Question de M. JOYANDET Alain (Haute-Saône - Les Républicains) publiée le 01/08/2019
M. Alain Joyandet attire l'attention de M. le ministre de la culture sur la sauvegarde du patrimoine pédagogique des établissements scolaires des premier et second degrés de la métropole et d'outre-mer. Après plus d'un siècle et demi d'existence officielle, ces institutions se sont dotées d'une épaisseur historique et patrimoniale qui a suscité, certes, quelques travaux, mais réserve encore aux chercheurs d'innombrables chantiers potentiels. Le caractère particulier des écoles primaires, des collèges et des lycées, a conduit les chefs d'établissements à en conserver pieusement les archives plutôt que de les verser, comme la loi en fait obligation, aux dépôts départementaux. Or, ces institutions ont connu, au gré des vicissitudes démographiques et regroupements intercommunaux, nombre de fermetures et déménagements. Les archives de ces anciens établissements, les fonds anciens de leurs bibliothèques, les collections de leurs cabinets scientifiques, les objets scolaires soigneusement conservés sont actuellement en grand danger. Les fonds d'archives de ces institutions, livres, revues, travaux d'élèves, films, photographies, l'ensemble du mobilier pédagogique, matériel d'optique, animaux empaillés, collections de roches ou d'objets archéologiques, herbiers accumulés pendant des décennies, constituent aujourd'hui un patrimoine inestimable, témoin de l'histoire de l'éducation de notre pays. Le démantèlement passé et en cours de ces établissements pose le problème de la sauvegarde, de la conservation et de la valorisation de ce patrimoine. En l'absence d'un recensement, on assiste aujourd'hui à la dilapidation de ce patrimoine : pilonnage d'ouvrages et de manuels anciens, dispersion ou destruction de mobilier, vol, sont le lot commun de la fermeture inexorable de ces établissements. Certains de ces fonds sont stockés dans des conditions telles qu'ils condamnent à terme les ouvrages à leur destruction. Les conséquences de cette situation et de ces pillages sont irréversibles. La création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) au sein de l'université n'a toujours pas permis de stopper la dilapidation de ce patrimoine. Il lui demande donc quelles mesures il entend prendre pour recenser, préserver et valoriser le patrimoine que constituent les fonds et le mobilier pédagogiques des établissements scolaires. Il lui demande, en particulier, quelles mesures il entend prendre pour inciter les nouveaux directeurs d'école et chefs d'établissements entrés en possession d'un tel patrimoine à effectuer tous les versements nécessaires aux archives départementales et à se mettre en relation avec les bibliothèques universitaires pour envisager les moyens de conserver les objets didactiques anciens qui sont entre leurs mains. Il reste également à espérer que ces documents puissent bénéficier d'un classement scientifique, avec l'aide de techniciens des archives ou des musées pédagogiques, afin d'en permettre la consultation par un public de chercheurs.
