Question de M. PATRIAT François (Côte-d'Or - LaREM) publiée le 09/04/2020
Question posée en séance publique le 08/04/2020
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe La République En Marche.
M. François Patriat. Monsieur le président, pour reprendre les propos que vous avez tenus récemment, l'heure est aujourd'hui à la lutte contre l'épidémie, ainsi qu'au soutien aux personnels soignants et à tous ceux qui souffrent de cette monstrueuse maladie.
Monsieur le Premier ministre, la France entre ces jours-ci dans une quatrième semaine de confinement, dispositif qui sera sans doute appelé à être prolongé, chacun en est bien conscient. L'heure est plus que jamais à l'unité nationale, comme ce fut toujours le cas pour notre peuple dans les périodes tragiques. Et j'espère que cette unité nationale sera renforcée, même si je sais que c'est difficile, par une unité européenne.
J'entends bien ici et là se lever les critiques de divers donneurs de leçons, non pas pour informer ou pour participer, mais pour instaurer par avance, à un moment malvenu, des procès. La critique est aisée, mais l'art est difficile.
Or, selon un sondage paru ce matin, 67 % des Français disent avoir bon moral, malgré la situation sanitaire et les mesures de confinement. Nous savons que le pic de la contagion est encore devant nous, même si la courbe s'est heureusement aplanie. Cependant, nul ne peut nier que les conséquences économiques et sociales seront graves et nous affecteront fortement.
À mon tour, je remercie toutes celles et tous ceux qui participent à l'effort national, notamment le personnel soignant, bien entendu, sans oublier les Français qui suivent les consignes de sécurité.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous faire part du bilan de ces trois premières semaines sur le plan de la santé, mais aussi sur les plans économique et social, au vu de toutes les mesures importantes prises par le Gouvernement, le plus souvent avec l'accord de notre assemblée ?
Il s'agit de bien faire comprendre aux Français que leurs efforts paient, afin de les encourager à les poursuivre.
Réponse du Premier ministre publiée le 09/04/2020
Réponse apportée en séance publique le 08/04/2020
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Patriat, vous me demandez un point d'étape sur le confinement.
Cette mesure a été prise conformément à la stratégie suivante : faire en sorte que le nombre de cas sévères de malades qui justifient une hospitalisation et, parfois, une admission dans un service de réanimation ne dépasse pas la capacité d'accueil des établissements français. Tel est l'objectif du confinement.
Pour faire face au nombre élevé des cas sévères, nous avons considérablement augmenté notre capacité d'accueil dans les services de réanimation.
J'y insiste, parce qu'il s'agit en vérité d'un succès à bas bruit. Le système de soins français est passé d'une capacité normale de 5 000 lits de réanimation à plus de 10 000 lits aujourd'hui, tout en continuant d'accueillir, dans des conditions de tension considérable, un nombre de malades en situation grave, souvent pendant une très longue période. C'est exceptionnel.
La mobilisation du système de soins, c'est bien évidemment l'engagement des personnels soignants, il faut le dire et le répéter, mais aussi l'engagement de tous ceux qui concourent à l'offre de soins.
Je pense notamment aux personnels administratifs dans les agences régionales de santé, qui ont accompli un travail remarquable pour permettre, justement, la montée en puissance des capacités de réanimation. Je pense aussi à ceux qui ont organisé les évacuations sanitaires auxquelles nous avons procédé entre régions ou vers l'étranger : ils ont réalisé un exploit logistique qui n'avait jamais été seulement imaginé dans de telles proportions.
Au moment où nous parlons, le nombre d'admissions dans les services de réanimation c'est l'indicateur essentiel que nous suivons à ce stade ralentit, bien qu'il progresse encore ; l'augmentation est désormais très lente.
Nous avons dépassé le seuil des 7 000 personnes en réanimation, ce qui est du jamais vu ! Il n'y avait jamais eu en France autant de personnes dans cette situation à cause d'une seule et même maladie. Et jusqu'à présent, nous avons réussi à accueillir dans ces services tous les cas sévères.
