Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - CRCE-R) publiée le 23/04/2020
M. Guillaume Gontard demande à M. le ministre de l'économie et des finances de suspendre l'application provisoire de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada (CETA), dans l'attente de la ratification définitive de cet accord par l'Assemblée nationale et le Sénat.
La crise sanitaire sans précédent à laquelle font face la France et le monde pose plus que jamais la question du danger d'une globalisation économique sans limite, du libre-échange à outrance, des délocalisations industrielles, et de la dépendance de notre pays sur des secteurs aussi essentiels que la pharmacie et l'agriculture.
Alors que notre modèle économique est au bord de l'effondrement, que ses rouages sont remis en cause par la pandémie actuelle, et ceci à une échelle mondiale, l'adoption du traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada semble d'autant plus hors de propos.
Les objectifs affichés du CETA, d'augmenter de 25 % les échanges commerciaux entre les deux régions signeraient en effet l'arrêt de mort des filières agricoles françaises déjà fragilisées par la crise actuelle.
Loin de l'intensification des échanges internationaux, c'est vers l'objectif « zéro carbone », et vers le développement d'une économie locale en circuits courts que les efforts doivent se tourner.
Malgré la méfiance légitime que suscite, parmi de nombreux parlementaires et citoyens, ce traité ouvrant la voie à une concurrence déloyale accrue et à un désastre écologique, en raison des coûts de production moins élevés et des normes sanitaires moins exigeantes au Canada, il a donc été approuvé par le Gouvernement, et ratifié par la seule Assemblée nationale.
Ainsi, il est appliqué de façon provisoire depuis 2017, sans attendre son approbation l'ensemble des États membres de l'Union européenne. Cette décision était déjà plus que douteuse d'un point de vue démocratique. La crise actuelle la rend parfaitement aberrante. À l'heure où des mesures en faveur d'une transition écologique et sociale, et de relocalisation de notre production doivent être engagées pour retrouver notre souveraineté perdue et lutter contre le désastre climatique, il faut mettre fin au libre-échange, principal responsable de l'incapacité de nombreux États dont la France, à faire face à la pandémie actuelle.
Pire encore, cet accord n'a jamais été ratifié par le Sénat, ce qui pose la question de l'effectivité du débat démocratique. Plus le temps passe, plus l'application provisoire de ce traité sans ratification sénatoriale s'apparente à un déni de démocratie.
Il lui demande donc de suspendre l'application provisoire du CETA, dans l'attente de son examen par le Sénat.
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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la relance
Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 28/01/2021
Le Gouvernement est également particulièrement vigilant quant à l'impact de l'AECG/CETA sur le développement durable. D'après une étude d'impact réalisée par le CEPII, utilisant les méthodologies de modélisation macroéconomique les plus avancées et publiée en juin 2019, l'impact de l'AECG/CETA sur les émissions de CO2 au niveau mondial devrait être très limité (moins de 0,01 % d'émissions supplémentaires d'ici 2035), notamment en raison de l'importance relative de l'économie canadienne et de la substitution du transport maritime (de l'UE vers le Canada) au transport routier (intra-UE). L'AECG/CETA s'est également accompagné d'initiatives prises avec le Canada, partenaire qui partage nos valeurs dans la réalisation de nos objectifs en matière de développement durable. Ainsi, l'UE et le Canada ont affirmé dès la première réunion du Comité mixte de l'accord, le 26 septembre 2018, leur engagement à coopérer pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris. Les enceintes techniques établies par l'accord (dont les agendas et comptes rendus sont publics) offrent à l'UE et au Canada une plateforme de dialogue et de coopération sur le développement durable (lutte contre le changement climatique, de protection de la biodiversité, de lutte contre la déforestation, de promotion des technologies vertes, de responsabilité sociale des entreprises, etc.). L'AECG/CETA met également en place un forum d'échange entre les sociétés civiles de l'UE et du Canada pour leur permettre de contribuer elles-aussi à ces engagements ambitieux de coopération. Ce forum s'est déjà réuni à deux reprises, la dernière édition ayant eu lieu le 12 novembre 2019, pour discuter de la lutte contre le changement climatique, la coopération UE-Canada sur les standards sociaux avec leurs partenaires commerciaux respectifs, et la mise en uvre des chapitres commerce-développement durable de l'accord. Le compte rendu de cette réunion, ainsi qu'une captation de l'évènement (en français) sont publiés en ligne. Sur le plan bilatéral, la France a mis à profit le contexte du renforcement de nos relations politiques et commerciales avec le Canada pour signer avec ce dernier un partenariat pour le climat le 16 avril 2018, dont les réalisations font l'objet d'un tableau d'information publié en ligne et mis à jour régulièrement. Il a notamment permis l'organisation conjointe d'ateliers à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) sur les interactions entre le commerce et le changement climatique sur le soutien mutuel des politiques climatiques et commerciales, ou encore sur la contribution du secteur privé, notamment du secteur des transports. Conformément au plan d'action CETA du Gouvernement et suite aux travaux engagés par la France, le Canada a en outre accepté le principe d'un mécanisme d'interprétation conjointe du chapitre « investissements » de l'AECG/CETA (appelé « veto climatique »), afin de renforcer plus encore les garanties offertes par l'accord sur le droit à réguler des États ; ce mécanisme devrait être définitivement adopté par le prochain comité mixte de l'AECG/CETA. Ce mécanisme inédit, qui aura force obligatoire devant le tribunal d'investissement qui sera mis en place par le CETA, permettra ainsi de prévenir tout recours abusif devant la juridiction arbitrale contre des mesures prises pour préserver le droit à réguler, tant à des fins de lutte contre le changement climatique, de préservation de la biodiversité que de questions sanitaires. Dans un environnement commercial en proie aux tensions internationales et au risque sanitaire ou climatique, l'AECG/CETA constitue un élément utile, en assurant à nos entreprises une stabilité face à l'incertitude économique et un filet de sécurité en cas de délitement du cadre multilatéral existant [ii]. Parce qu'il renforce nos liens avec un de nos partenaires historiques, l'AECG/CETA contribue aussi à la résilience et à la diversification de nos approvisionnements extérieurs, de nos chaînes de valeur et de nos débouchés à l'exportation, participant de ce fait à une plus grande autonomie stratégique de l'UE et de la France face aux crises à venir. Pour ces raisons, le Gouvernement ne reviendra pas sur l'application provisoire de l'AECG/CETA, qui engage la qualité de la signature de la France. Il maintiendra en parallèle ses efforts de vigilance et de transparence, notamment vis-à-vis du parlement, pour assurer une mise en uvre exemplaire de l'accord, comme il s'y est engagé dans son plan d'action AECG/CETA du 26 octobre 2017 et en rend régulièrement compte, et continuera à défendre un haut niveau d'exigence de nos accords en matière de développement durable et de protection de nos filières sensibles. À ce titre, la reprise dans le Pacte vert de la Commission européenne de plusieurs propositions emblématiques de la France, dont la proposition d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) de l'UE en 2021 et celle d'inclure le respect de l'Accord de Paris comme élément essentiel des futurs accords commerciaux globaux de l'Union européenne est encourageante, et le Gouvernement travaille étroitement avec la Commission européenne pour mettre en uvre ces mesures de manière ambitieuse. [i] https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/filie_res_sensibles_-_note_de_couverture_janvier_2020_cle8d4c1c.pdf [ii] A ce titre, il est intéressant de rappeler que le Canada fait partie des partenaires de l'UE dans l'établissement d'un système plurilatéral de règlement des différends commerciaux palliant le blocage actuel de cette fonction de l'OMC.
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