Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOCR) publiée le 30/01/2020
M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les termes de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales qui dispose que « tout membre d'un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif ». Ce même article, issu d'une loi du 7 juin 1873, dispose également que « le membre ainsi démissionnaire ne peut être réélu avant le délai d'un an ». Il lui fait observer qu'il est des circonstances dans lesquelles cet article, tel qu'il est rédigé, a pu donner lieu à des stratégies visant à ce que, dans la période précédant les élections municipales, des conseillers municipaux ne puissent pas se présenter à ces élections. En outre, compte tenu de la jurisprudence, il s'interroge sur la constitutionnalité d'une telle inéligibilité rattachée de plein droit à une sanction administrative (voir la décision du Conseil constitutionnel n° 2010 6/7 QPC du 11 juin 2010, qui portait sur l'inéligibilité de plein droit des personnes condamnées pour certaines infractions pénales). Il note aussi, à cet égard, que le Conseil constitutionnel a toujours considéré comme facultative, malgré la lettre de la loi organique, l'inéligibilité prévue au troisième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019, liée au rejet du compte de campagne d'un candidat aux élections législatives « en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales ». Il lui demande si, en conséquence, il ne lui parait pas opportun de modifier les termes de l'article précité afin que dès lors que la démission d'office est décidée, le juge puisse avoir la possibilité d'appliquer ou non la peine d'inéligibilité d'un an.
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Transmise au Ministère de l'intérieur
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 03/03/2022
Aux termes de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT), qui reproduit l'essentiel des dispositions de la loi du 7 juin 1873, « Tout membre d'un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif. ( ) Le membre ainsi démissionnaire ne peut être réélu avant le délai d'un an ». Cette règle est rappelée à l'article L. 235 du code électoral : « les conseillers municipaux déclarés démissionnaires dans les conditions prévues par l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales ( ) ne peuvent être réélus avant le délai d'un an, conformément à l'alinéa 3 dudit article ». Avec l'inéligibilité attachée à la démission prononcée par le juge administratif, le législateur rappelle que le mandat de conseiller municipal implique des obligations définies objectivement par un texte législatif ou réglementaire, auxquelles le conseiller municipal ne saurait se soustraire sans risquer de déséquilibrer le fonctionnement de la municipalité. Toutefois, l'engagement de cette démarche par le maire devant le juge administratif ne préjuge en rien de la position qui sera retenue par ce dernier. En effet, l'inéligibilité attachée à la démission de l'article L. 2121-5 du CGCT ne peut pas s'apparenter à une peine d'inéligibilité automatique. Lorsqu'il est saisi d'une demande de démission d'office par le maire, le juge administratif opère un contrôle restreint des faits qui lui sont soumis. Son rôle est précisément de statuer sur l'existence même des conditions exigées par l'article L. 2121 5 : il lui appartient donc d'apprécier souverainement tant la matérialité du refus ou l'abstention persistante que la validité des excuses éventuellement présentées par le conseiller concerné. Ce contrôle du juge administratif est conforme à la jurisprudence constitutionnelle selon laquelle « l'incapacité d'exercer une fonction publique élective ne peut être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à l'espèce » (décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999). Enfin, la démission d'office prononcée par la juridiction administrative est susceptible d'appel, sous la garantie d'une procédure d'instruction contradictoire préalable, ce qui garantit l'absence d'arbitraire. En tout état de cause, la prépondérance de cet intérêt général ne peut être diminuée par la seule considération de cas d'instrumentalisation d'une sanction justifiée dans son principe, d'autant que le juge administratif a déjà pris des dispositions pour atténuer la vigueur de cette sanction d'inéligibilité. En effet, tout conseiller municipal qui démissionne avant que le juge ne se prononce échappe à la démission d'office et donc au prononcé d'une inéligibilité (CAA Douai, 29 juil. 2004, n° 01DA00122). Cette jurisprudence semble une protection suffisante des conseillers municipaux, dès lors qu'ils bénéficient en outre des moyens de dénoncer les manuvres d'un maire visant à les pousser à la faute (CE, 21 mars 2007, n° 278437). Enfin, le dispositif de l'article L. 2121-5 du CGCT s'applique également aux conseillers départementaux (article L. 3121-4 du CGCT) et régionaux (article L. 4132-2-1 du CGCT). Le législateur organique a également prévu une sanction similaire dans son principe et sa durée dans les dispositions particulières aux conseillers territoriaux de Saint-Barthélemy (article L.O. 6221-3 du CGCT), Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon (articles L.O. 6321-3 et L.O. 6431-3 du CGCT). Conformément à l'article 46 de la Constitution, ces dispositions organiques n'ont pu entrer en vigueur sans l'affirmation de leur conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Par conséquent, il n'apparaît pas opportun de modifier le dispositif de l'article L. 2121-5 du CGCT, dispositif généralisé par le législateur et qui n'a, à ce jour, suscité aucune difficulté majeure d'application.
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