Question de M. BOCKEL Jean-Marie (Haut-Rhin - UC) publiée le 30/04/2020

Question posée en séance publique le 29/04/2020

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour le groupe Union Centriste.

M. Jean-Marie Bockel. Madame la garde des sceaux, à la suite des annonces que le Premier ministre a faites hier à l'Assemblée nationale, on ne peut que se féliciter de la confiance que le Gouvernement accorde aux territoires pour mener au mieux le déconfinement. Cela passe – nous en avons conscience – par la responsabilité des collectivités territoriales, dans un nécessaire climat de partenariat et de confiance entre ces mêmes collectivités et l'État.

Il reste néanmoins beaucoup de points en suspens. Je pense particulièrement à la responsabilité personnelle, y compris pénale, des employeurs dans le cadre du déconfinement.

Alors que le travail doit reprendre, tous se mobilisent : les employeurs du secteur privé, notamment de PME, les employeurs associatifs, mais aussi les employeurs du secteur public, en particulier les collectivités territoriales et les maires. Tous s'organisent de leur mieux pour permettre à leur personnel de réintégrer leur poste dans le strict respect des consignes sanitaires que le Gouvernement a établies et avec les moyens matériels dont ils disposent.

Toutefois, le risque zéro n'existe pas. Et certaines décisions qui devront tôt ou tard être adoptées, telles que la réouverture progressive des écoles, suscitent des craintes parmi les élus, du fait singulièrement du risque juridique que ceux-ci seront amenés à prendre. La proposition de loi déposée cette semaine par Hervé Maurey vise à remédier à cette difficulté.

Je note également les problématiques du respect des règles sanitaires parmi les gens du voyage et de leur installation dans les zones d'accueil.

Face aux inquiétudes persistantes, envisagez-vous un éventuel aménagement des règles de responsabilité, hors les cas de faute grave, dans un contexte d'état d'urgence sanitaire prolongé ?


Réponse du Ministère de la justice publiée le 30/04/2020

Réponse apportée en séance publique le 29/04/2020

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Bockel, votre préoccupation rejoint celle du Gouvernement. Il serait en effet inconcevable qu'élus locaux, entrepreneurs et employeurs privés s'engagent pour la reprise de l'activité avec la crainte de voir leur responsabilité juridique engagée. Sur ce point, je souhaite vous rassurer.

Les règles posées par le code pénal pour engager la responsabilité des élus locaux ou des employeurs privés pour mise en danger de la vie d'autrui ou pour homicides ou blessures involontaires sont restrictives.

Elles reposent sur la recherche d'un comportement sciemment dangereux, de la prise délibérée d'un risque au mépris de la sécurité des autres. La responsabilité pénale ne peut donc être engagée qu'en cas de violation délibérée d'une loi ou d'un règlement déterminant une obligation particulière de prudence ou de sécurité ou, en l'absence de norme, qu'en cas de faute caractérisée, c'est-à-dire avec la conscience de la mise en danger d'autrui, en s'affranchissant de ce que le bon sens impose.

En matière de droit du travail, c'est-à-dire de responsabilité civile, l'assemblée plénière de la Cour de cassation juge que l'employeur qui prend les mesures de prévention nécessaires respecte ses obligations légales en matière de protection de la santé de ses salariés. Autrement dit, l'obligation de l'employeur est une obligation non pas de résultat, mais de moyens renforcés.

Au regard de ce cadre juridique, je ne vois pas comment les élus locaux ou les employeurs qui donneraient les instructions nécessaires afin d'assurer le respect des gestes barrières et des dispositifs de sécurité pourraient voir leur responsabilité engagée. Si des clarifications textuelles apparaissaient nécessaires, nous pourrions évidemment y réfléchir avec vous.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour la réplique.

M. Jean-Marie Bockel. Je note l'obligation de moyens renforcés que vous évoquez, madame le garde des sceaux.

Permettez-moi de profiter de cette prise de parole pour indiquer à l'ensemble du Gouvernement et au Premier ministre qu'en accord avec le président du Sénat et après avoir auditionné les grandes associations – l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, l'Assemblée des départements de France et l'Association des régions de France – la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales est en train de finaliser un protocole prévoyant douze mesures prioritaires que nous allons proposer au Gouvernement.

À la suite des annonces d'hier, je tiens à souligner que le Sénat apporte sa contribution au partenariat avec les territoires que souhaite le Gouvernement.

- page 3760

Page mise à jour le