Question de M. CHAIZE Patrick (Ain - Les Républicains) publiée le 30/01/2020
M. Patrick Chaize appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'importance de l'activité du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse et l'insuffisance des moyens.
L'Ain est classé au sixième rang national au titre de la croissance démographique avec une augmentation de plus de 30 000 habitants en seulement cinq ans et une perspective à plus de 650 000 résidents d'ici à deux ans.
Dans ce contexte, l'activité pénale ne faiblit pas, bien au contraire, comme en témoignent le nombre de décisions rendues mais aussi le délai variant de six mois à un an, pour qu'une affaire soit jugée après l'achèvement de l'enquête.
Le département de l'Ain subit l'influence de la criminalité des agglomérations lyonnaise et genevoise. Il est pourtant le seul des ressorts des cours d'appel de la région Rhône-Alpes-Auvergne à ne pas disposer de services d'enquête régionaux dont la mission est précisément de combattre les formes sophistiquées de la délinquance. Comment ne pas conforter ainsi les professionnels de la délinquance dans l'idée que l'Ain est un territoire propice au développement des activités illicites ? Pour illustration, le territoire du Pays de Gex qui est situé aux portes de la Suisse, connaît un taux de croissance démographique dix fois supérieur à la moyenne nationale ainsi qu'un développement économique fort. En parallèle, il connaît aussi un accroissement des trafics de stupéfiants et des activités liées au blanchiment d'argent issu d'activités illégales, sans toutefois la présence du moindre enquêteur spécialisé.
Cette sous-représentation des services d'enquête dans le département n'est pas isolée lorsque l'on sait que l'Ain compte quarante-six agents de l'État pour 1 000 habitants alors que la moyenne nationale est de soixante-douze agents et même de soixante-dix-sept pour le département voisin du Rhône.
Au regard de l'activité du parquet et de la population du département, force est de constater que la juridiction de Bourg-en-Bresse est injustement sous-dotée en magistrats. En effet, 100 000 Aindinois ne peuvent compter que sur la présence de 1,4 magistrat du parquet, alors qu'à nombre identique d'habitants, cette présence est de 2,8 parquetiers dans d'autres départements.
Devant cette incontestable réalité et à l'heure où nos concitoyens manifestent une perte de confiance vis-à-vis de leurs institutions, une implantation locale des services spécialisés dans la lutte contre la criminalité organisée ainsi qu'un juste renforcement des effectifs du ministère public sont indispensables.
En réponse à sa question orale posée le 13 février 2018, elle lui avait indiqué que les services de la Chancellerie étaient tout à fait conscients de l'activité juridictionnelle soutenue dans l'Ain, en raison des spécificités démographiques et économiques du ressort, et qu'ils seraient particulièrement attentifs à la situation du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse. Depuis, l'Ain n'a toutefois pas vu sa situation s'améliorer.
C'est pourquoi, face au sous-dimensionnement structurel de cette juridiction, il lui demande de prendre des mesures urgentes afin que les effectifs du ministère public de l'Ain soient enfin au même niveau que ceux des autres parquets français.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 19/02/2020
Réponse apportée en séance publique le 18/02/2020
M. Patrick Chaize. Madame la garde des sceaux, je souhaite appeler votre attention sur l'importance de l'activité du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, dans l'Ain, et l'insuffisance de ses moyens.
L'Ain est classé au sixième rang national au titre de la croissance démographique, avec une augmentation de plus de 30 000 habitants en seulement cinq ans et une perspective à plus de 650 000 résidents d'ici à deux ans.
Dans ce contexte, l'activité pénale ne faiblit pas, bien au contraire, comme en témoignent le nombre de décisions rendues mais aussi le délai pour qu'une affaire soit jugée.
L'Ain subit l'influence de la criminalité des agglomérations lyonnaise et genevoise. Il est pourtant le seul des ressorts des cours d'appel de la région Rhône-Alpes-Auvergne à ne pas disposer de services d'enquête régionaux.
Comment ne pas conforter ainsi les professionnels de la délinquance dans l'idée que l'Ain est un territoire propice au développement des activités illicites ?
Pour illustration, le territoire du Pays de Gex, situé aux portes de Genève, connaît un taux de croissance démographique dix fois supérieur à la moyenne nationale ainsi qu'un développement économique fort. En parallèle, il connaît aussi un accroissement des trafics de stupéfiants et des activités illégales, sans toutefois la présence du moindre enquêteur spécialisé.
