Question de M. DECOOL Jean-Pierre (Nord - Les Indépendants-A) publiée le 28/11/2019

M. Jean-Pierre Decool attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse à propos de l'enseignement des langues minoritaires et régionales.
Le président de la République avait annoncé, alors qu'il était candidat à l'élection présidentielle, vouloir encourager l'enseignement des langues minoritaires et régionales. Depuis 2017, cet enseignement, indispensable au maintien et à la transmission des langues régionales, a plutôt tendance à reculer.
Pour le cas de l'enseignement du flamand occidental, l'unique enseignant est parti à la retraite et n'a pas été remplacé malgré les nombreuses revendications des élus locaux et des familles dont les enfants bénéficiaient de l'enseignement de l'institut régional de la langue flamande soutenu par la région Hauts-de-France.
Le silence assourdissant du rectorat est un manque de respect pour tous les acteurs. Cet exemple peut être symptomatique du mépris du Gouvernement pour les langues minoritaires et régionales, qui participent pourtant de l'identité des territoires de la République.
Il lui demande s'il entend encourager l'apprentissage d'une langue locale, en ce qu'il n'est nullement une menace à l'unité de la République et encore moins une revendication régionaliste, mais une démarche culturelle régionale, et notamment s'il entend prendre des mesures d'urgence pour ne pas rompre la continuité de l'enseignement flamand dans le département du Nord.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 15/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2020

M. Jean-Pierre Decool. Ma question porte sur l'enseignement des langues minoritaires et régionales de France.

Je prendrai l'exemple du flamand occidental, parlé dans mon territoire des Flandres françaises, mais je pense aussi au picard, cher à mon ami Jérôme Bignon, et à toutes les autres langues de France.

Le Gouvernement tente de mettre en œuvre, depuis 2017, le programme défendu par Emmanuel Macron lors de la campagne pour la dernière élection présidentielle et les engagements pris à cette occasion.

Les défenseurs des langues minoritaires et régionales, dont je fais partie, avaient alors pris bonne note d'une promesse qui a été oubliée, depuis, par le Gouvernement. Le candidat Emmanuel Macron entendait en effet encourager, une fois élu Président de la République, l'enseignement de ces langues.

Cette promesse, nous y tenions ! L'enseignement est la seule et unique garantie de la survie des langues minoritaires et régionales, qui appartiennent au patrimoine national.

Cette promesse, nous y tenons toujours ; c'est pourquoi j'interroge de nouveau M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Depuis 2017, les moyens de l'enseignement scolaire de ces langues régressent… et la promesse du Président de la République est bafouée.

Un exemple illustre le renoncement du Gouvernement à protéger les langues minoritaires. Dans les Hauts-de-France, le flamand occidental bénéficiait d'un enseignement depuis dix ans. Expérimenté pendant trois ans, celui-ci avait été validé après une évaluation rigoureuse. Suivi dans plusieurs écoles de l'arrondissement de Dunkerque, cet enseignement était très apprécié des jeunes et de leurs familles et complété par des activités extrascolaires, preuve de l'intérêt de la population.

L'heure de la retraite est venue pour l'enseignant ; l'heure de son remplacement, pensait-on : erreur ! Le rectorat renvoie aux acteurs locaux la responsabilité de la fin de cet enseignement. En irait-il de même pour le départ à la retraite d'un professeur d'anglais ? Ailleurs en France, en irait-il de même pour le départ à la retraite d'un enseignant de la langue basque à Biarritz ?

Cette hypocrisie est symptomatique du mépris du Gouvernement et de l'éducation nationale pour les langues minoritaires et régionales, que confirme, malgré toute l'estime que je vous porte, monsieur le secrétaire d'État, le fait que vous représentiez le Gouvernement pour répondre à cette question.

