Question de Mme BONNEFOY Nicole (Charente - SOCR) publiée le 05/12/2019

Mme Nicole Bonnefoy attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports sur le risque routier et sanitaire que présente le trafic de poids lourds le long de la route nationale 10 entre Poitiers et Bordeaux.

Les usagers de la route et les riverains sont excédés et le manifestent à travers une pétition citoyenne qui a recueilli plus de 7 000 signatures à ce jour. À cela se rajoutent les délibérations dans le même sens de 126 communes charentaises. La presse locale, régionale et nationale s'est par ailleurs largement fait l'écho de cette situation.

Le trafic est si intense avec des poids lourds qui ne respectent ni les distances de sécurité, ni la réduction de vitesse, ni l'interdiction de doubler, que chaque automobiliste qui s'y engage prend un risque pour sa vie. Ainsi, nombreuses sont les personnes qui ne l'empruntent plus ; même les chauffeurs routiers reconnaissent le danger, nommant cette nationale « la route de la mort ».

À l'insécurité routière, s'ajoutent le bruit et la pollution atmosphérique mesurés par plusieurs cabinets d'études et qui mettent en danger la santé publique. C'est ainsi par exemple qu'en nord Charente, les agriculteurs engagés dans des cultures dites « tracées » ont pour consigne (dans le cahier des charges de la coopérative) de planter à plus de 300 mètres de la route nationale 10, au regard des métaux lourds que l'on peut retrouver dans les cultures de céréales ! Ainsi le trafic poids lourds sur la route nationale 10 a des conséquences en terme de sécurité routière, de sécurité sanitaire, environnementale, sociale et économique y compris pour les finances publiques au regard du coût régulier d'entretien, de réfection des voies et de mobilisation des forces de police.

Bien évidemment l'idéal serait de voir les marchandises sur le rail mais cette réponse n'est, hélas, pas possible à l'instant. La seule réponse immédiate et qui ne coûtera rien, pour réduire de moitié ce trafic incessant, est d'obliger les poids lourds en transit à prendre l'autoroute située en parallèle, c'est-à-dire l'autoroute A10, qui est taillée pour recevoir ce trafic avec sa voie dédiée aux poids lourds et les aires de repos en conséquence.

Cette solution a été proposée à plusieurs reprises au Gouvernement et aux services de l'État dans la région. L'étude d'une dérogation pour restreindre ce trafic ou bien une expérimentation ont été évoquées par la préfète de la région Nouvelle Aquitaine le 19 septembre 2019. Le mardi 19 novembre 2019, dans le cadre de l'examen en commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, du projet de loi n° 139 (Sénat, 2019-2020) adopté par l'Assemblée nationale, de finances pour 2020, Mme la ministre de la transition écologique et solidaire a dit qu'« Il faut continuer à se préoccuper des poids lourds en transit et faire en sorte qu'ils n'aient pas la tentation d'emprunter des itinéraires gratuits. Toutefois, les décisions ne peuvent se prendre sans les organisations professionnelles concernées, qui ne se sont pas montrées extrêmement ouvertes à la discussion sur ce sujet. Nous ne souhaitons pas créer de crispations, même s'il est vrai que l'ouverture d'une discussion serait dans l'intérêt de tous ».

Aussi, elle souhaiterait savoir précisément et concrètement quelles mesures il entend prendre, quelles concertations il entend mener pour faire en sorte que les poids lourds en transit n'empruntent plus la route nationale 10 quand ils peuvent prendre l'autoroute A10 entre Poitiers et Bordeaux.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports publiée le 15/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2020

Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur l'importance du trafic poids lourds, plus particulièrement celui en transit sur la RN10 entre Poitiers et Bordeaux.

Certains de ces poids lourds ne respectent ni les distances de sécurité, ni l'interdiction de doubler, ni la limitation de vitesse, au point que les routiers eux-mêmes disent prendre un risque pour leur vie et celle des automobilistes.

À l'insécurité routière s'ajoutent la pollution sonore ainsi que la pollution de l'air et des sols, si bien que les agriculteurs, soucieux de produire de la qualité, sont contraints de cultiver à plus de 300 mètres de la RN10 et à plus de 500 mètres pour les cultures bio, compte tenu des métaux lourds retrouvés dans les sols.