Un élément laisse entrevoir un peu d'espoir vous remarquerez ma prudence, monsieur Patriat. En effet, la progression continuant de ralentir, peut-être sommes-nous en train d'atteindre quelque chose qui ressemblerait à un plateau, ce qui constitue plutôt une bonne nouvelle. Tel est très certainement l'effet du confinement, ce qui vient confirmer la nécessité de cette mesure.
Tel est le bilan sanitaire que je souhaitais dresser. S'il est possible de faire un point d'étape, en revanche, il n'est pas possible d'établir le bilan définitif du confinement, car ce dernier est appelé à durer.
Si tel n'était pas le cas, ou si le confinement n'était pas respecté, nous prendrions le risque ce serait même une certitude d'une propagation très rapide du virus. Aussi, le nombre de cas admis en réanimation augmenterait, alors même que le tissu hospitalier a été sursollicité et qu'il se trouve dans un état de stress et de fatigue qu'il faut évidemment bien avoir en tête.
C'est la raison pour laquelle, je le dis régulièrement, l'heure du déconfinement n'est pas venue. Toute notre énergie doit être consacrée à faire en sorte que le confinement soit respecté, pour que ses effets positifs puissent se confirmer, au travers du nombre de cas sévères admis en réanimation.
J'ajoute qu'un certain nombre d'inquiétudes qui étaient les nôtres, notamment sur la capacité à fournir des médicaments compte tenu de l'augmentation incroyable de l'utilisation de ces derniers, en France et partout dans le monde, à un rythme incroyablement intense, n'ont plus lieu d'être. Nous savons faire face à ce risque, ce dont je me félicite.
Le confinement a donc un effet sanitaire positif s'agissant du Covid-19. Mais il a également un effet sanitaire négatif qu'il convient de ne pas négliger, à savoir le moindre recours aux soins de tous ceux qui sont malades ou susceptibles de l'être. Il peut en effet leur être difficile d'aller chez le médecin ou de trouver un spécialiste, lequel a parfois cessé son activité ; j'ai un exemple précis en tête, dans une ville qui m'est chère.
Le ministre des solidarités et de la santé a été très clair hier s'agissant de cet enjeu sanitaire essentiel : les soins de ville et les examens doivent continuer à être prodigués pendant la durée du confinement. C'est le deuxième point que je voulais souligner.
Le troisième point a trait à l'impact économique, qui est massif, très négatif et brutal. Il se traduira, en France comme partout dans le monde les impacts nationaux se répondront et accroîtront encore le phénomène , par un choc économique que chacun imagine, mais dont personne ne connaît encore l'ampleur.
S'agissant du bilan des mesures prises, le dispositif de chômage partiel, que nous avons proposé et que vous avez adopté, est très fortement sollicité, puisque près de 6 millions de salariés sont aujourd'hui concernés, ce qui est absolument considérable en termes de coût collectif.
Les reports de charges fiscales et sociales ont permis de soulager de près de 7 milliards d'euros la trésorerie des entreprises pour le seul mois de mars dernier. Bien évidemment, c'est aussi quelque chose de considérable.
Le Fonds de solidarité a été abondé par l'État, à hauteur de 750 millions d'euros, par les assureurs, à hauteur de 100 millions d'euros mais ils ont promis 200 millions d'euros et par les régions, qui verseront bientôt leur contribution.
Ce fonds, créé au début de la semaine, a déjà répondu à près de 700 000 demandes. Il a distribué, ou il est sur le point de le faire, 700 millions d'euros aux TPE (très petites entreprises) les plus durement frappées par la crise.
Enfin, le prêt garanti par l'État se déploie rapidement, avec des préaccords de financement qui portent, au moment où je vous parle, sur plus de 13 milliards d'euros.
Même si la réponse est massive, l'impact sera considérable, ne nous voilons pas la face. Il est encore beaucoup trop tôt pour l'apprécier, puisqu'il sera très directement lié à la durée du confinement, lequel est aujourd'hui appelé, de toute évidence, à persister quelque temps encore. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point. (M. François Patriat applaudit.)
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