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Réponse du Ministère de la culture publiée le 12/12/2019
Le ministre de la culture est tout à fait conscient de l'importance du patrimoine pédagogique produit au sein des établissements scolaires des premier et second degrés de la métropole et de l'outre-mer. Le patrimoine mobilier des établissements scolaires fait partie du domaine public au titre du code général de la propriété de la personne publique et se trouve, de ce fait, protégé, dès lors qu'il présente « un intérêt public du point de vue de l'histoire, de l'art, de l'archéologie, de la science ou de la technique » (art. L. 2112-1) : ces biens sont par conséquent inaliénables et imprescriptibles (art. L. 3111-1). La gestion de ces biens ne relève pas du ministère de la culture, mais de la personne publique responsable des établissements scolaires. Toutefois, les différents services du ministère de la culture et leurs réseaux uvrent au quotidien, de façon pluridisplinaire, à mettre en uvre des mesures de protection et à soutenir les initiatives existantes de conservation et valorisation du patrimoine pédagogique des établissements scolaires. Cette préoccupation est en effet prise en compte par l'ensemble des archives départementales depuis les années 1970, date à laquelle un premier corpus réglementaire est établi pour assurer la collecte des archives des établissements scolaires (note AD 12689/6925 du 10/06/1969, circulaire AD 70-5 du 28/04/1970, notes AD 12689/6925 et AD 70-1058 de juin 1970). Ce corpus est entièrement renouvelé par l'instruction DPACI/RES/2005/003 du 22 février 2005, qui porte des mesures d'évaluation des archives de l'éducation et entre autres de tous les éléments liés à la vie scolaire des établissements. Sur la base de cette instruction, les services départementaux d'archives collectent de nombreux documents et objets liés aux actions pédagogiques des établissements, au-delà des seules archives administratives : dossiers des élèves, cahiers de textes, cours, travaux et objets. La liste des fonds collectés serait longue à énumérer, mais quelques exemples emblématiques peuvent être évoqués. En 2014, les Archives nationales ont ainsi assuré le sauvetage d'archives et d'objets pédagogiques (370 mètres linéaires) du Collège de Juilly (Seine-et-Marne), établissement ayant fonctionné de 1638 à 2012 sous la tutelle de l'Oratoire. De nombreux services départementaux d'archives ont également mené une politique de collecte ciblée sur les établissements scolaires, afin de constituer un patrimoine sur le sujet. Les archives départementales du Vaucluse ont par exemple collecté du matériel pédagogique dans plusieurs écoles primaires du département. Elles conservent ainsi une collection d'ouvrages, de manuels scolaires (vers 1880-1914 et de 1960 à 1995) et de matériels pédagogiques destinés à l'enseignant et à l'élève. En lien avec le ministère de la culture, les services régionaux de l'Inventaire contribuent également à la sauvegarde de ce patrimoine encore conservé au sein des établissements en établissant des relevés et des études sur sites. Ces recensements permettent ensuite la protection par le ministère de la culture d'ensembles remarquables au titre des monuments historiques (inscription ou classement des objets mobiliers). Ces enquêtes portent une attention particulière au patrimoine des lycées, placés, comme les services régionaux de l'Inventaire, sous la responsabilité des conseils régionaux. Là encore, seuls quelques exemples peuvent être cités parmi les nombreuses opérations effectuées. Les lycées Carnot de Dijon, Hoche de Versailles, Gambetta de Cahors, les lycées polyvalents Jules Haag de Besançon (anciennement École nationale d'Horlogerie) et Victor Bérard de Morez (anciennement École nationale d'Optique) ont ainsi fait l'objet d'un recensement. Leurs collections font état d'instruments et d'objets scientifiques utilisés dans les laboratoires (instruments de mesure, d'expérimentation, modèles anatomiques) et ont été protégées au titre des monuments historiques. Enfin, le ministère apporte son concours à certains musées consacrés au thème de l'éducation et de la pédagogie, qui constituent également des collections dans le domaine. C'est ainsi que le musée national de l'éducation de Rouen ou le musée de l'école rurale en Bretagne (Trégarvan) ont reçu le label Musée de France attribué par le ministère de la culture. Les services du ministère de la culture contribuent et soutiennent également la valorisation de ce patrimoine par le biais de colloques et journées d'études, de publications, d'expositions et d'ateliers pédagogiques destinés aux élèves des établissements de leur territoire. Les Archives nationales ont organisé une journée d'études en 2002, « Mémoires de lycées, archives et patrimoine ». L'association des conservateurs des antiquités et objets d'art de France a organisé en 2016, avec le soutien du ministère de la culture, une journée d'étude sur le thème « Objet / École Regards sur le patrimoine mobilier de l'enseignement scolaire et universitaire ». Plus récemment, en 2019, les archives départementales de la Creuse ont conçu l'exposition « Au tableau ! » sur l'histoire de l'enseignement dans ce département. Cette exposition met en lumière et contextualise le patrimoine pédagogique collecté en reconstituant une classe. Une grande partie des références décrivant le patrimoine collecté et identifié est accessible librement par le plus grand nombre sur Internet, au moyen du portail FranceArchives et de la base de données Palissy recensant les objets protégés au titre des monuments historiques.
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