Question de Mme ROBERT Sylvie (Ille-et-Vilaine - SOCR) publiée le 12/03/2020
Mme Sylvie Robert appelle l'attention de M. le ministre de la culture sur la situation extrêmement délicate que doivent affronter les écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA).
En 2018, deux décrets relatifs aux ENSA ont procédé à une importante réforme du statut des établissements ainsi que du corps des enseignants-chercheurs. Ils traduisaient l'ambition architecturale affirmée dans plusieurs rapports et retranscrite au sein de la loi no 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.
Malheureusement, force est de constater que cette ambition est restée lettre morte, les vingt ENSA devant faire face à une faiblesse structurelle des moyens budgétaires qui leur sont dévolus, alors même que leurs compétences ont été élargies et qu'elles assurent les obligations liées à l'enseignement supérieur et la recherche.
Preuve en est, la dépense moyenne pour un étudiant d'une ENSA s'élève à 7 597 euros, soit un investissement inférieur de 35 % à celui pour un étudiant dans le supérieur - 11 670 euros. De surcroît, les dotations par étudiant selon les ENSA sont très inégales, créant ainsi une rupture d'égalité manifeste entre étudiants, sans explication ni justification aucune.
Enfin, la non-reconnaissance des tâches administratives des enseignants-chercheurs fragilise et paralyse les établissements, tandis que la situation immobilière critique de plusieurs ENSA requiert un engagement financier et de long terme de la part de l'Etat.
Par conséquent, elle lui demande comment le Gouvernement entend répondre à la crise traversée par les ENSA et de quelle manière il compte appliquer la réforme de 2018 afin de faire concorder la recherche en architecture aux enjeux déterminants actuels.
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Réponse du Ministère de la culture publiée le 27/05/2020
Réponse apportée en séance publique le 26/05/2020
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, auteure de la question n° 1172, adressée à M. le ministre de la culture.
Mme Sylvie Robert. Ces dernières années, l'enseignement de l'architecture a fait l'objet d'une attention particulière. Tour à tour, plusieurs rapports ont rappelé la nécessité de l'inscrire dans les dispositifs de l'enseignement supérieur et de la recherche et de lui affecter les ressources nécessaires à ses missions de formation initiale, mais aussi continue, de recherche et d'expertise.
Confortée par la stratégie nationale pour l'architecture et la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, cette ambition architecturale s'est traduite par une réforme du statut des écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA) et du corps des enseignants-chercheurs, concrétisée par la publication de deux décrets en 2018.
Malheureusement, cette ambition se heurte de plein fouet à la faiblesse pour ne pas dire à l'inexistence des moyens budgétaires qui devraient lui être dévolus afin qu'elle puisse réellement prendre corps. Autrement dit, l'écart entre l'ambition théorique affichée et la réalité des budgets qui lui sont consacrés est très important.
Pour preuve, la dépense moyenne pour un étudiant d'une ENSA s'élève à 7 597 euros, soit un investissement inférieur de 35 % à l'investissement consenti pour un étudiant dans le supérieur.
De surcroît, les dotations par étudiant selon les ENSA sont très inégales, créant ainsi une rupture d'égalité manifeste entre les étudiants, sans justification aucune.
Aucun transfert humain et financier n'a non plus accompagné la réforme précitée, puisque plus de soixante postes administratifs sont restés vacants faute de publication sur la bourse de l'emploi public.
Il s'ensuit que les enseignants-chercheurs, accompagnés des agents administratifs volontaires, ont pallié cette défaillance, s'éloignant néanmoins de leurs tâches principales. Cet état de fait ne peut perdurer, vous l'imaginez, sous peine d'épuisement généralisé et de paralysie de l'ensemble des ENSA.
À l'instar d'autres établissements de l'enseignement supérieur, la situation patrimoniale s'avère aussi critique pour plusieurs écoles et un investissement massif se révèle donc impérieux pour mieux accueillir les étudiants et les enseignants.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, il est urgent de répondre aux besoins financiers et humains des ENSA, qui sont amenées encore plus, je le crois à jouer un rôle majeur dans la société de demain.
Par conséquent, quels moyens comptez-vous octroyer aux ENSA pour leur permettre d'accomplir pleinement et sereinement leurs missions, lesquelles, dans le contexte post crise sanitaire, vont s'avérer encore plus essentielles ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre de la culture. Madame la sénatrice Robert, permettez-moi de faire un petit rappel au sujet de la réforme de 2018, aboutissement de plusieurs années de réflexion et de concertation sur les écoles d'architecture, qui tend à les rapprocher du modèle universitaire et s'inscrit dans la stratégie nationale pour l'architecture de 2015.
Dans la foulée, cinq décrets ont permis de mettre en uvre cette réforme : une autonomie scientifique, pédagogique, administrative et financière des ENSA ; un ancrage territorial renforcé avec la présence des métropoles, des régions, des regroupements universitaires et de l'ordre des architectes dans les conseils d'administration ; l'institution auprès des collectivités territoriales d'une mission d'expertise des politiques publiques de l'architecture, du patrimoine, de l'urbanisme et des paysages ; la reconnaissance vous y avez fait référence du statut d'enseignant-chercheur ; l'adaptation des processus de recrutement des enseignants-chercheurs.
La question financière et humaine n'a pas été oubliée, même s'il reste évidemment des chantiers à conduire.
S'agissant d'abord de la question des moyens humains, les postes d'enseignant-chercheur ont été sanctuarisés et 65 postes ont été créés en lien avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Nous avons contribué à la déprécarisation des enseignants-chercheurs avec des transferts de postes de contractuel à titulaire, ce qui a permis un rattrapage à 66 % des titulaires.
Pour autant, et pour le dire clairement, je ne suis sourd ni à ce que vous dites, madame la sénatrice, ni aux inquiétudes et difficultés que m'ont relayées dans une lettre collective des directeurs et des présidents de conseil d'administration, lesquels ont été reçus par mes services et le seront pas moi-même prochainement.
Je leur ai annoncé la publication immédiate des postes administratifs vacants en complément de ceux qui ont déjà été publiés en 2019 ou ouverts au concours pour 2020, l'autorisation de recrutement de 149 enseignants-chercheurs en 2020 et le lancement d'une mission de l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) pour faire un bilan d'étape de la mise en uvre de la réforme.
Alors, bien sûr, la question de l'immobilier est centrale et les besoins d'investissement dans le patrimoine immobilier de ces écoles d'architecture sont importants : on compte 195 000 mètres carrés vieillissants. Cela fait partie des projets sur lesquels nous travaillons.
Je voudrais conclure sur une vision prospective, car j'ai également annoncé dans mon courrier du 4 mars l'ouverture d'une réflexion sur l'avenir de la formation et de la recherche en architecture, en lien avec l'évolution de la profession d'architecte.
Vous le voyez, nous sommes totalement mobilisés sur cette question de l'enseignement supérieur d'architecture.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.
Mme Sylvie Robert. Je vous remercie beaucoup de ces réponses, monsieur le ministre. Vous savez comme moi qu'un certain nombre d'écoles étaient en grève avant la période de confinement. Vous avez annoncé des chantiers très importants qui, comme je l'indiquais dans ma question, s'avéreront l'être sûrement davantage encore, en particulier au regard des questions écologiques, pour lesquelles l'architecture a toute sa part.
Pour que les enseignants, mais aussi les étudiants, puissent faire une rentrée sereine en septembre prochain, le lancement de ces grands chantiers de réflexion est important, mais il est crucial que des moyens soient dégagés à cette fin dans le projet de loi de finances pour 2021.
Je compte sur vous, monsieur le ministre.
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