Au regard des conséquences de ce trafic sans cesse grandissant en termes de sécurité routière, sanitaire, environnementale, sociale et économique, sans oublier le coût d'entretien de la chaussée et la mobilisation des forces de l'ordre, plus de 7 000 personnes ont signé une pétition citoyenne demandant que les poids lourds en transit empruntent l'autoroute A10 adaptée à ce trafic et non plus la RN10. Par ailleurs, 126 communes ont délibéré dans le même sens.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, l'autoroute A10 est parallèle à la RN10. Les poids lourds en transit quittent cette autoroute et traversent notamment mon département de la Charente en empruntant la RN10, ce afin d'économiser une cinquantaine d'euros de péage.

Une telle situation n'est ni tenable ni acceptable. Le 19 novembre dernier, Mme la ministre Élisabeth Borne, que j'interpellais sur ce sujet, me répondait qu'« il fallait se préoccuper des poids lourds en transit pour faire en sorte qu'ils n'aient pas la tentation d'emprunter des itinéraires gratuits ».

Ma question est simple : que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d'État, pour régler ce problème ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Madame la sénatrice, la restriction complète sur la route nationale 10 entre Poitiers et Bordeaux du trafic de poids lourds serait contraire au principe de libre circulation des marchandises sur le réseau structurant national. Vous le savez, la jurisprudence du Conseil d'État est constante sur ce point, afin de garantir un principe fort de la réglementation européenne.

Pour autant, les services de l'État chargés du contrôle sont mobilisés sur le terrain pour assurer le respect des réglementations applicables au transport routier, afin de prévenir les risques de surcharge. Il s'agit de contrôler notamment le temps de conduite et de repos des chauffeurs, ainsi que le respect de leurs conditions de travail.

Le Gouvernement entend donc prendre des mesures d'amélioration des infrastructures. Une telle politique est mise en œuvre sans porter préjudice aux concertations qui pourraient intervenir à l'avenir.

De nombreuses opérations de sécurisation de cet axe ont d'ores et déjà été engagées : la mise en service de la 2x2 voies entre Reignac et Chevanceaux ; l'étude du remplacement de six carrefours dans la Vienne par des échangeurs dénivelés avec mise à 2x2 voies dans le secteur de Croutelle ; l'étude de la suppression des derniers carrefours en Charente, notamment sur la commune de Mansle ; le diagnostic de sécurité sur la rocade d'Angoulême, en vue d'améliorer, dès 2020, les modalités d'information des usagers de la route, en particulier sur les congestions récurrentes et les risques d'accidents ; enfin, le diagnostic de sécurité sur la section entre Virsac et Angoulême.

Au regard de ces nombreux projets d'amélioration de l'infrastructure routière, le Gouvernement va demander à la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine de s'assurer que chaque calendrier d'opération soit respecté au mieux.

Par ailleurs, le Gouvernement mandatera la préfète de la Charente, afin que des dispositifs de contrôle fixes et mobiles soient déployés de façon privilégiée sur cet axe, de manière à renforcer la répression contre les poids lourds qui ne respecteraient pas les différentes réglementations.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour la réplique.

Mme Nicole Bonnefoy. Je connais, monsieur le secrétaire d'État, les investissements réalisés pour améliorer la RN10. Je sais aussi, parce que je l'ai déjà entendu, que l'interdiction des poids lourds serait contraire au droit européen en matière de libre circulation des biens et des marchandises. En revanche, des dérogations ou des expérimentations sont possibles, et il faut y travailler ensemble.

La préfète de région, que j'avais interrogée sur ce sujet, était tout à fait favorable à l'étude d'une expérimentation ou d'une dérogation.

Je vous le répète, 7 000 personnes ont signé la pétition en question, dont 140 maires. Il y a donc là un vrai problème, qui va grandissant, y compris concernant la sécurité. Faut-il attendre qu'il y ait des morts pour que la situation évolue ?

Enfin, dans la loi LOM (loi d'orientation des mobilités), vous avez donné la possibilité, sur des routes départementales ou nationales, de créer des voies propres. Très bien, mais nous serions exclus de la politique de transition écologique ! En effet, jamais nous ne pourrons dédier tout ou partie de la RN10, qui est uniquement consacrée aux poids lourds, à une voie propre.

C'est un vrai problème, que je souhaite évoquer avec vous, à l'extérieur de l'hémicycle si vous le voulez, en prenant un rendez-vous. Certains de mes collègues rencontrent les mêmes difficultés, il convient donc de trouver une réponse.

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