Question de M. BOCQUET Éric (Nord - CRCE) publiée le 27/06/2019

M. Éric Bocquet attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation actuelle au Soudan.
Le 19 décembre 2018, des centaines de manifestants se sont mobilisés contre le triplement du prix du pain. S'en est suivie une réelle mobilisation populaire amenant à la destitution du dictateur au pouvoir le 11 avril 2019, remplacé par un conseil militaire de transition (CMT), avant l'organisation d'élections libres sous deux ans.
Depuis, et malgré la médiation de l'Éthiopie, les négociations piétinent et le mouvement de protestation emmené, entre autres par les forces pour la liberté et le changement, se poursuit ; mouvement qui prône la désobéissance civile et la résistance pacifique, et qui porte un véritable élan démocratique. Une grève générale a d'ailleurs eu lieu les 28 et 29 mai 2019.
Les forces pour la liberté souhaitent un gouvernement civil quand le CMT rechigne à partager le pouvoir.
Un sit-in, organisé dans la capitale de Khartoum, a malheureusement été réprimé dans le sang par le régime du CMT et sa branche armée des forces de soutien rapide du numéro deux du régime. Les paramilitaires ont tiré sur la foule faisant 118 morts et plus de 400 blessés parmi les civils.
De nombreuses atrocités, des viols et des exactions y ont été commis.
Les forces pour la liberté et le changement demandent une enquête internationale sur ce massacre.
Le 4 juin 2019, a été annoncée la fin des négociations, plongeant le Soudan dans l'incertitude et bloquant la situation politique.
Le réseau internet a été coupé et plusieurs leaders des forces pour la liberté ont été assassinés. D'autres ont reçu des menaces de morts. Le conseil militaire de transition s'apparente de plus en plus à une junte armée aux relents dictatoriaux.
De son côté, l'Union africaine a suspendu l'adhésion du Soudan jusqu'à l'établissement d'une autorité transitionnelle civile.
Enfin, il y a quelques jours, de nouveaux appels au rassemblement ont été lancés contre le massacre du 3 juin, avec cette volonté forte d'aboutir à un processus de démocratisation solide et pérenne.
C'est pourquoi, face à cette situation particulièrement tendue et dangereuse, il lui demande quelle est la position du gouvernement français et s'il compte favoriser et participer, d'une manière ou d'une autre, à l'enquête internationale demandée par les forces de la liberté suite au massacre de Khartoum.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 27/02/2020

La France a veillé à apporter son soutien à l'aspiration du peuple soudanais à plus de liberté et de démocratie tout au long des mois de contestation qu'a connus le Soudan entre le 19 décembre 2018 et le 17 août 2019. Elle a adressé des messages clairs en ce sens aux autorités militaires soudanaises qui ont finalement accepté des progrès dans les négociations avec les forces de l'opposition civile. Ce processus de négociations a abouti à la conclusion d'un accord sur la transition au Soudan, signé à Khartoum le 17 août 2019, avec une forte implication des pays du voisinage et de la communauté internationale. Depuis la signature de cet accord du 17 août 2019, et la mise en place des autorités transitoires, avec notamment la formation d'un gouvernement civil, la France apporte un appui déterminé au processus de transition politique. C'était le sens de la visite à Khartoum du ministre de l'Europe et des affaires étrangères le 16 septembre 2019 et de l'invitation à Paris du Premier ministre Abdallah Hamdok par le Président de la République les 29 et 30 septembre 2019. Durant cette séquence bilatérale très intense, la France a marqué sa détermination à ce que cette transition soit un succès, et à inscrire son action en soutien aux priorités des nouvelles autorités soudanaises : la conclusion de la paix avec les groupes rebelles du Darfour et des « deux régions » (Sud-Kordofan, Nil Bleu), le redressement de l'économie du pays et la réussite de la transition démocratique. C'est dans cet esprit que la France a annoncé une aide bilatérale de 60 millions d'euros et que le Président de la République a annoncé que la France accueillera une conférence internationale pour soutenir la transition politique dans la perspective des élections de 2022. S'agissant de la dispersion violente du sit-in du 3 juin 2019, la France l'avait fermement condamnée et avait appelé à ce que les auteurs de ces violences répondent de leurs actes devant la justice. Conformément aux dispositions du document constitutionnel du 17 août 2019, une commission d'enquête a été formée par le Premier ministre Hamdok le 22 septembre 2019. Les nouvelles autorités ont décidé que cette commission sera nationale. La France suivra avec attention les travaux de cette commission, en souhaitant que les résultats de l'enquête permettent de faire la lumière sur les violences du 3 juin 2019 et d'en identifier les responsables, afin que ceux-ci répondent de leurs actes. Par ailleurs, la signature d'un accord entre le gouvernement soudanais et le Haut-Commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU, en vue de l'ouverture d'un bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'Homme à Khartoum, illustre la volonté des nouvelles autorités soudanaises de répondre aux aspirations de la population soudanaise, et notamment des jeunes et des femmes, à davantage de liberté et de justice au Soudan. La France continuera d'encourager les nouvelles autorités soudanaises à répondre positivement à ces aspirations.

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