Question de M. MALHURET Claude (Allier - Les Indépendants) publiée le 09/01/2020

Question posée en séance publique le 08/01/2020

M. Claude Malhuret. Monsieur le Premier ministre, ma formule dans le débat d'hier sur « la France en marche arrière et les Français en marche à pied » visait bien sûr ceux qui, depuis plus d'un mois, paralysent le pays. Chaque jour qui passe démontre à quel point ceux qui prétendent défendre les Français et le service public se moquent des obligations et de la réputation du service public comme de la détresse des Français, surtout les plus fragiles.

Au moment où, dans le calme, nos voisins européens ont tiré les conséquences de l'allongement de la vie en reculant l'âge de la retraite, en France, les démagogues d'extrême droite et d'extrême gauche proposent la retraite à 60 ans. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)


Mme Éliane Assassi. C'est une obsession !


M. Claude Malhuret. Pour eux, l'argent public, c'est tous les chakras ouverts : tout le monde peut se servir.

Pourtant, les Français savent que la réforme est inéluctable. Déséquilibre démographique, déficit structurel, coût des régimes spéciaux sont une épée de Damoclès au-dessus de nos retraites dans un pays où le système coûte 14 % du PIB contre 10 % en moyenne en Europe.

Au fur et à mesure des discussions, on voit bien que l'enjeu porte sur un sujet principal, celui de l'équilibre, c'est-à-dire la pérennité du système français de retraites.

Monsieur le Premier ministre, vous avez raison de refuser d'entrer dans la distinction purement rhétorique entre réforme systémique et réforme paramétrique. La réalité est bien plus simple : le système doit être équilibré sur le long terme et il doit l'être sur le court terme, c'est tout.

Âge pivot, augmentation de l'âge de départ ou conférence de financement, nous concevons tous qu'il est possible de discuter des modalités. Penser que la réforme va s'équilibrer toute seule, surtout avec l'augmentation de la facture à chaque rendez-vous avec les partenaires sociaux, c'est comme prétendre que l'on va gagner un marathon avec des chaussures de ski. (Sourires.)

Vendredi prochain sera, nous dit-on, le jour de l'épreuve de vérité. Êtes-vous déterminé, monsieur le Premier ministre, à aborder ce rendez-vous en tenant le nécessaire langage de vérité sur l'équilibre financier de nos retraites ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, UC et LaREM.)


Réponse du Premier ministre publiée le 09/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 08/01/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Malhuret, permettez-moi, avant de répondre à la question que vous venez de poser, de saluer tous les membres du Sénat et de leur souhaiter une excellente année 2020.

Je serais tenté de répondre à votre question par une réponse courte, simple et nette : oui. Vous me rétorquerez alors à juste titre : c'est un peu court, jeune homme ! (Sourires.) J'en dirai donc un peu plus.

Oui, la question de l'équilibre de nos systèmes de retraite est légitime et c'est une exigence que nous devons poser. En effet, notre système actuel, avec ses quarante-deux régimes, est fondé – et c'est heureux – sur la répartition, c'est-à-dire sur la solidarité entre les générations – les actifs payent pour les retraités – et sur la solidarité entre les professions, à l'intérieur d'un régime et, parfois, entre différents régimes.

Au cœur du système de retraites se trouve donc la notion de solidarité. Notre système a d'ailleurs permis à la France d'être le pays d'Europe où le taux de pauvreté chez les retraités est le plus faible, ce qui est une excellente chose. C'est évidemment ce que nous voulons préserver, tous ensemble, dans cet hémicycle et en France, du moins je le crois.

Toutefois, la solidarité, ce n'est pas l'irresponsabilité. C'est même le contraire.

M. Pierre Laurent. Ce sont des mots !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. On peut parfaitement accepter l'idée que les actifs payent pour les retraités, mais il y aurait quelque chose d'irresponsable et finalement de très peu solidaire à dire que, n'arrivant pas à financer les pensions, les actifs laisseraient à leurs enfants le soin de payer leurs pensions plus la dette.

En d'autres termes, l'équilibre d'un système est en soi un objectif, mais c'est également un objectif de solidarité et de responsabilité. Je l'ai dit depuis le début et je continuerai à le dire jusqu'au bout.

M. Pascal Savoldelli. Jusqu'au retrait ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ce qui est vrai, monsieur le président Malhuret, c'est que, dans tous les autres pays d'Europe et dans tous les autres pays comparables à la France, c'est-à-dire ceux qui sont attachés à la solidarité et à l'État de droit – au fond, les grandes démocraties occidentales auxquelles nous pouvons nous comparer –, partout, les décisions ont été prises de retarder l'âge de départ à la retraite. C'est vrai en Belgique, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, partout.

Pourquoi ? Parce que le ratio entre les actifs et les retraités se modifie, parce que l'espérance de vie augmente, parce qu'il faut bien faire en sorte que les actifs puissent payer pour les pensionnés, sans se trouver dans une situation trop délicate. C'est très bien ainsi.

M. Pierre Laurent. Ce n'est pas un progrès social !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. La réponse qui a été trouvée partout a été de travailler progressivement un peu plus longtemps.

Dans tous les États, lorsque l'on touche au système de retraite, quel qu'il soit, cela crée forcément de l'émotion.

M. Pascal Savoldelli. Et l'espérance de vie ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Toutefois, tous les pays ont réussi à le faire. Or, en France, depuis très longtemps, depuis que je m'intéresse aux questions publiques, chaque fois que l'on évoque la question des retraites, on suscite une émotion, une inquiétude et une mobilisation souvent considérables.

Chacun ici a des souvenirs des éléments de réforme qui ont été apportés au système et qui ont suscité des mobilisations et des oppositions. J'observe d'ailleurs que, bien souvent, ceux qui, aujourd'hui, critiquent le projet critiquaient les évolutions des systèmes antérieurs qu'ils défendent aujourd'hui. C'est ainsi ! Ces choses curieuses arrivent parfois…

Notre objectif, monsieur le sénateur Malhuret, c'est de créer un système universel, équitable et responsable (Exclamations sur les travées des groupes SOCR, CRCE et RDSE. – M. Bruno Sido applaudit.), un système universel dans lequel l'ensemble des Françaises et des Français, quel que soit leur métier, auront les mêmes droits et seront soumis aux mêmes contraintes. C'est un élément de justice et d'efficacité.

C'est même un élément d'adaptation au monde tel qu'il se transforme (Ah ! sur les travées des groupes SOCR et CRCE.), car, de plus en plus, les carrières professionnelles sont variées et diverses. Tel individu, qui, un jour, est fonctionnaire, devient salarié, puis travailleur indépendant. Nous savons que les carrières professionnelles sont hachées, diverses et nous savons qu'un système universel par point et par répartition permettra de bien mieux prendre en compte la diversité des parcours professionnels, la fluidité des parcours professionnels et la justice entre nos concitoyens, à laquelle nous sommes évidemment tous attachés.

M. Pierre Laurent. Quelle pension et à quel âge ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Le projet de loi sera prochainement présenté en conseil des ministres. Il sera soumis, c'est bien naturel, à l'Assemblée nationale à la fin du mois de février et au Sénat à partir du mois d'avril prochain.

Mme Éliane Assassi. En procédure accélérée !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. La discussion, j'en suis certain, sera dense, riche et passionnée. Je l'attends avec impatience. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants et UC.)

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