Question de M. BOCQUET Éric (Nord - CRCE) publiée le 23/01/2020

Question posée en séance publique le 22/01/2020

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le quinquennat avait débuté un soir de mai 2017 sous les accents de l'Hymne à la joie, et, depuis lors, l'orchestre gouvernemental nous interprète régulièrement la Symphonie du Nouveau Monde. (Sourires.)

Lors du concert budgétaire de l'automne dernier, le chef d'orchestre, Bruno Le Maire, son premier violon, Gérald Darmanin, et Olivier Dussopt, à la flûte traversière (Nouveaux sourires.), nous ont vanté les vertus d'un budget de justice fiscale et de redistribution de la richesse.

Il y eut un couac cependant, lorsque l'Insee annonça que, en 2018, quelque 400 000 de nos concitoyens avaient basculé dans la pauvreté, portant ainsi à 14,7 % le taux de personnes vivant sous le seuil de pauvreté dans notre pays, pourtant sixième puissance économique du monde.

Hier, l'ONG Oxfam publiait un rapport édifiant sur les inégalités dans notre pays. On y apprend que M. Bernard Arnault, du groupe LVMH, a accru sa fortune de 41 milliards de dollars en moins d'un an. Avec cette somme, il serait possible de verser aux 67 millions de Français – bébés compris – une prime exceptionnelle de 552 euros et 7 centimes.

M. Arnault gagne 11,6 euros chaque seconde. Enfin, sa fortune est évaluée à 105,5 milliards d'euros, un montant supérieur au PIB de la Croatie et de la Côte d'Ivoire.

Certes, vous allez nous réinterpréter la mélodie du ruissellement, mais vous avez indéniablement contribué à cette belle réussite, en supprimant l'impôt de solidarité sur la fortune, d'une part, et en réduisant la taxation des dividendes, d'autre part.

Or, comme ma sœur Anne, nous ne voyons rien venir. Vous cherchez de l'argent pour assurer le financement des retraites ; sans doute y a-t-il là quelques pistes à explorer…

Mesdames, messieurs les ministres, quand allez-vous, au vu de ces données, décider de changer votre musique budgétaire et fiscale ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et Les Républicains.)


Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 23/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 22/01/2020

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, permettez-moi de jouer d'une corde différente dans votre jolie symphonie et de porter un autre regard, au prisme des inégalités de destin.

Vous avez cité des chiffres de l'Insee, lequel a précisé que ceux-ci étaient provisoires. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Permettez-moi de vous apporter des éléments complémentaires.

Le Gouvernement a fait le choix d'augmenter la prime d'activité, ainsi que le minimum vieillesse et l'allocation aux adultes handicapés (AAH), pour les porter à 900 euros, soit une hausse de près de 11 %, et cela pour un montant de 6 milliards d'euros. Les chiffres disponibles nous permettent de dire que, grâce notamment à la prime d'activité, le taux de pauvreté au premier semestre de 2019 a baissé de 0,5 point et de 0,9 point pour les familles monoparentales.

De même, grâce au service public de versement des pensions alimentaires créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, service qui sera mis en place le 1er juin prochain, 42 millions d'euros supplémentaires seront mobilisés, de manière à garantir à l'ensemble de ces familles monoparentales le versement des pensions alimentaires.

En moyenne, 170 euros de pension alimentaire par enfant ne sont pas versés, ce qui représente au quotidien une difficulté pour nombre de ces familles monoparentales. Elles l'ont dit abondamment lors du mouvement des « gilets jaunes », puis dans le cadre du grand débat national. Nous les avons entendues, nous leur avons répondu, conformément à l'engagement du Président de la République et du Premier ministre.

Vous avez évoqué la suppression de l'ISF. Si cet impôt avait fonctionné jusqu'à présent, nous ne connaîtrions pas un tel taux de pauvreté ! Nous avons en effet modifié cet impôt pour que les entreprises puissent recréer de l'emploi. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

On le voit bien, cela fonctionne, puisque 500 000 postes supplémentaires ont été créés à destination des demandeurs d'emploi, à destination des bénéficiaires du revenu de solidarité active. À cet égard, nous accompagnons au quotidien les départements – peut-être ne le disent-ils pas assez fort –, à hauteur de 135 millions d'euros en 2019 et de 175 millions d'euros en 2020. (Mêmes mouvements.)

C'est avec les collectivités, à partir des territoires, que l'on luttera correctement contre la pauvreté. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique, en une petite fugue de onze secondes… (Sourires.)

M. Éric Bocquet. Madame la secrétaire d'État, c'est non pas un bis que nous vous demandions, mais une réécriture complète de la partition !

Déjà, dans les rues de nos villes, la musique a changé : on interprète le Lac des Cygnes sur le parvis de l'Opéra Garnier et on chante le « Chœur des esclaves » du Nabucco de Verdi aux vœux de Radio France…

M. le président. Il faut conclure.

M. Éric Bocquet. Vous vous apprêtez à finaliser le projet de loi de réforme des retraites ; je crains que, si vous ne changez de politique, votre concert quinquennal ne se termine avec la Symphonie pathétique, voire le Requiem de Mozart. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Bien dit !

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