Question de Mme PRIMAS Sophie (Yvelines - Les Républicains) publiée le 28/11/2019

Question posée en séance publique le 27/11/2019

Mme Sophie Primas. Monsieur le ministre de l'agriculture, notre pays a une chance insolente, celle de disposer d'une situation exceptionnelle pour que notre agriculture puisse répondre à bien des enjeux : souveraineté alimentaire, transition écologique, sécurité sanitaire, nouvelles énergies.

Cependant, nos agriculteurs sont aujourd'hui perdus, totalement perdus, et la colère qui s'exprime aujourd'hui à Paris et aux alentours est un cri.

Monsieur le ministre, notre agriculture est en grande difficulté. Ma question est simple : comment comptez-vous répondre aujourd'hui à la détresse des agriculteurs descendus dans la rue ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 28/11/2019

Réponse apportée en séance publique le 27/11/2019

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame la présidente Sophie Primas, lorsque je siégeais dans cet hémicycle, j'ai travaillé à trois lois agricoles : la LMAP de Bruno Le Maire, qui visait à redonner du revenu aux agriculteurs ; la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de Stéphane Le Foll, dont l'objectif était de permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail ; enfin, la loi Égalim de Stéphane Travert, dont le but était d'inverser la construction des prix.

Je suis au regret de dire que, depuis quinze ans, tous gouvernements confondus, la France n'a pas réussi à donner un revenu décent à ses agriculteurs. (Exclamations sur de nombreuses travées.) C'est cela le drame !

Nous participons tous à cette situation. C'est la raison pour laquelle, dans le cadre de la loi Égalim, un pari a été tenté, celui de l'inversion de la construction des prix,…

M. Jérôme Bascher. Pari perdu !

M. Didier Guillaume, ministre. … coconstruits avec les syndicats agricoles, de manière que ce soit les filières qui fixent leurs prix.

J'ai d'ailleurs remarqué, madame la présidente, que vous ne reveniez pas sur ce choix, opéré lors des États généraux, dans votre proposition de loi en cours de préparation, qui me paraît un excellent texte. C'est dire si ce choix vous convient : vous avez raison !

Une expérimentation de deux ans a été prévue. Comme vous le savez, l'année dernière, la loi n'était pas en application, car les ordonnances n'étaient pas prises. Le mécanisme ne pouvait donc pas fonctionner. C'est cette année, comme l'a encore dit la présidente de la FNSEA la semaine dernière, que nous verrons s'il fonctionne ou pas. Il faudra y revenir le cas échéant.

Pour ma part, je crois à l'intelligence collective. Je pense que nos entreprises de l'agroalimentaire, qui font du bon travail, vont pouvoir avancer. Je pense que la grande distribution va pouvoir s'adapter à une nouvelle façon de payer. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.)

Surtout, je crois que la mobilisation d'aujourd'hui des agriculteurs – je vais devoir quitter le Sénat, parce que je les reçois tout à l'heure – va contribuer, avec le travail des parlementaires et du Gouvernement, à faire évoluer la situation. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.

Mme Sophie Primas. Monsieur le ministre de l'agriculture, votre réponse me déçoit. Il ne s'agit pas de la loi Égalim ; il s'agit du destin de notre agriculture !

Les contradictions entre les discours et les actes sont, à mon avis, au cœur du malaise agricole que nous connaissons aujourd'hui.

Vous dites soutenir la transition écologique, mais votre budget ne prévoit rien pour accompagner significativement une modification profonde des modes de production.

Vous mettez en place une interdiction des produits phytosanitaires, mais vous ne faites rien pour certaines filières qui se trouvent dans l'impasse, comme le souligne votre propre majorité.

Vous avez fait adopter la loi Égalim, censée sauver le revenu agricole, mais celle-ci ne porte que sur 20 % de ce revenu. La théorie du ruissellement ne fonctionne pas !

Vous dites soutenir la compétitivité des exploitations, mais la même loi augmente les charges. Le différentiel est devenu insoutenable, alors que nous n'avons jamais autant importé.

Vous pariez sur la montée en gamme, mais vous soutenez les accords commerciaux qui ouvrent nos marchés à des produits ne répondant pas aux exigences de production. Je pense au CETA et à l'accord sur les viandes bovines américaines que le Parlement européen s'apprête à voter demain.

Vous dites préparer l'avenir, mais vous laissez se préparer une PAC prévoyant une renationalisation des budgets, ce qui favorisera une concurrence intra-européenne mortifère.

Monsieur le ministre, je crois sincèrement qu'il nous faut un grand projet de loi de programmation pluriannuelle agricole, qui nous permette de parler de l'innovation, de la formation et des investissements durables, qui offrira un cap à nos agriculteurs et une ambition à notre pays et qui nous donnera confiance, à nous, Français, qui oublions trop souvent notre chance. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et SOCR.)

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