Question de Mme EUSTACHE-BRINIO Jacqueline (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 12/09/2019
Mme Jacqueline Eustache-Brinio attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le contenu de certains manuels scolaires en cette rentrée des classes.
En effet, l'un d'entre eux, destiné aux élèves de 5ème pour l'histoire et la géographie et édité chez Hatier, cite ouvertement la sourate coranique qui apparaît dans tous les discours de recrutement de tous les groupes djihadistes, indiquant, sans le moindre élément de contexte ni le moindre commentaire, qu'« il (Dieu) a destiné aux combattants une récompense plus grande qu'à ceux qui restent dans leurs foyers : l'indulgence et le pardon ».
En ces temps où nous devons plus que jamais affirmer notre attachement au principe de laïcité et maintenir la cohésion nationale et l'unité de la République, il me semble inquiétant que de tels appels à la violence et à la haine soient maintenus dans des manuels à l'usage de collégiens sous la responsabilité de l'éducation nationale.
Elle lui demande donc quelles mesures le Gouvernement entend mettre en œuvre afin d'éviter l'exposition de la jeunesse française à ces outils de propagande et d'empêcher le maintien de cette sourate dans les manuels scolaires.
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Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 05/03/2020
Le programme d'histoire de la classe de 5ème publié au BO spécial n° 11 du 26 novembre 2015 et en vigueur depuis la rentrée 2016 comprend trois thèmes d'étude qui couvrent une vaste période, du Moyen Âge à la Renaissance. Il permet de présenter aux élèves « des sociétés marquées par la religion, au sein desquelles s'imposent de nouvelles manières de penser, de voir et de parcourir le monde et de concevoir l'exercice et l'organisation du pouvoir séculier ». Le premier thème est consacré à « Chrétientés et islam (VIème -XIIIème siècles), des mondes en contact ». Comme le précise le programme, « la période qui s'étend du VIème au XIIIème siècle, de Justinien à la prise de Bagdad par les Mongols (1258), est l'occasion de montrer comment naissent et évoluent des empires, d'en souligner les facteurs d'unité, ou au contraire, de morcellement. Parmi ces facteurs d'unité ou de division, la religion est un facteur explicatif important ». Cette partie du programme permet ainsi de montrer comment des empires étroitement liés à une religion se sont affirmés et confrontés. Il est aussi important, sur ce thème, de mettre en évidence que les rapports entre le monde chrétien et le monde musulman ne se résument pas à des affrontements militaires. Les épisodes militaires qui marquent parfois les relations entre chrétiens et musulmans, comme la longue série des croisades, ne sont pas exclusifs de contacts culturels qui visent parfois au partage de l'héritage antique (en particulier grâce aux traducteurs de Tolède ou à l'école d'astronomie de Cordoue), ou d'échanges commerciaux dans le monde méditerranéen (d'abord dominés par l'empire byzantin, puis par les cités italiennes). Dans ce contexte, il apparaît essentiel que des extraits du Coran puissent être proposés à la lecture des élèves. Ils doivent permettre aux élèves d'acquérir des connaissances mais aussi, grâce au travail et à l'expertise pédagogique des professeurs, des compétences essentielles à la formation du futur citoyen : comprendre le sens général d'un document ; identifier un document, le contextualiser et comprendre son point de vue particulier ; utiliser ses connaissances pour expliciter un document et exercer son esprit critique. De la même façon, en classe de 6e, dans le thème 2 du programme d'histoire, « Récits fondateurs, croyances et citoyenneté dans la Méditerranée antique au Ier millénaire avant J.-C », les élèves sont amenés à confronter à plusieurs reprises faits historiques et croyances. Les récits mythiques et bibliques sont mis en relation avec les découvertes archéologiques. Les apprentissages menés sur ces thèmes sont en lien avec l'enseignement du fait religieux, qui tient une place particulière à l'école et tout au long de la scolarité. En développant l'aptitude de l'élève à comprendre l'histoire, les traditions culturelles, les arts et les rites de l'autre, et en accordant une place significative à l'enseignement laïque du fait religieux, l'école contribue à ouvrir les élèves au pluralisme et à la diversité des cultures. Comprendre le fait religieux, suivre ses manifestations dans l'histoire, dans les arts, dans la culture contribue à former des esprits libres et responsables, aptes à se forger un sens critique et à adopter un comportement empreint de tolérance. Cet enseignement propose aussi aux élèves les éléments d'une culture indispensable à la compréhension d'un patrimoine commun et du monde contemporain. Dans le prolongement de cette étude, le thème 2 du programme de la classe de 5ème, « Société, église et pouvoir politique dans l'occident féodal (XIe-XVe siècles) » montre notamment comme la société féodale est empreinte des valeurs religieuses du christianisme tandis que le thème 3, « Transformations de l'Europe et ouverture sur le monde aux XVIe et XVIIe siècles », permet de traiter de la naissance du pluralisme religieux à l'intérieur du monde chrétien et de la violence des conflits entre catholiques et protestants entre les années 1560 et 1598, puis durant la décennie 1620. S'agissant tout particulièrement du manuel scolaire cité, il convient de rappeler que dans notre pays, le ministère ne contrôle pas et ne certifie pas les manuels scolaires. Cette absence de réglementation s'inscrit dans une histoire qui remonte au XIXe siècle. Face aux propositions visant à instaurer une forme de contrôle, les ministres successifs ont constamment rappelé et appliqué le principe de non-intervention politique sur les manuels scolaires. Ce principe est appliqué depuis Jules Ferry, et la responsabilité des professeurs dans le choix des manuels est en vigueur depuis Victor Duruy. La conformité aux programmes officiels, la rigueur scientifique et le respect de la liberté pédagogique des professeurs sont les critères retenus par les équipes pédagogiques lorsqu'elles choisissent un manuel scolaire. Les éditeurs ont quant à eux entière liberté et responsabilité en ce qui concerne la conception, le choix des auteurs, la rédaction et l'illustration des manuels qu'ils proposent.
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