Question de M. VASPART Michel (Côtes-d'Armor - Les Républicains) publiée le 30/01/2020

Question posée en séance publique le 29/01/2020

M. Michel Vaspart. Monsieur le Premier ministre, le général de Gaulle aurait sûrement qualifié la période que nous traversons depuis novembre 2018 de « chienlit » : « gilets jaunes » depuis quatorze mois, violences perpétrées chaque semaine, plus de cinquante-six jours de grève – du jamais vu ! –, blocage des trains, des métros et des bus, des infirmiers et des médecins qui menacent de démissionner, colère des enseignants, des policiers et des pompiers, les avocats qui mettent leur robe à terre, ports bloqués, manifestations syndicales à répétition, entreprises en difficulté, une économie lourdement touchée, des commerçants qui n'en peuvent plus, ajoutez à cela une réforme des retraites conduite avec un incroyable amateurisme qui a suscité de grandes inquiétudes chez nos concitoyens…

Face à ces inquiétudes, votre majorité a fait preuve d'une grande arrogance et d'une cacophonie anxiogène. Le résultat est là depuis quatorze mois : la chienlit est installée et les Français ont perdu confiance.

Monsieur le Premier ministre, quand et comment comptez-vous ramener la confiance et la sérénité dans notre pays qui en a tant besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)


Réponse du Premier ministre publiée le 30/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 29/01/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Le tableau que vous dressez de notre pays, monsieur le sénateur, est bien sombre et peut-être incomplet. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je ne dis pas que les tensions sociales sont inexistantes, tant s'en faut, mais vous auriez pu, afin de dresser un tableau plus équilibré, mentionner les bonnes nouvelles que j'évoquais voilà quelques instants (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et qui sont incontestables : certes, comme vous le soulignez, notre économie est impactée, mais elle croît à un rythme supérieur à celui de la zone euro, ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps ; le chômage est au plus bas niveau depuis douze ans – c'est une bonne nouvelle – ; les créations d'emplois en CDI augmentent également, ce qui montre que nous n'avons pas eu recours à une des voies de garage souvent utilisées ces dernières années pour faire artificiellement diminuer le chômage – c'est encore une bonne nouvelle.

Vous auriez aussi pu souligner que nous nous sommes engagés dans des transformations dont j'ai parfaitement conscience qu'elles suscitent des réactions, des questionnements, des angoisses, parfois des oppositions très fortes, mais auxquelles il était nécessaire de se « coller » – pardon d'employer ce terme quelque peu trivial – depuis très longtemps.

Lorsque nous essayons d'améliorer l'orientation vers l'enseignement supérieur, laquelle n'a pas été à la hauteur des enjeux, nous savons que nous allons nous heurter à des oppositions, mais nous le faisons et nous avons raison.

Lorsque nous supprimons le recrutement sous statut au sein de la SNCF, ce que personne n'avait fait, nous savons que nous allons susciter oppositions et questionnements, mais nous assumons notre décision et nous avançons.

M. Sébastien Meurant. Ça ne se voit pas encore !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous assumons cette part de l'action publique, cette part de respect des engagements que nous avons pris. Je l'assume à titre personnel et j'en suis assez fier.

Vous avez raison, monsieur le sénateur, notre pays vit un moment de tension très dure. Comment l'apaiser ? Il serait facile de céder à cette tentation française de l'immobilisme, laquelle n'est pas l'apanage d'un parti politique, mais qui est générale dans notre pays, et de ne plus rien faire. Mais je ne crois pas que cette tentation soit utile à notre pays. Au contraire, je la crois dangereuse.

Nous devons faire un effort considérable en termes de responsabilité individuelle. On ne peut accepter les violences, les menaces à l'encontre des élus ou des intellectuels parce qu'on n'est pas d'accord avec eux ou parce qu'on se croit dépositaire d'une autorité qui permettrait, par la force, de revenir sur des positions prises dans un cadre politique. Je sais bien, monsieur le sénateur, que vous n'y encouragez personne, et je ne vous en fais aucunement grief, mais vous savez, comme moi, que ces agissements ne sont pas toujours dénoncés avec la force nécessaire. Certains cherchent à les excuser, d'autres à les comprendre, mais ils ne sont pas acceptables. Il faut le dire.

De la même façon, nous avons essayé de prendre en compte un certain nombre d'orientations formulées à la fois par les organisations syndicales dites « réformistes » – j'utilise ce terme parce qu'il est convenu – et des organisations patronales. Nous avons mis autour de la table ces organisations pour améliorer notre texte et mieux prendre en compte la pénibilité, les fins de carrière, les départs progressifs, le minimum contributif… Là encore, j'assume la volonté de compromis et d'apaisement.

M. David Assouline. Pas avec le Parlement !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Notre responsabilité collective est de démontrer que le débat public, ici, au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, permet d'avancer. J'y suis extrêmement attaché, tout comme vous, et j'ai hâte, monsieur le sénateur, que le débat parlementaire puisse commencer. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants et UC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour la réplique.

M. Michel Vaspart. Je vous ai entendu, monsieur le Premier ministre, mais encore faut-il que les réformes proposées soient justes et comprises par la population. Ce n'est pas le cas aujourd'hui : 61 % des Français rejettent le texte.

Pis, le Conseil d'État souligne dans son rapport, et c'est du jamais vu, les projections financières lacunaires et l'étude d'impact insuffisante. Le Conseil n'est pas en mesure de réaliser sa mission avec sérénité : 29 ordonnances entraînent une perte de visibilité de l'ensemble du texte. Les objectifs sont dépourvus de valeur normative.

Monsieur le Premier ministre, ne me dites pas que votre texte est bien ficelé. Je pense qu'il faut le revoir. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, SOCR et CRCE.)

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