Question de M. HUSSON Jean-François (Meurthe-et-Moselle - Les Républicains) publiée le 20/02/2020

M. Jean-François Husson attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse au sujet de l'égalité des chances et de l'égalité de réussite des enfants scolarisés en zone rurale.
Les différentes politiques d'éducation prioritaire déployées par l'État depuis trente ans (parcours des réseaux d'éducation prioritaire - REP et REP+) l'ont été à destination d'enfants scolarisés dans des zones urbaines ou péri-urbaines.
Or les enfants scolarisés en zones rurales connaissent des difficultés croissantes liées à l'évolution de l'offre éducative, de l'emploi de leurs parents ou encore de l'organisation du temps scolaire.
Cette modification du « temps de l'enfant » n'est que très peu prise en compte par l'éducation nationale, ce qui conduit à rajouter à l'éloignement des services publics une injustice sociale préjudiciable pour l'avenir des enfants.
Malgré des sollicitations répétées, le Gouvernement tarde à agir pour saisir les propositions locales et innovantes portées par les élus des collectivités.
Il lui demande donc de préciser les mesures concrètes que le Gouvernement compte prendre pour une politique éducative qui prenne en considération l'avenir de tous les enfants, adaptée aux évolutions sociétales. Il souhaite par ailleurs savoir si les services de l'éducation nationale disposent à l'heure actuelle d'une évaluation globale de l'accès à l'égalité des chances pour les territoires urbains et ruraux.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 27/05/2020

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2020

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, auteur de la question n° 1139, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, la crise que nous traversons met en lumière les fractures éducatives qui durent depuis trop longtemps entre territoires urbains et ruraux. La relance qu'il nous faut préparer peut être aussi l'occasion de révolutionner nos approches et de donner toute sa place à l'éducation en zone rurale, parent pauvre de nos politiques publiques.

Sur ce sujet, deux rapports ont été rendus publics : l'un produit par le Sénat, à la suite des travaux de la mission d'information sur les nouveaux territoires de l'éducation, l'autre par Mme Berlioux, que vous avez missionnée à l'automne dernier.

Premièrement, quelles suites entendez-vous donner à ces deux rapports pour qu'ils ne restent pas lettre morte ?

Deuxièmement, quel calendrier retenez-vous pour réformer la politique éducative dans les territoires, en lien avec la refondation, que vous appelez de vos vœux, de la politique d'éducation prioritaire ? En particulier, comptez-vous sortir, comme le Sénat vous y invite, de la logique binaire qui concentre trop souvent les moyens sur les zones urbaines et périurbaines au détriment de nos territoires ruraux ?

Troisièmement et enfin, quelles mesures comptez-vous adopter pour mieux et davantage prendre en compte le temps de l'enfant, qui, compte tenu des nouvelles pratiques professionnelles des parents, des regroupements scolaires, des temps de trajets ou encore des activités périscolaires, a considérablement évolué ? Ces transformations appellent – c'est une évidence – un soutien renouvelé de l'État, mieux articulé avec les collectivités territoriales !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur Husson, il s'agit également d'une question très importante, et nous devons tous nous unir pour agir en faveur de la ruralité.

Toutes vos questions sont liées : il convient tout d'abord de savoir comment l'éducation nationale peut contribuer au rebond démographique de la ruralité. En effet, une bonne partie des problèmes que vous évoquez sont liés à la baisse du nombre d'habitants dans ces territoires.

À cet égard, j'ai pris un engagement fort, qui commande tous les autres : l'éducation doit contribuer à l'attractivité des villages pour que l'école puisse renaître, car sans enfants il n'y a pas d'école. Nous devons enclencher un cercle vertueux. C'est ce que nous avons fait avec les contrats départementaux ruraux, que nous avons enrichis pour en faire de véritables stratégies pluriannuelles et qui permettent d'identifier les besoins au plus près du terrain.

En outre, nous déployons des moyens au service de cette stratégie : contrairement à ce que vous avancez – c'est mon seul point de divergence avec vous –, les campagnes ne sont en aucun cas sacrifiées au profit des zones urbaines et périurbaines. Les budgets le prouvent, comme l'ensemble des données quantitatives ; les meilleurs taux d'encadrement sont d'ailleurs, et de loin, en zone rurale.

L'enjeu est donc essentiellement de nature qualitative. Il s'agit notamment de mieux prendre en compte le temps de l'enfant. Je vais évidemment donner suite au rapport de Salomé Berlioux, au rapport du Sénat et au rapport Azéma-Mathiot, qui, sous trois angles différents, traitent du même enjeu : mener une politique d'éducation prioritaire adaptée aux territoires ruraux.

Comme vous le soulignez, cette politique passe par une vision complète du temps de l'enfant. Or, en tant que ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, je suis en mesure de l'avoir, a fortiori dans le contexte du confinement, que nous venons de connaître, et du déconfinement.

Le déconfinement nous conduit à développer les activités périscolaires, notamment sportives et culturelles, et à préparer une rentrée particulière pour le mois de septembre prochain.

Avec l'Association des maires de France, l'Association des maires ruraux de France et l'ensemble des acteurs, nous préparons cette rentrée en tenant compte de ces sujets à la fois sociaux, appelant des mesures compensatoires, et sociétaux, exigeant une vision qualitative : il s'agit ni plus ni moins que de garantir l'attractivité de l'école rurale !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos rassurants ; mais, selon moi, ce n'est pas tout à fait ce qui se profile…

Dans mon département – notre expertise vient aussi de notre connaissance des territoires où nous sommes élus –, je me bats depuis plusieurs années avec les services de votre ministère et avec les services de l'État en général : ils doivent considérer la situation de l'éducation sur tous les points du département.

Pour ma part, je mets l'accent sur la ruralité. Bien sûr, il n'y a pas que les territoires ruraux : vous l'avez dit, le taux d'encadrement y est supérieur à la moyenne, mais ils souffrent encore de beaucoup de carences. Pour que les lignes bougent, il faut que tout le monde se mette en mouvement ensemble.

Nous devons, ensemble, nous donner les moyens de cette belle et noble ambition : garantir l'égalité des chances entre tous les enfants de France. Je vous propose de retenir, entre autres, la Meurthe-et-Moselle comme territoire pilote de ce travail : il y va de l'avenir de notre pays !

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