salariale et d'attractivité dans les EPIC. Pour la première fois, le Gouvernement s'engage également en faveur du doctorat. Les contrats doctoraux seront revalorisés progressivement de 30 % d'ici 2023 et leur nombre augmentera de 20 % au cours de la programmation. L'objectif est de parvenir, avec les collectivités territoriales, les entreprises et les associations qui contribuent à financer les contrats doctoraux, à proposer une solution de financement à l'ensemble des doctorants avant le terme de la programmation et cela dans l'ensemble des disciplines, notamment dans le domaine des humanités ou des sciences humaines et sociales. Un contrat doctoral de droit privé permettra de mieux accompagner les doctorants souhaitant réaliser leur thèse au sein d'un établissement public industriel et commercial, d'une fondation, d'une association ou d'une entreprise. Afin de répondre à la précarité qui frappe un trop grand nombre de jeunes chercheurs et enseignants-chercheurs, la programmation de la recherche permettra la création d'un cadre juridique sécurisant et adapté pour le post-doctorat qu'il soit réalisé au sein d'un organisme, d'une université, d'un établissement public industriel et commercial ou d'une entreprise. Le CDI de mission scientifique mettra fin à la précarité qui découlait de la loi Sauvadet en permettant de mettre en place un CDI sur ressources propres dans le cadre d'un projet défini. Les vacataires dont la situation est unanimement dénoncée depuis des années seront mensualisés avant le mois de septembre 2022. - L'entrée dans la carrière scientifique sera facilitée par différents dispositifs. Plus aucun maître de conférence ou chargé de recherche ne sera plus recruté à moins de 2 SMIC. Leurs conditions de classement seront améliorées. Les maîtres de conférences et chargés de recherche recrutés récemment bénéficieront de mesures spécifiques de rattrapage afin d'éviter tout enjambement de carrières. Chaque nouveau recruté dans le corps des maîtres de conférences ou dans un corps de chargé de recherche bénéficiera d'un accompagnement de 10 000 euros en moyenne pour commencer ses travaux de recherche. La programmation prévoit également la création de 5 200 emplois sous plafond dont une large majorité de postes de titulaires. Des chaires de professeurs junior pourront être ouvertes, à la demande des établissements, dans la limite de 20% des recrutements annuels dans les organismes de recherche et de 15% dans les universités afin de permettre à certains profils de rejoindre plus facilement la carrière académique dans le cadre d'un contrat de pré-titularisation avant une intégration dans les corps des professeurs ou des directeurs de recherche. S'agissant des maîtres de conférences expérimentés et qui n'arrivent pas aujourd'hui à accéder au corps des professeurs, une première mesure, dans le cadre de l'accord négocié avec les partenaires sociaux, permettra sur la durée de la loi de programmation à 2000 maitres de conférences de devenir professeurs par une voie d'accès réservée aux ¾ à ceux qui sont hors classe et pour le reste aux maitres de conférences de classe normale ayant plus de 10 ans d'ancienneté. Dans le cadre de l'accord du 12 octobre 2020, les chercheurs bénéficieront, au sein des organismes de recherche de 1450 possibilités de promotions de grade supplémentaires de manière à rapprocher les corps des chargés de recherche et des directeurs de recherche de la dynamique réelle qui existe en la matière chez les enseignants-chercheurs depuis une dizaine d'années. Ainsi, la programmation de la recherche a été préparée et travaillée de manière à répondre aux attentes de la communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche, tout en redonnant des perspectives et de la visibilité sur le plan des moyens à l'ensemble du système de recherche français.
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