Question de M. LONGUET Gérard (Meuse - Les Républicains) publiée le 31/10/2019

Question posée en séance publique le 30/10/2019

M. Gérard Longuet. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, parce qu'il s'agit ici, d'abord et avant tout, de la cohérence gouvernementale, dont le Premier ministre a normalement la responsabilité.

Mme Sylviane Agacinski a été privée par la présidente de l'université Bordeaux-Montaigne du droit de s'exprimer. Ce sont les faits.

La réaction gouvernementale est surprenante. Mme Marlène Schiappa a sauvé l'honneur du Gouvernement en exprimant publiquement son désaccord. Qu'il en soit donné acte !

Mme le ministre de l'enseignement supérieur, qui est directement concernée, puisqu'il s'agit de l'université, a répondu d'une façon assez ambiguë à notre excellent collègue, Charles de la Verpillière, juriste éminent, qu'un forum serait organisé… Je souhaite pour elle que ce forum soit accepté par les minorités qui avaient précédemment refusé l'intervention de Mme Agacinski !

D'autres ministres auraient pu, eux aussi, s'exprimer. Je m'adresse notamment à M. Castaner, puisque des agents du service public ont été privés d'une formation organisée par l'université Paris I Panthéon-Sorbonne. Destinée à les sensibiliser sur le terrain de la radicalisation, elle devait être dispensée par M. Mohamed Sifaoui, qui est bien connu dans ce domaine.

De même, alors que je crois savoir qu'il y a un ministre de la culture, je ne l'ai pas entendu se désolidariser de ceux qui ont déprogrammé Charb, c'est-à-dire M. Charbonnier. Assassiné avec ses camarades de Charlie Hebdo, celui-ci est privé, à titre posthume, du droit de s'exprimer tant à l'université que dans des théâtres municipaux.

Telle est la situation. Et demain, le ministre de la culture sera saisi du cas de journalistes qui n'auront plus le droit de s'exprimer en direct. C'est déjà le cas d'Éric Zemmour, qui est visé par une pétition de journalistes. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)

Mme Esther Benbassa. Vous mélangez tout !

M. Gérard Longuet. Enfin, chers collègues, nous avons en cet instant la certitude que vous ne respectez le droit de parler que si, et seulement si, les minorités turbulentes en donnent l'autorisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. David Assouline. C'est honteux !


Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 31/10/2019

Réponse apportée en séance publique le 30/10/2019

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président Longuet, le problème que vous soulevez est bien réel.

L'université s'est construite en Europe sur les principes de la liberté de conscience et de la liberté d'expression, qui, d'une certaine façon, portent notre civilisation depuis son origine. Au fondement de l'humanisme qui la caractérise, il y a la liberté d'expression.

Ce qui s'est passé à Bordeaux et à Paris est absolument inacceptable et doit d'autant plus nous alerter que ce mouvement n'est pas spécifiquement français. Nous assistons à l'émergence d'un nouveau maccarthysme, qui entend s'attaquer à la liberté d'expression.

Chacun sait que ce que veut défendre Mme Agacinski ne correspond pas aux positions du Gouvernement. Mais c'est notre honneur, comme l'a fait Marlène Schiappa, que de s'inscrire dans la lignée de Voltaire et de dire que, si nous ne sommes pas d'accord avec Mme Agacinski, nous sommes prêts à nous battre pour qu'elle puisse s'exprimer.

Il est triste que la jeunesse soit parfois enrôlée dans des manifestations d'intolérance visant à empêcher le déroulement d'une intervention de ce genre.

Par ailleurs, les présidents d'universités prennent des décisions en vertu du principe de l'autonomie des universités, qui est gravé dans nos traditions. Il n'appartient pas à la ministre de l'enseignement supérieur – je m'exprime en son nom et vous prie de bien vouloir excuser son absence, puisqu'elle assiste, avec le Président de la République, à un congrès sur l'intelligence artificielle –, de prendre directement ces décisions, qui relèvent des présidents d'universités.

Il n'en demeure pas moins qu'il est en effet de notre rôle – c'est ce que fait l'ensemble du Gouvernement – de condamner ce qui s'est passé dans les deux cas.

S'agissant du report du séminaire prévu à Paris I-Sorbonne, nous déplorons ce qui s'est passé. Il est tout à fait anormal d'intimider M. Mohamed Sifaoui, qui se bat courageusement contre la radicalisation et qui avait monté ce séminaire de concert avec le Conseil français du culte musulman, le CFCM, une organisation qui ne saurait en aucun cas être considérée comme extrémiste.

Bien entendu, nous suivrons cette affaire, parce qu'il n'est pas normal d'en rester là. Il ne peut y avoir de victoire de ceux qui sont les ennemis de la liberté ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

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