Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOCR) publiée le 13/06/2019
M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la nécessité pour la France de relancer ses actions dans le domaine minier. En effet, il s'agit d'un enjeu essentiel, en particulier pour ce qui est de la sécurisation de l'approvisionnement de notre pays en métaux stratégiques. Or, contrairement aux États-Unis, à la Chine ou au Canada, la France ne mène plus de grands projets miniers, notamment dans le continent africain dont le sous-sol est très riche en métaux stratégiques. Ceci est d'autant plus regrettable que notre pays peut tirer parti des compétences du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), dont les équipes disposent d'une expertise internationalement reconnue. Avec un soutien financier annuel de l'État, le BRGM pourrait reprendre la place qui peut et doit être la sienne en matière minière. Il lui demande, en conséquence, quelles dispositions il compte prendre afin de financer un renouveau de l'activité minière de notre pays et de sécuriser nos approvisionnements en métaux stratégiques.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie et des finances publiée le 03/07/2019
Réponse apportée en séance publique le 02/07/2019
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur la relance de la politique minière de la France.
Comme vous le savez, le Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, est l'organisme public français de référence dans la gestion des ressources et des risques liés au sous-sol. Son action est orientée vers la recherche scientifique, l'appui aux politiques publiques et la coopération internationale.
Or, vous le savez, depuis un certain nombre d'années, le BRGM n'investit plus comme auparavant dans la politique minière et dans la recherche et l'exploitation de gisement, ce qui a d'ailleurs donné lieu à des épisodes pas toujours positifs.
Alors que les réserves mondiales de métaux stratégiques se tarissent progressivement et que les besoins en la matière ne diminuent pas, la question de la sécurisation des approvisionnements de la France se pose. Cet enjeu nous oblige à préparer la diversification de ses sources d'approvisionnement.
Or, à l'inverse des États-Unis, de la Chine ou du Canada, la France ne conduit plus de grands projets d'exploration minière. Relancer la politique minière permettrait à notre pays de sécuriser ses approvisionnements dans un marché mondial des métaux très concurrentiel.
Cette politique pourrait consister à nouer des partenariats privilégiés et à identifier des cibles à l'étranger, dans l'objectif de sécuriser nos approvisionnements.
Dans cette perspective, le continent africain présente de nombreuses opportunités. L'exploration minière mondiale est focalisée sur les pays développés et stables. Le continent africain est moins exploré que la seule Australie et les activités qui y sont menées sont concentrées sur les métaux précieux. Or les sous-sols africains sont aussi très riches en métaux stratégiques. Le BRGM travaille actuellement sur des projets de cartographie géologique et d'inventaire minier dans plusieurs pays africains, notamment au Maroc, en Guinée, au Tchad, au Cameroun, au Mozambique. Il pourrait ainsi mobiliser cette expertise dans le cadre d'une politique africaine d'exploration minière.
Je vous demande, madame la secrétaire d'État, si le Gouvernement compte doter le BRGM des moyens nécessaires pour cette ambition que serait la relance de notre politique minière.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Sueur, nous partageons votre souci de sécuriser les approvisionnements des entreprises françaises en matières premières et, tout particulièrement, en métaux stratégiques.
La relance de l'activité minière sur le territoire ou à l'étranger avec l'appui du BRGM fait partie des solutions. Il y en a bien d'autres, comme le propose le rapport sur l'analyse de la vulnérabilité d'approvisionnement en matières premières des entreprises françaises, remis récemment par Nathalie Homobono, ingénieure générale des mines, et Denis Vignolles, chef de mission de contrôle général économique et financier, et examiné par le Conseil national de l'industrie.
Ce rapport recommande dix-huit mesures en vue de mobiliser les entreprises et les filières sur les enjeux d'une connaissance et d'une sécurisation renforcées de leurs chaînes d'approvisionnement.
Il s'agit, d'abord, d'élaborer un plan de programmation des ressources minérales nécessaires à la transition énergétique et numérique et à la mobilité électrique d'ici à la fin 2020, et de mettre en uvre des premiers plans d'actions à plus court terme. Vous le savez comme moi, la batterie électrique, par exemple, suppose d'avoir accès à un certain nombre de métaux dits rares, même s'ils ne le sont pas vraiment, mais en tout cas de nature à assurer la sécurisation de l'approvisionnement.
Il s'agit, ensuite, de favoriser l'accès aux matières premières primaires et secondaires, d'accompagner le développement d'une filière française et européenne de recyclage des métaux. Ce sujet est actuellement examiné par le Conseil national de l'industrie dans le cadre du groupe de travail sur l'économie circulaire.
Le Gouvernement étudie avec attention l'ensemble de ces recommandations.
À ce stade, nous pouvons affirmer que le BRGM est un acteur de premier plan au sein du comité des métaux stratégiques, que ce soit pour la veille stratégique, pour les solutions technologiques de production de métaux critiques par le recyclage ou pour la mise en évidence de ressources primaires en France et à l'étranger.
Le domaine minier français, encore mal connu au-dessous de 300 mètres, recèle des métaux d'intérêts stratégiques comme le tungstène, l'antimoine, le germanium, le lithium, qui méritent un cadre de décision modernisé permettant la réalisation effective de l'exploration, puis de l'exploitation si les conditions techniques, économiques et environnementales sont réunies.
La réforme du code minier, qui sera examinée en conseil des ministres en décembre prochain, a pour ambition, entre autres, de permettre l'émergence de projets miniers exemplaires d'un point de vue environnemental, bien insérés dans les territoires en prenant en compte les attentes des populations.
Les possibilités d'approvisionnement à partir de mines situées à l'étranger sont également considérées par les opérateurs miniers qui approvisionnent déjà le marché français ou européen. Je pense bien sûr à Eramet. La construction de nouvelles filières nécessite de mobiliser les utilisateurs finaux afin de minimiser les risques financiers. Le comité des métaux stratégiques, qui regroupe les producteurs de métaux primaires et secondaires, les utilisateurs, les administrations impliquées et les experts de l'État, va amplifier ses travaux en ce sens. Évidemment, le BRGM aura sa place dans cette réflexion.
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