Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 05/12/2019

M. Fabien Gay attire l'attention de Mme la ministre des outre-mer sur la problématique de la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane et le modèle de développement souhaité pour ce territoire d'outre-mer.

Cent quarante-cinq sites miniers ont été dénombrés par le Parc amazonien en Guyane en septembre 2019 ; il s'agit du troisième bilan le plus élevé depuis 2008 selon le fonds mondial pour la nature (WWF). Environ dix tonnes d'or seraient extraites illégalement chaque année de Guyane, et quelque six mille à dix mille orpailleurs, les « garimpeiros », seraient présents sur le territoire.

Il convient de rappeler que l'orpaillage illégal a des conséquences dramatiques. C'est le cas sur le plan environnemental, du fait de la toxicité du mercure utilisé et donc de la contamination des rivières, et du fait de la déforestation. C'est également le cas en termes de populations, dont l'environnement est dégradé et dont la sécurité est menacée. En effet, les orpailleurs souvent armés représentent une menace pour les populations. De même, les conditions de travail de ceux qui officient sur ces sites illégaux, généralement des personnes en situation irrégulière et sans recours, sont extrêmement difficiles.

Si les forces de l'ordre se démènent sur le terrain, notamment depuis 2008 dans le cadre de l'opération « Harpie », les moyens sont encore largement insuffisants et les conditions sur place contribuent à cette multiplication de l'orpaillage, puisque l'approvisionnement du matériel se fait par pirogue sur le fleuve Maroni, au Suriname, malgré la ratification en 2017 par ce pays de l'accord de coopération policière de 2006. Le Suriname s'était pourtant engagé à éliminer progressivement le mercure de ses pratiques, en ratifiant l'accord de Minamata. La lutte contre l'orpaillage illégal ne peut être menée efficacement sans une coopération avec les pays voisins, ne serait-ce qu'en termes d'approvisionnement.

Par ailleurs, le développement et la valorisation des mines d'or légales, prévus notamment par l'accord de coopération avec le Brésil signé en 2008 et entré en vigueur en 2015, ne représentent en rien un rempart contre l'orpaillage illégal. En effet, les sources d'or ne sont pas les mêmes : gisement primaire, dans la roche, pour les industriels légaux qui en ont les moyens techniques et logistiques, source alluvionnaire pour les illégaux. Les techniques pour récupérer l'or et les substances ne sont pas non plus les mêmes, bien que toxiques et dangereuses dans les deux cas : la mine « propre » n'existe pas. Au contraire de ces orientations, les résidus des opérateurs légaux pourraient même attirer les illégaux.

Il souhaite donc savoir si la lutte contre ce fléau de l'orpaillage illégal va être réellement renforcée, mais surtout si un véritable modèle de développement pour la Guyane va être défini, sans dépendre des mines qui, selon le rapport du cabinet de conseil Deloitte, n'ont aucun effet d'entraînement sur l'économie et causent dommages et catastrophes.

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Transmise au Ministère des outre-mer


Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 31/12/2020

La recherche d'exemplarité doit se traduire, pour les matières premières minérales, par le développement d'un modèle extractif responsable et exemplaire. Cette exemplarité doit être conciliée avec les nécessaires réponses à apporter aux besoins de développement et de production de matières premières minérales primaires. Cela induit une refondation des principes d'approvisionnement, en valorisant les ressources disponibles selon les meilleurs standards environnementaux et sociaux-économiques pour les territoires. Le plan « Ressources pour la France », publié en avril 2018, fait ainsi le constat que la sécurisation de nos approvisionnements au niveau national doit permettre de limiter le transfert des pressions environnementales à l'étranger. Ces préoccupations se doublent en Guyane d'une lutte en permanence renouvelée contre l'orpaillage illégal (LCOI), fléau engendrant de graves nuisances d'ordres multiples, en particulier sanitaire, sécuritaire, environnemental et social. Dans ce contexte, le dispositif de LCOI, mis en œuvre à compter de 2008, a pour objectif de renforcer le volet sécuritaire d'une part, mais aussi de développer les volets économiques, sociaux, environnementaux et diplomatiques de lutte contre l'orpaillage clandestin d'autre part. Devenu ainsi une opération interministérielle pilotée par le préfet de la région Guyane et le procureur de la République, la LCOI sollicite les forces armées, la gendarmerie, la police aux frontières, la douane, l'office national des forêts, le parc amazonien de Guyane. L'opération HARPIE, qui en est le volet répressif, s'inscrit dans une stratégie globale qui vise à exercer une pression constante sur l'orpaillage illégal par une action sur les flux logistiques et les sites eux-mêmes, en limitant l'exploitation clandestine des ressources aurifères par les « garimpeiros » et en limitant ainsi les conséquences environnementales, sociales et économiques. En parallèle de l'accord de Guyane et des engagements forts du Gouvernement, consécutifs au mouvement social du printemps 2017, le renforcement de la lutte s'est traduit : par la mise en place, auprès du préfet de Guyane, d'un État-Major de lutte contre l'Orpaillage et la Pêche Illégale (EMOPI), chargé de coordonner les actions des services de l'État et de développer les volets diplomatique, économique et social de la LCOI ; par l'affectation d'un officier au Commandant de la gendarmerie de Guyane française dès le 1er septembre 2018, en qualité d'officier de liaison « relations internationales », dédié plus particulièrement au développement de la coopération avec le Suriname et le Guyana ; par l'implication grandissante de tous les acteurs locaux de la LCOI (Police aux Frontières, Office national des Forêts, Direction de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement, douanes, parc amazonien de Guyane). Ainsi, en 2019, l'engagement des Forces Armées de Guyane (FAG), en appui de la gendarmerie, a permis d'augmenter le volume de missions conjointes de lutte contre l'orpaillage illégal. Ce sont 1227 patrouilles LCOI qui ont été effectuées en forêt équatoriale (1267 en 2018), dont 1 064 avec les FAG (1174 en 2018). En complément, 150 patrouilles locales autonomes (composées uniquement de militaires de la gendarmerie) ont été conduites (93 patrouilles en 2018). Des actions de formation ont été menées également au profit des militaires des FAG, notamment une sensibilisation à la mission LIC (lutte contre l'immigration clandestine). Dans le cadre de la stratégie interministérielle de lutte contre l'orpaillage illégal adoptée début 2020, consistant notamment à diminuer le nombre de sites exploités et à mettre fin à l'exploitation dans les sites aux enjeux les plus forts (bassins de vie et aires protégées), et dans le contexte de la crise du covid-19 qui a affecté le volume de forces disponibles, le bilan s'établit ainsi pour le premier semestre de l'année : 535 patrouilles ont été engagées en LCOI (685 en 2019), et les saisies restent conséquentes : 137 000 litres de carburant (125 000 en 2019), 216 motopompes (348 en 2019), 42 quads (57 en 2019), 74 pirogues (98 en 2019), 78 kg de mercure (35 en 2019), 1,4 kg d'or (2 en 2019), 47 armes à feu (55 en 2019) ; 21 placements en garde à vue (24 en 2019) ; avoirs criminels : 7,855 millions d'euros saisis (11,522 millions d'euros en 2019). La lutte contre l'orpaillage illégal reste donc une priorité pour l'État malgré la crise sanitaire. En outre, le projet de loi dit « Convention citoyenne pour le Climat », en cours d'élaboration, devrait prévoir un titre sur la réforme du code minier. Il permettrait ainsi un renforcement des mesures de lutte contre l'orpaillage illégal, en particulier : en conférant aux inspecteurs de l'environnement (réserves naturelles) et aux agents de l'Office national des Forêts des prérogatives de la police des mines, afin de contrôler les activités d'exploration et d'exploitation minières illégales et prévenir et faire cesser les dommages et les nuisances qui leur sont imputables ; en modifiant les dispositions pénales relatives à la LCOI en Guyane en permettant, en cas d'infraction au code minier, de mettre en œuvre des mesures de garde à vue plus adaptées au territoire et aux conditions de la LCOI.

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