Question de M. CAMBON Christian (Val-de-Marne - Les Républicains) publiée le 30/01/2020
M. Christian Cambon appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les coupures d'électricité volontaires et illégales qui compromettent la sécurité et la santé de tous.
La confédération générale du travail (CGT)-énergie a revendiqué des coupures d'électricité dans le cadre du mouvement contre le projet de réforme des retraites. Dans le Val-de-Marne, ce sont 30 000 personnes qui ont été privées d'électricité sur une dizaine de communes. Les lignes du tramway T7 et Orlyval ont été très perturbées et la coupure a impacté le marché de Rungis.
Ces coupures portent atteinte à la continuité du service public, à la sécurité des usagers, et ne relèvent en aucun cas de l'exercice du droit de grève. Il s'agit là d'une pratique illégale qui met en danger la vie d'autrui par l'absence de feux de signalisation sur les routes. Elle compromet la santé des patients dans les hôpitaux, de ceux qui sont hospitalisés à domicile, ou encore sous assistance respiratoire. Elle impacte le quotidien de nos enfants, dans les écoles et les crèches qui n'avaient pas de chauffage le matin. Cette vague de coupure a conduit à des situations de détresse et ces actes relèvent de la délinquance donc des tribunaux.
Face à l'urgence de la situation, il lui demande donc comment le Gouvernement compte agir afin de mettre fin à ces délits et comment il compte sanctionner leurs auteurs qui menacent de renouveler leur action.
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Transmise au Ministère de l'intérieur
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 10/09/2020
Au cours du mouvement de grève lié à la réforme du régime des retraites, plusieurs actes de coupures volontaires, ou de baisses de tension, ont été recensés. Plusieurs milliers de foyers ont ainsi été privés d'alimentation électrique, bien que l'intervention des services du réseau de transport d'électricité (RTE) pour rétablir le courant soit généralement rapide. Au regard du nombre de faits recensés, ce mode de contestation de la réforme des retraites demeure encore relativement marginal, mais fait l'objet d'une attention particulière des autorités. Il convient de noter que les coupures sauvages d'électricité ne relèvent pas d'une infraction spécifique prévue et réprimée en tant que telle par le code pénal. S'il a résulté, d'un tel acte de malveillance une dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui (par exemple : détérioration de matériels informatiques, détérioration du standard téléphonique) due à la coupure intempestive de courant, il peut être envisagé de viser les 1° et 3° de l'article 322-3 du code pénal (destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui). Cette infraction suppose normalement un dégât aussi minime soit-il. Ce critère n'est toutefois pas toujours exigé par les juges qui retiennent la qualification lorsque le bien a été rendu impropre à l'usage auquel il était destiné. Une autre infraction pouvant être envisagée en fonction des circonstances est la mise en danger de la vie d'autrui. En effet, l'article 223-1 du code pénal (risques causés à autrui) dispose que « le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ». En zone gendarmerie par exemple, la typologie des investigations menées se caractérise de la manière suivante : - enquête conduite sur la base de l'infraction de manuvre d'un élément d'ouvrage ou d'appareil d'un réseau public d'électricité par personne non autorisée ; - enquête conduite sur la base de l'infraction d'entrave concertée, et avec destruction ou dégradation, à l'exercice de la liberté du travail ; - plus marginalement (un fait), enquête conduite dans le cadre de la mise en danger de la vie d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de prudence ou de sécurité, en l'occurrence suite à une coupure d'électricité impactant une maison de retraite pour personnes âgées. Au-delà des questions de qualification des faits, l''enjeu essentiel se situe sur le plan des preuves : il est nécessaire de pouvoir imputer une faute ou une infraction à un salarié, et l'identifier clairement comme auteur, coauteur ou complice des faits. A ce stade, ces actions n'ont entraîné que des perturbations limitées ; si l'impact de certaines a été fort sur le moment (par exemple, 80 000 personnes privées d'électricité à Castelnau-sur-Gupie le 9 janvier 2020), l'intervention rapide des services concernés a généralement permis un rétablissement rapide de l'alimentation. Dans d'autres cas, l'action conduite n'a pas eu l'effet escompté, se traduisant simplement par une baisse de tension dans l'alimentation électrique. La conjugaison de ces deux éléments permet en partie d'expliquer l'absence de dépôt de plainte de la part de particuliers, à ce jour. En tout état de cause, les services de police et de gendarmerie diligentent habituellement une enquête dès lors qu'une plainte est déposée, sur initiative ou sur réquisition du parquet, dans le cadre des investigations menées à l'occasion des infractions commises lors de manifestations et mouvements ou sur réquisition du parquet. Dans tous les cas, il est de rigueur de prendre attache avec le parquet pour déterminer l'infraction qui sera retenue, aux fins de diligenter la procédure appropriée. L'impact économique demeure également relatif ; si les entreprises touchées par les coupures sont plus promptes à déposer plainte que les particuliers, le coût des interruptions est contenu, à hauteur de quelques milliers d'euros (par exemple, pour la société Amazon implantée à Sevrey en Saône-et-Loire, le coup de l'interruption de service est estimé à 9 300 ). Enfin, les modes d'action retenus par les auteurs sont assez peu sophistiqués (exemple : destruction par le feu ou neutralisation temporaire via des dispositifs prévus au sein des transformateurs) et leur accès aux sites ne nécessite pas d'infraction, les auteurs étant généralement détenteurs de clefs d'accès ce qui engendre des difficultés quant à l'identification des auteurs et donc aux poursuites pénales. Au regard du risque de multiplication de ce type d'actions, la société RTE a décidé, en lien avec ENEDIS co-localisé sur les sites, de mettre en uvre une politique de sécurisation de ses emprises. Ainsi, progressivement, les accès aux transformateurs seront tracés par badge d'accès électronique, cette mesure devant dissuader les potentiels infracteurs au regard de la possibilité d'identification induite. Bien que récemment médiatisé, le phénomène des coupures électriques volontaires reste encore contenu au regard de l'analyse des faits recensés et de leurs conséquences réelles à ce stade. Pour autant, au regard des implications possibles de ce type d'action, le phénomène fait l'objet d'un suivi particulier par les autorités et des investigations judiciaires sont systématiquement menées en cas de dépôt de plainte.
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