Cette sous-représentation n'est pas isolée lorsque l'on sait que l'Ain compte 46 agents de l'État pour 1 000 habitants, alors que la moyenne nationale est de 72 agents et même de 77 pour le département du Rhône.
Force est de constater que la juridiction de Bourg-en-Bresse est injustement sous-dotée en magistrats. En effet, 100 000 Aindinois ne peuvent compter que sur la présence de 1,4 magistrat du parquet, alors qu'à nombre identique d'habitants cette présence est de 2,8 parquetiers dans d'autres départements.
Devant cette incontestable réalité, une implantation locale des services spécialisés dans la lutte contre la criminalité organisée ainsi qu'un juste renforcement des effectifs du ministère public sont indispensables.
En réponse à ma question orale du 13 février 2018, vous m'aviez indiqué, madame la garde des sceaux, que les services de la Chancellerie seraient attentifs à cette situation. Mais l'Ain n'a pas vu celle-ci s'améliorer.
Aussi, par cette nouvelle question, je voudrais savoir quelles mesures urgentes vous comptez mettre en place.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Patrick Chaize, vous m'aviez effectivement interrogée en février 2018 sur la situation du tribunal de Bourg-en-Bresse ; vous me sollicitez de nouveau aujourd'hui sur deux points.
S'agissant du premier point, à savoir l'accroissement des effectifs des services d'enquête spécialisés, comme vous le savez, l'affectation des postes sur ces services d'enquête relève non pas des services de la Chancellerie, mais du ministère de l'intérieur. J'ai donc attiré l'attention de mon collègue Christophe Castaner sur ce point spécifique.
S'agissant du second point, à savoir le nombre de magistrats du parquet, notamment, présents au tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, à titre liminaire, je souhaite vous rappeler qu'après une augmentation de 4,5 % en 2019 le budget du ministère de la justice augmente de nouveau cette année de 4 %. Cela me permet notamment de créer, en 2020, 384 emplois dans les services judiciaires, qui viendront en soutien de l'ensemble des juridictions.
Concernant le nombre précis de magistrats au tribunal de Bourg-en-Bresse, je voudrais vous communiquer deux chiffres qui m'ont été fournis par mes services et qui sont fondés sur des données provisoires à la fin de 2019.
Ces chiffres tendent à indiquer une baisse de l'activité pénale du parquet. Ainsi, le nombre d'affaires enregistrées au parquet et le nombre d'affaires poursuivables diminueraient respectivement, à la fin de 2019, de 5 % et 6 % par rapport à l'année précédente.
En outre, l'activité pénale du tribunal correctionnel révélerait, pour 2019, une légère baisse de 2 % dans les jugements et de 3,5 % pour les autres types de décisions par exemple, ordonnances pénales et comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité.
La circulaire de localisation des emplois pour l'année 2019 fixe à 37 le nombre de magistrats nécessaires au fonctionnement de la juridiction : 28 au siège et 9 au parquet.
Les effectifs sont aujourd'hui au complet, tant au siège qu'au parquet. Mes services travaillent actuellement sur les prochains mouvements de magistrats qui paraîtront en février et au mois de mars pour les élèves sortant d'école, lesquels prendront leurs fonctions au mois de septembre 2020. Dans ce cadre, le renforcement des parquets de première instance constitue une priorité.
Je puis d'ores et déjà vous affirmer que les effectifs du tribunal de Bourg-en-Bresse seront au complet.
Je voudrais de nouveau vous assurer, monsieur le sénateur, de mon attention précise à la situation du tribunal et à la situation de la cour d'appel de Lyon. Des magistrats placés, qui sont au nombre de 8 au siège et de 6 au parquet, peuvent venir renforcer en tant que de besoin les situations spécifiques des juridictions. Ce pourrait être le cas de Bourg-en-Bresse si un tel besoin devait se manifester.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.
M. Patrick Chaize. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de ces informations, mais vous comprendrez qu'il se pose en fait un vrai problème systémique. Cette sous-dotation est aujourd'hui amplifiée par un phénomène, celui de l'augmentation de la population. Je ne conteste pas les chiffres que vous m'indiquez attestant une diminution du nombre d'affaires, mais, puisque la situation était déjà déficitaire au départ, elle ne comble pas le manque de magistrats. En l'occurrence, cette situation se répète d'année en année.
Vous avez été destinataire de rapports émanant du président du tribunal et du procureur exprimant ce besoin vraiment prégnant.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Patrick Chaize. Tant mieux si l'activité du tribunal diminue, mais, très franchement, un effet de rattrapage serait nécessaire pour placer ce tribunal au même niveau que les autres.
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