Question de M. GREMILLET Daniel (Vosges - Les Républicains) publiée le 09/04/2020

M. Daniel Gremillet interroge Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur le maintien de l'obligation de réunir, trimestriellement, les assemblées délibérantes locales et sur les attributions déléguées au président d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ou non.

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 habilite le Gouvernement à prendre, dans un délai de trois mois, à compter de sa publication, toute mesure relevant du domaine de la loi, afin de préciser notamment les modalités d'adaptation des procédures liées à cette épidémie.

L'ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 vise à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin d'y faire face.

Hors de toute période d'urgence sanitaire, les textes stipulent que les assemblées locales doivent se réunir au moins une fois par trimestre sauf pour les syndicats n'ayant qu'une seule compétence, les « syndicats intercommunaux à vocation unique (SIVU) » lesquels n'ont à se réunir qu'une fois par semestre. L'ordonnance du 1er avril 2020 suspend
l'obligation trimestrielle de réunion des assemblées délibérantes, en même temps qu'elle assouplit considérablement les règles de fonctionnement de ces assemblées et des exécutifs.

Or, cette suspension ne concerne pas toutes les collectivités et tous leurs groupements. En effet, il semble que l'ordonnance ne couvre pas l'intercommunalité. En effet, il ressort du texte de l'ordonnance que ses rédacteurs ont considéré que le droit municipal était rendu applicable par renvoi aux EPCI, alors même que les groupements intercommunaux ont leur texte à eux, à savoir l'article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Ainsi, dans sa version du 1er mars 2020, modifié par la loi nᵒ 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, il stipule que les dispositions relatives au fonctionnement du conseil municipal sont
applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des EPCI. Dès lors, ils ne sont pas dispensés de ces réunions trimestrielles.

Par ailleurs, l'assemblée des communautés de France considère que les vingt-neuf matières habituellement délégables au maire, sont comprises dans les attributions déléguées au président par l'ordonnance. La raison avancée est que le CGCT suit deux logiques différentes selon qu'il s'agit du maire ou du président d'intercommunalité : s'il établit une liste limitative pour le maire (art. L. 2122-22), il permet que tout soit délégué au président hormis certaines exceptions.

Ainsi, l'ordonnance poursuit en posant que le président de l'EPCI (à fiscalité propre ou non) exerce, par délégation, l'ensemble des attributions de l'organe délibérant, à l'exception d'un certains nombres d'entre elles qui ne peuvent habituellement pas être déléguées (CGCT, art. L. 5211-10) : le vote du budget, des taux et des tarifs ; l'approbation du compte administratif ; les dispositions à caractère budgétaire prises à la suite d'une mise en demeure par la chambre régionale des comptes...

Cette rédaction et son application risque d'une part, de générer des recours contre la décision implicite ou explicite de réunir l'organe délibérant même si le fait de ne pas réunir un organe délibérant n'est pas en soi un acte pourvu de réelle sanction sauf si la réunion est demandée par des élus ou le préfet et, d'autre part, de créer une instabilité politique et démocratique et contrevient, également, au droit de l'opposition.

Aussi, il demande au Gouvernement de bien vouloir adapter ou corriger l'ordonnance du 1er avril 2020 afin de clarifier le maintien de l'obligation de réunir trimestriellement les assemblées délibérantes pour les EPCI, et, d'autre part, d'éclairer les présidents d'EPCI, à fiscalité propre ou non, sur les matières habituellement délégables au maire afin de savoir si celles-ci sont comprises dans les attributions déléguées au président par l'ordonnance.

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Transmise au Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales


Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 04/02/2021

Le II de l'article 3 de l'ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020, tel que modifié par l'article 5 de l'ordonnance n° 2020-562 du 13 mai 2020 dispose qu'« Il n'est pas fait application de l'obligation trimestrielle de réunion de l'organe délibérant des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale prévue au premier alinéa des articles L. 2121-7, L. 3121-9, L. 4132-8 et L. 5211-11 du code général des collectivités territoriales et au premier alinéa de l'article L. 121-8 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie ». Ainsi, l'ordonnance du 1er avril 2020, dans sa version modifiée par l'ordonnance du 13 mai 2020 avait bien prévu, jusqu'au 10 juillet 2020, une dérogation à l'obligation de réunion trimestrielle des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), avec ou sans fiscalité propre. S'agissant des délégations d'attributions, les dispositions du II de l'article 1er de l'ordonnance du 1er avril 2020 confiaient de plein droit au président de l'EPCI, au plus tard jusqu'au 10 juillet 2020 inclus, l'exercice de l'ensemble des attributions qui pouvaient normalement lui être déléguées par l'organe délibérant sur le fondement de l'article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Dans le régime de droit commun, l'article L. 5211-10 du CGCT permet à l'organe délibérant des EPCI de consentir, par délibération, de larges délégations d'attributions à l'exécutif. Il peut en effet déléguer, soit personnellement au président ou aux vice-présidents ayant reçu délégation dans les conditions exposées à l'article L. 5211-9 de ce même code, soit au bureau collégialement, toutes ses attributions à l'exclusion des sept qui lui sont expressément réservées par ce même article L. 5211-10. À l'inverse, l'article L. 2122-22 du CGCT énumère de manière limitative les attributions, actuellement au nombre de vingt-neuf, qui peuvent être déléguées au maire par le conseil municipal. Aucune délégation n'est possible en dehors de ces matières (TA Nice, 7 novembre 1985, Syndicat des commerçants non sédentaires des Alpes-Maritimes, Lebon 438 ; CAA Marseille, 3 juillet 2008, SCI Planet, n° 07MA03520). Aussi le Conseil d'État considère-t-il que les régimes de délégation des attributions de l'organe délibérant à l'organe exécutif qui s'appliquent respectivement aux communes et aux EPCI obéissent à des principes opposés et que les dispositions de l'article L. 2122-22 du CGCT doivent être regardées comme contraires à celles de l'article L. 5211-10 du même code, lesquelles trouvent seules à s'appliquer aux délégations consenties au président de l'EPCI (CE avis, 17 décembre 2003, Préfet du Nord, n° 258616). Dès lors que les délégations accordées au président de l'EPCI couvrent un champ plus étendu que celles qui peuvent être consenties au maire, les attributions que celui-ci peut exercer par délégation du conseil municipal sont, en pratique, comprises dans celles que l'organe délibérant des EPCI peut déléguer au président, tant dans le cadre juridique de droit commun que dans les conditions temporairement applicables qui étaient prévues par l'article 1er de l'ordonnance du 1er avril 2020. Il en va par exemple ainsi de la compétence en matière de marchés publics qui peut être déléguée au maire en application du 4° de l'article L. 2122-22 du CGCT, comme elle peut l'être au président de l'EPCI dès lors qu'elle n'est pas exclue de la délégation par l'article L. 5211-10 du même code. Seules les attributions mentionnées à l'article L. 2122-22 du CGCT qui correspondent à des compétences spécifiquement exercées par les communes ne sont pas comprises dans les délégations qui peuvent être accordées au président de l'EPCI par l'organe délibérant.

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