Ces langues ne sont pas une menace pour l'unité de la République. Elles relèvent de l'identité de ses territoires. C'est la raison pour laquelle nous sommes nombreux à attendre votre réponse à la question suivante : que compte faire le Gouvernement pour encourager l'apprentissage des langues régionales sur les territoires qui ont la chance d'en posséder une ? Plus précisément, pour le cas du flamand occidental, entendez-vous remplacer le professeur ayant fait valoir ses droits à la retraite, afin de ne pas rompre la continuité de l'enseignement du flamand dans le département du Nord ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Decool, la préservation et la transmission des diverses formes du patrimoine – linguistique et culturel – des régions françaises font l'objet de la plus grande attention de la part du ministère de l'éducation nationale.

C'est dans cet esprit qu'est examinée la situation du flamand occidental, qui ne fait pas l'objet d'un enseignement de langue et culture régionales tel que décrit dans la circulaire du 12 avril 2017.

Rappelons d'abord que l'introduction d'un nouvel enseignement de langue vivante dans notre système scolaire, de l'école primaire au baccalauréat, doit être étudiée au regard de nombreux critères, tels que sa zone d'implantation et de diffusion, le nombre de locuteurs potentiels et le degré d'imprégnation et d'utilisation de la langue par la population, le corpus disponible dans les différents registres littéraires ou encore la demande des familles. Ainsi, la situation du flamand occidental doit être appréciée avec finesse et discernement au regard de l'ensemble de ces éléments.

En outre, vous le savez bien, monsieur le sénateur, l'enseignement du néerlandais, langue de communication avec la Région flamande de Belgique et les Pays-Bas, est une priorité de l'académie de Lille, notamment pour le département du Nord, aussi bien pour l'enseignement primaire que pour le collège et le lycée. L'apprentissage de cette langue répond notamment à de forts enjeux économiques et d'employabilité. De fait, c'est la connaissance de la langue néerlandaise qui permet aux élèves de la zone frontalière de trouver des débouchés professionnels, ce qui n'exclut pas, bien sûr, une connaissance de ses variations dialectales.

La sensibilisation à la langue et à la culture du flamand occidental peut trouver une place à l'école. Le code de l'éducation dispose que les enseignants des premier et second degrés « sont autorisés à recourir aux langues régionales, dès lors qu'ils en tirent profit pour leur enseignement. Ils peuvent également s'appuyer sur des éléments de la culture régionale pour favoriser l'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et des programmes scolaires. »

Cette sensibilisation peut intervenir en classe, durant le temps scolaire, dans le cadre de plusieurs enseignements, notamment de langues vivantes, par exemple en cours de néerlandais, d'histoire, d'enseignement artistique ou d'histoire de l'art.

Ainsi, la proximité linguistique de la langue régionale flamande avec la langue néerlandaise peut être avantageusement mise à profit lors des séances consacrées à l'apprentissage de cette dernière, avec un travail sur les nuances dialectales et sur les réalités culturelles de l'espace linguistique du franco-flamand. Les enseignements pratiques interdisciplinaires du collège, qui réunissent plusieurs disciplines autour de projets communs, souvent ancrés dans les réalités locales, offrent un cadre propice à une telle sensibilisation.

Signalons aussi qu'un enseignement de la variante française du flamand occidental est dispensé dans trois écoles primaires publiques dans le cadre d'une expérimentation. La poursuite de cette expérience sera fonction des conclusions de l'évaluation qui sera conduite par les services de l'académie de Lille.

Enfin, à l'école primaire, la sensibilisation au flamand occidental et à la culture qu'il porte peut aussi faire l'objet d'activités éducatives et culturelles complémentaires, conduites dans les temps périscolaires, en lien, par exemple, avec des associations locales bénéficiant d'un agrément pour intervenir en milieu scolaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le secrétaire d'État, votre réponse ne peut me satisfaire. Je vous interroge tout simplement sur le devenir du poste de l'enseignant qui est parti à la retraite.

Il n'y a pas d'antagonisme entre le néerlandais et le flamand. Le flamand est d'ailleurs antérieur au néerlandais. Pourquoi réserverait-on un traitement particulier à cette langue régionale qu'est le flamand occidental ?

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