Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 27/02/2020

Question posée en séance publique le 26/02/2020

M. Fabien Gay. Monsieur le Premier ministre, plus d'un million de personnes soutiennent un référendum sur le projet de privatisation d'Aéroports de Paris.

Après le scandale des autoroutes et avant celui des barrages hydroélectriques, les Français restent opposés majoritairement au bradage de leur patrimoine commun.

Ainsi, 248 parlementaires de tous bords – c'est inédit – se sont associés pour déclencher la procédure du référendum d'initiative partagée (RIP).

Plus d'un million de personnes soutiennent cette initiative, malgré un site internet complexe, digne du Minitel, malgré une information officielle inexistante, malgré un black-out médiatique assourdissant, sans comparaison avec les millions d'euros d'argent public déboursés pour privatiser la Française des jeux ou organiser le grand débat, et malgré le mépris affiché par le Président de la République, qui n'a pas daigné recevoir les parlementaires signataires.

Pourtant, ce soutien apporté par plus d'un million de personnes est une grande victoire démocratique.

Le Président de la République, à l'issue du grand débat national, avait promis d'abaisser le seuil du RIP à un million de soutiens. Nous y sommes !

Monsieur le Premier ministre, vous aviez promis de ne pas toucher à la retraite à 62 ans et vous êtes en train de faire passer au forceps une loi qui va faire travailler les Français au minimum jusqu'à 65 ans. Et là, nous sommes un million de soutiens, et vous envisagez de ne pas organiser le référendum !

Pour redonner confiance en la politique, il est important de tenir ses engagements. Car, si la Constitution ne vous y oblige pas, l'engagement présidentiel vous y invite.

Aussi, plutôt que d'utiliser le 49-3 pour étouffer la colère sociale et bâillonner l'opposition parlementaire sur les retraites, êtes-vous prêt à proposer au Président de la République d'utiliser l'article 11, alinéa 1 de la Constitution, pour donner la parole au peuple français sur la privatisation d'Aéroports de Paris ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)


Réponse du Premier ministre publiée le 27/02/2020

Réponse apportée en séance publique le 26/02/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, j'entends votre question et les remarques qui l'accompagnent, et je ne vous cache pas que je suis un peu surpris par votre lecture du droit actuel.

Vous êtes législateur – c'est éminemment respectable –, et je peux imaginer que, en tant que tel, mais aussi en tant que citoyen, d'ailleurs, vous êtes soucieux de respecter la loi, que celle-ci soit ordinaire ou constitutionnelle.

Or, au travers des éléments que vous avez portés à la connaissance du Sénat et qui accompagnent la question que vous posez au Gouvernement, vous faites une lecture que je crois inexacte de la loi constitutionnelle.

En premier lieu, il ne vous a pas échappé que la procédure dite « du RIP » exige, pour être mise en œuvre – je parle de mémoire et j'espère ne pas être imprécis –, la signature de plus de 4 millions de citoyens.

Mme Éliane Assassi. 4,7 millions !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ce sont donc environ 4,7 millions de citoyens qui doivent signer.

Vous vous êtes engagé avec ferveur dans une campagne qui consistait à faire signer cette pétition par nos concitoyens et, avec les parlementaires à l'origine de cette procédure, vous avez réussi à obtenir un million de signatures.

M. Fabien Gay. C'est une grande victoire !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous pouvez parfaitement estimer que c'est une grande victoire, mais, pour ma part, je peux parfaitement constater – c'est un fait – que vous êtes loin, très loin du seuil de déclenchement prévu par la Constitution, ou plus exactement par la loi organique.

Mme Éliane Assassi. Nous le savons !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, pour aller jusqu'au bout de ma réponse, je me permets de vous dire que, quand bien même vous auriez obtenu ces 4,7 millions de signatures, cela n'aurait pas impliqué immédiatement – vous le savez parfaitement, car vous êtes un législateur assidu – l'examen, sur le fondement de l'article 11 de la Constitution, d'une proposition de loi constitutionnelle.

Mme Éliane Assassi. Ce n'est pas la question !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Cela aurait imposé, ou plus exactement invité à l'organisation d'un débat parlementaire. Et c'est en l'absence d'un tel débat qu'il y aurait référendum. (M. Fabien Gay s'exclame.)

Monsieur le sénateur, j'essaie de vous répondre, et je le fais d'ailleurs avec beaucoup de plaisir. (Rires. – M. Martin Lévrier applaudit.) C'est vrai ! N'y voyez aucune offense : j'aime le débat et je vous réponds avec plaisir !

Je crois, et je me permets de vous l'indiquer, que votre lecture de ce dispositif constitutionnel n'est pas correcte et ne correspond pas à la façon dont il s'applique.

Par ailleurs, vous avez affirmé que le projet de loi que nous portons sur les retraites avait pour effet d'augmenter l'âge de départ à la retraite.

M. Fabien Gay. Je le maintiens !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je me permets, là encore, puisque vous êtes un législateur assidu et précis, d'indiquer que l'engagement que nous avons pris de ne pas modifier l'âge légal sera tenu. (Marques d'ironie sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)

Je le dis d'autant plus volontiers que les réformes précédentes ont déjà eu pour objet de faire cotiser les Françaises et les Français plus longtemps avant de partir à la retraite.

Mme Éliane Assassi. Nous n'en sommes pas responsables : nous les avons combattues !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Reconnaissez-le, c'est une pratique intéressante, peut-être plus discrète, mais pas forcément beaucoup plus respectable, à mon sens.

Monsieur le sénateur, il y a un débat parlementaire à l'Assemblée nationale et, demain, il y aura un débat parlementaire au Sénat sur la retraite. Tant mieux !

J'ai eu l'occasion d'indiquer que, dans ce cadre, je ferai usage de l'ensemble des prérogatives qu'offre à un chef de gouvernement la Constitution, comme je suis certain, monsieur le sénateur, que, de votre côté, vous ferez usage de toutes les prérogatives qu'elle vous offre. Et c'est tant mieux : cela s'appelle la démocratie, et c'est très sain. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

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