Question de M. FÉRAUD Rémi (Paris - SOCR) publiée le 30/04/2020
Question posée en séance publique le 29/04/2020
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Rémi Féraud. « Voilà donc le moment où nous devons dire à la France comment notre vie va reprendre » : ce sont vos mots, monsieur le Premier ministre, et ils témoignent de la gravité du moment.
Nous avons noté votre grande prudence pour procéder à un déconfinement sous conditions, par étapes et sur-mesure selon les territoires. Nous sommes néanmoins très dubitatifs quant aux modalités et aux moyens mis en œuvre, et à cet égard vous ne nous avez pas convaincus.
Trop d'ambiguïtés demeurent. Même la question de la fourniture de masques à chaque Français, posée depuis des semaines, n'est toujours pas entièrement réglée et le flou relatif à la reprise de l'école inquiète les parents, les enseignants et les maires. Les principes qui guident vos décisions en la matière ne sont d'ailleurs pas clairs et ne semblent être ceux ni de la réussite scolaire ni de l'égalité des chances entre les enfants.
Quant à votre réponse à la crise sociale dramatique qui est devant nous, elle n'est pas, à notre avis, à la hauteur de la situation. Nous sommes encore plus inquiets quand nous entendons votre ministre du travail envisager, dès ce matin, de durcir les conditions du chômage partiel au 1er juin ou lorsque nous apprenons votre volonté de maintenir la réforme de l'assurance chômage à la rentrée.
Après vous avoir écouté attentivement hier, je veux vous poser deux questions. Quand et comment allez-vous clarifier toutes les zones d'ombre qui persistent encore, en particulier pour l'école ? Allez-vous enfin mettre l'urgence sociale au cœur de votre politique face à cette crise ?
Réponse du Premier ministre publiée le 30/04/2020
Réponse apportée en séance publique le 29/04/2020
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, avant de répondre aux questions qui viennent de m'être posées, je souhaite m'associer aux propos que vous venez de tenir en hommage à Henri Weber. J'avais beaucoup d'estime et d'affection pour cet élu de la Seine-Maritime et nous avions des amis communs.
Monsieur le sénateur Rémi Féraud, vous m'interrogez sur l'esprit et la méthode auxquels nous allons recourir pour sortir progressivement du confinement qui a été décidé pour les raisons sanitaires que vous connaissez, et pour faire repartir notre pays.
Je l'ai dit hier, je le répète aujourd'hui, et cet état d'esprit ne me quittera pas : nous devons être à la fois prudents et résolus. Prudents, parce que le déconfinement est un processus risqué, et résolus, parce que ne pas déconfiner serait tout aussi risqué.
Nous sommes donc condamnés, d'une certaine façon, à avancer prudemment. C'est la raison pour laquelle j'ai indiqué dans mon propos d'hier que je tenais à ce que les opérations de déconfinement s'effectuent progressivement, avec un pas de temps qui permette, avant qu'une nouvelle étape soit franchie, de vérifier que les mesures prises aboutissent à circonscrire l'évolution du virus.
Il faut donc de la prudence, et de la transparence lors de l'annonce des résultats des mesures prises. C'est le premier aspect.
Le deuxième aspect que j'ai évoqué est celui de la différenciation, de la territorialisation des mesures. Celle-ci se justifie par une raison qui me paraît évidente et qui, j'en suis certain, l'est tout autant dans votre esprit.
Vous évoquez la question des écoles. J'ai indiqué hier la volonté du Gouvernement : permettre la réouverture progressive en commençant par les écoles préélémentaires et les primaires, puis en poursuivant plus tard, dans les zones où cela est possible, par les collèges. Nous verrons le 31 mai, pour le 2 juin, ce qu'il en est des lycées.
Je connais un peu le territoire dont vous êtes l'élu, monsieur le sénateur, et très bien les écoles de la ville dont j'ai été maire.
Dans certaines écoles, les consignes que nous avons données pourront être mises en uvre très facilement en raison de la configuration des locaux, du taux d'occupation et des investissements récents. On pourra ainsi utiliser la totalité de ces locaux, afin que le nombre d'élèves par classe ne dépasse jamais quinze, que les mesures de distanciation physique soient respectées et, dans toute la mesure du possible, que les choses s'organisent au mieux. Dans d'autres établissements, en revanche, les choses seront plus difficiles. Voilà pourquoi nous avons plaidé pour la différenciation. Dans le cadre d'une doctrine générale, les maires, les directeurs d'école et les représentants de l'État pourront entamer un dialogue en confiance et trouver les meilleures solutions pour que l'école reprenne.
On peut ne pas être d'accord sur la nécessité de cette reprise de l'école. Mais je vous le dis tout de go : nous voulons qu'elle reprenne et que les enfants retrouvent le chemin de l'école.
Il nous faut trouver de bonnes solutions pour rendre cela possible, en restant bien entendu extrêmement attentifs à l'ensemble des aspects liés à la sécurité sanitaire. Il y aura donc une discussion locale, territoriale, entre les acteurs de terrain, qui conjugueront leurs efforts pour que l'objectif défini dans cette stratégie nationale puisse être atteint.
Vous nous dites, monsieur le sénateur, qu'il y a du flou. Non ! Il y a une doctrine, qui sera suivie par sa mise en application. Vous avez raison, pas davantage qu'hier je ne détaillerai aujourd'hui l'ensemble des mesures applicables partout en France, car je ne peux pas le faire. Je peux cependant faire état d'une volonté, celle de rouvrir les écoles, et de principes qui ont été fixés dans le détail par le Gouvernement, notamment l'effectif de quinze élèves par classe et la possibilité de proposer une pluralité d'activités.
Je ferai ensuite confiance, ce qui, au fond, ne devrait choquer personne, aux directeurs d'école, aux maires et aux représentants de l'État.
Monsieur le sénateur, si vous pensez qu'il existe une autre méthode pour vaincre une épidémie que de faire confiance à ceux qui sont au plus près du terrain et capables de prendre des mesures intelligentes, compte tenu des objectifs qu'on leur fixe, je vous assure que je serai très heureux de l'apprendre et de pouvoir en discuter avec vous. La méthode que nous avons retenue est celle de la prudence, de la progressivité et de la confiance.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour la réplique.
M. Rémi Féraud. Nous partageons l'objectif de prudence face à la crise sanitaire. Mais il reste très peu de temps pour lever les ambiguïtés sur les modalités, adaptées aux territoires, de la reprise de l'école.
Surtout, vous ne m'avez pas répondu sur l'urgence sociale, monsieur le Premier ministre. Nous aimerions que, sur ce point, vous soyez non pas prudent, mais résolu.
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