Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 30/01/2020
M. Roger Karoutchi attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le rétablissement du délit de blasphème en France. Cinq ans après le terrible attentat contre le journal Charlie Hebdo, visé depuis longtemps par les islamistes, accusé par ces derniers d'avoir blasphémé, force est de constater que le délit de blasphème s'installe progressivement, non pas en droit, mais en fait, de manière terrifiante. Depuis le 19 janvier 2020, une jeune de 16 ans est harcelée, victime de remarques homophobes, et menacée de mort sur les réseaux sociaux pour avoir lors d'une séance vidéo, ouvertement critiqué l'islam. Après quoi, une jeune meute s'est activée sur les réseaux sociaux à divulguer ses informations personnelles. « Elle est dans mon lycée, c'est une seconde et lundi on va régler ça », « t'es morte on sait où t'habites », voici des exemples de messages que des internautes lui ont adressé. Vus et partagés des centaines de milliers de fois, cette vidéo et ces appels à la violence font courir un grand danger à cette jeune, désormais contrainte de rester éloignée de son établissement après avoir porté plainte. Si le délit de blasphème n'existe plus en France, et que la liberté d'expression est protégée par le droit, encore faut-il que ces principes puissent être effectifs. Face au silence assourdissant des médias comme des responsables politiques face à ce déferlement de haine, il lui demande quelle réponse compte apporter le Gouvernement pour que le droit au blasphème, la liberté d'expression, ainsi que la lutte contre toutes les formes de haine soient concrètement appliqués en France.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 22/07/2021
Le garde des Sceaux entend rappeler l'attachement indéfectible de la France à la défense de la liberté d'expression, ainsi que l'engagement total du ministère de la justice dans la lutte contre toutes les formes de haine. La liberté d'expression ne saurait en effet souffrir d'autres restrictions que celles prévues par la loi. La jurisprudence française opère une application stricte du délit de provocation publique à la haine ou à la violence prévu par l'article 24, 7° de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, de sorte qu'en l'absence de propos incitant à discriminer, à commettre des violences ou incitant à la haine à l'encontre d'une personne ou d'un groupe de personnes, aucune poursuite ou condamnation pénale n'est possible. En posant cette limite permettant de garantir le débat public, la Cour de cassation s'assure que le droit à la liberté d'expression de chacun est préservé et que le délit de blasphème, supprimé du droit pénal, ne soit pas réintroduit dans les faits. L'évolution des modes d'expression des actes et propos haineux, à la faveur notamment du développement d'internet et des réseaux sociaux a, de manière générale, entraîné une nécessité d'adaptation des dispositifs judiciaires. La lutte contre la haine en ligne constitue ainsi l'un des piliers du plan national de lutte contre le racisme et l'antisémitisme pour la période 2018-2020. Son traitement nécessite une centralisation des acteurs, tant judiciaires que policiers, indispensable dans ce contentieux très technique. Le ministère de la justice a d'ailleurs diffusé une circulaire afin de lutter contre les discriminations, les discours et comportements haineux le 4 avril 2019 en appelant l'attention des procureurs sur la nécessité d'apporter à ces faits une réponse pénale ferme et empreinte de pédagogie. La circulaire du 24 novembre 2020, relative à la lutte contre la haine en ligne a par ailleurs créé, à droit constant, un pôle national de lutte contre la haine en ligne et désigné à ce titre le tribunal judiciaire de Paris qui centralise, sous la direction du procureur de Paris, le traitement des affaires significatives de cyber-harcèlement et de haine en ligne. En outre, le décret du 24 novembre 2020, pris pour l'application de l'article 15-3-3 du CPP issu de la loi dite AVIA du 24 juin 2020, a désigné le tribunal judiciaire de Paris comme juridiction compétente disposant d'une compétence nationale concurrente pour les délits de harcèlement sexuel ou moral, lorsque les faits sont aggravés par le caractère discriminatoire au sens des articles 132-76 et 132-77 du code pénal, commis par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique, tel que la plainte a été adressée par voie électronique. A titre d'exemple, l'affaire Mila est traitée dans ce cadre, celle-ci correspondant parfaitement aux dossiers cibles du nouveau pôle : cyberharcèlement d'ampleur et dissémination des auteurs sur le territoire. Enfin, la loi du 23 mars 2019 a consacré la plainte en ligne qui nécessite encore des développements techniques préalables. Une équipe dédiée au développement de la plainte en ligne, composée de représentants de la police nationale, de la gendarmerie nationale et du ministère de la justice a été constituée au mois de février 2020.
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