Question de Mme GOY-CHAVENT Sylvie (Ain - NI) publiée le 24/07/2019

Question posée en séance publique le 23/07/2019

Mme Sylvie Goy-Chavent. Ma question s'adressait, madame la secrétaire d'État, à M. le Premier ministre.

Dans un régime démocratique, la fonction essentielle de la presse consiste à donner aux citoyens les moyens de façonner leur jugement politique, de développer leur sens critique, d'évaluer celles et ceux qu'ils ont élus pour les représenter.

Or il est malheureusement évident que les entraves à la liberté d'expression se multiplient dans notre pays : la transposition de la directive européenne sur les affaires, qui vise à protéger nos secrets industriels, permet à des grands groupes de faire taire la presse ; la loi contre les fausses informations pourra également s'appliquer aux informations qui ne peuvent être vérifiées, avec un risque de retour à la censure ; la loi contre la haine sur internet permettra à des hébergeurs ou, pis, à des algorithmes de s'ériger en censeurs et de supprimer arbitrairement certains contenus.

À cela s'ajoutent les déclarations, puis le rétropédalage du Gouvernement sur la création d'un conseil de l'ordre des journalistes. Sans parler des journalistes sommés de dévoiler leurs sources aux services de renseignement dans le cadre, par exemple, des Yémen Papers et de l'affaire Benalla.

Ces textes de loi répondent, certes, à de vraies problématiques, mais, mal utilisés ou détournés, ils représentent un vrai danger pour les libertés publiques. Que comptez-vous faire pour sanctuariser la liberté de la presse ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement publiée le 24/07/2019

Réponse apportée en séance publique le 23/07/2019

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Goy-Chavent, je vous prie d'excuser l'absence du ministre de la culture, auquel, me semble-t-il, cette question s'adressait, qui est actuellement en séance à l'Assemblée nationale.

Je partage évidemment avec vous la conviction que l'État doit être le garant des libertés publiques, parmi lesquelles figure, sans doute au premier rang, la liberté d'information. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 fait de cette liberté un principe fondamental, « un des droits les plus précieux de l'homme ».

Cette liberté a évidemment pour corollaire le fait de protéger en tout temps et en tout lieu la profession de journaliste, dont l'exercice libre est indispensable à celui de notre démocratie elle-même.

L'exercice de la profession de journaliste est fondé, vous l'avez rappelé, sur le principe de la protection des sources. La Cour européenne des droits de l'homme elle-même fait de la protection des sources une des pierres angulaires de la liberté de la presse. Notre législation s'y attache également, au travers de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, aux termes de laquelle il ne peut être porté atteinte au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie.

C'est avec cette conviction que le Premier ministre a échangé avec un certain nombre de professionnels.

Le Gouvernement avait confié à M. Emmanuel Hoog une réflexion sur la mise en place d'un conseil de déontologie des médias, qui serait une forme d'instance d'autorégulation de la profession. Cette question peut être légitimement posée, au vu de l'évolution de la profession et du développement des réseaux sociaux. Une telle instance existe d'ailleurs chez un certain nombre de nos voisins.

Il ne s'agit en aucun cas de créer un conseil de l'ordre, et ce n'est évidemment pas à l'État de créer une telle instance, même s'il peut l'accompagner.

Des réflexions sont en cours au sein de la profession. Soyez assurée, madame la sénatrice, que le Gouvernement y est attentif et qu'il défendra, chaque fois qu'il sera nécessaire, la liberté de la presse et le rôle essentiel qu'elle joue dans notre démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Jérôme Bignon, Jean-Marc Gabouty et Franck Menonville applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour la réplique.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Monsieur le Premier ministre, madame la secrétaire d'État, il ne suffit pas de dire que la liberté de la presse est et sera toujours respectée pour que le but soit atteint. En matière de libertés publiques, nous le savons tous, l'enfer est souvent pavé de bonnes intentions !

Par ailleurs, dans votre réponse, madame la secrétaire d'État, je m'étonne de constater que l'affaire Benalla était d'intérêt public…

Sous couvert de sécurité nationale, de secret des affaires, de lutte contre les fake news ou contre la haine sur internet, ne construisons pas, brique par brique, le mur de la désinformation ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

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