Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOCR) publiée le 06/02/2020
M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la coopération de l'Union européenne avec les garde-côtes libyens en matière d'immigration. En novembre 2019, l'accord qui avait été conclu entre l'Italie, l'Union européenne et la Libye a été renouvelé. Cet accord a pour objet d'apporter une aide financière et d'assurer la formation des garde-côtes libyens pour s'opposer au départ des personnes exposées à la menace que constitue la traversée de la Méditerranée dans des bateaux présentant de multiples dangers, où elles sont entassées dans des conditions inhumaines, au péril de leur vie. Or, la Libye est en proie à des réseaux de trafics d'êtres humains. Et il apparaît que les personnes interceptées par les garde-côtes libyens alors qu'elles tentent de traverser la Méditerranée sont renvoyées dans des centres de détention au sein desquels les droits humains sont bafoués. La commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe soulignait, à cet égard, dans un rapport rendu public en juin 2019 que « les personnes récupérées par les garde-côtes libyens [ ] sont systématiquement placées en détention et en conséquence soumises à la torture, à des violences sexuelles, à des extorsions et à d'autres graves violations des droits humains ». Dans un rapport provenant de la présidence du Conseil de l'Union européenne et divulgué par le journal The Guardian en novembre 2019, des responsables européens écrivent n'avoir « aucun accès au littoral libyen afin de surveiller les activités des garde-côtes » et reconnaissent ne pas être en mesure de dénombrer les centres de détention de migrants en Libye, certains n'étant pas officiellement déclarés. Le même rapport affirme également que « les établissements représentent un business profitable pour le gouvernement libyen », les garde-côtes libyens exerçant des pressions sur les détenus afin que ceux-ci demandent à leur famille de payer une « rançon » pour obtenir leur libération. Face à cette situation dramatique, la commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a appelé l'Union européenne à suspendre sa coopération avec les garde-côtes libyens « tant que des garanties claires sur le respect des droits humains dans le pays ne seraient pas apportées ». Il lui demande, en conséquence, quelles mesures il compte prendre pour mettre fin aux trafics entraînant des êtres humains à tenter de traverser la Méditerranée dans des conditions très précaires, très dangereuses, et au péril de leur vie, tout en veillant scrupuleusement à ce que les très graves atteintes aux droits humains qui viennent d'être rappelés cessent et que les droits des personnes qui en sont victimes soient intégralement garanties.
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Transmise au Ministère de l'Europe et des affaires étrangères
Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 11/03/2021
Les autorités françaises suivent avec attention la situation dramatique des dizaines de milliers de personnes migrantes et réfugiées présentes en Libye, et tout particulièrement celles qui sont retenues dans des centres de détention, informels comme gouvernementaux. La France rappelle systématiquement aux autorités libyennes les standards internationaux de protection des droits de l'Homme applicables à la rétention des migrants et des réfugiés. La France demande régulièrement aux autorités libyennes de mettre fin à la détention systématique des migrants et réfugiés. Financièrement comme politiquement, la France appuie le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) et l'Organisation internationale des migrations (OIM), qui contribuent à l'évacuation de ces personnes des centres de détention, à la réinstallation de réfugiés vers des pays sûrs et aux retours volontaires et aidés de migrants vers leur pays d'origine. À cet égard, la France poursuit ses efforts directs en matière de réinstallation. Elle est résolument impliquée dans la mise en uvre de l'engagement présidentiel, pris il y a deux ans, d'accueillir 3 000 personnes réinstallées depuis le Niger et le Tchad, parmi lesquelles des réfugiés évacués de Libye. Elle a renouvelé cet engagement pour l'année 2020-2021, et le mettra en uvre dans la mesure où les conditions sanitaires le permettront. Ces engagements s'ajoutent aux aides financières humanitaires accordées par la France, notamment en faveur du HCR pour ses programmes en Méditerranée centrale. Enfin, nous portons également une attention particulière à la situation des déplacés internes libyens, souvent oubliée. En 2019, la France a ainsi financé un projet de déminage dans la ville de Tawargha, afin de permettre le retour de sa population déplacée. Au niveau européen, le Fonds fiduciaire d'urgence (FFU) est mobilisé pour la protection et l'assistance des personnes migrantes et réfugiées vulnérables en Libye. En réponse à la situation sanitaire, la France a soutenu la mobilisation de vingt millions d'euros issus de ce fonds pour atténuer l'impact de la pandémie sur les populations les plus vulnérables en Libye. Afin de lutter efficacement contre le trafic d'êtres humains, l'Union européenne et la France appuient les efforts de la Libye pour contrôler ses frontières dans le respect des standards internationaux et professionnaliser ses corps de garde-côtes. Dans ce domaine, le soutien européen et français à la Libye s'appuie sur plusieurs actions. L'UE contribue à la formation des garde-côtes libyens à travers le FFU. Grâce à la mission EUBAM Libye, l'UE assure également une activité de conseil stratégique sur la gestion des frontières, couplée à la fourniture et à la maintenance d'équipements et de matériels. Enfin, l'opération EUNAVFOR MED Irini, à laquelle la France contribue pleinement, comprend un volet de formation et de soutien capacitaire à la marine et aux garde-côtes libyens et de lutte contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains. Nous assumons ce soutien avec lucidité : la situation que connaît la Libye conduit la France à jouer un rôle moteur au sein de la communauté internationale pour permettre l'adoption de sanctions contre les responsables impliqués avec les milices tripolitaines dans ces trafics. Lors d'une réunion des ministres de l'intérieur des pays de la rive Nord et de la rive Sud de la Méditerranée, ainsi que de la présidence du Conseil de l'Union européenne et de la Commission européenne, le 13 juillet 2020, il a été décidé de renforcer la coopération capacitaire et opérationnelle pour lutter contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains, avec l'appui de l'UE et de ses États membres. Dans le cadre des négociations du Pacte sur l'asile et la migration, proposé par la Commission européenne en septembre 2020, la France soutient le renforcement des outils de coopération avec les pays d'origine et de transit. La Commission européenne devrait proposer dans les prochains mois un nouveau plan 2021-2025 de lutte contre le trafic illicite de migrants, souvent lié à la traite des êtres humains, mettant l'accent sur la lutte contre les réseaux criminels organisés.
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