Question de Mme CARRÈRE Maryse (Hautes-Pyrénées - RDSE) publiée le 18/04/2019
Mme Maryse Carrère interroge M. le Premier ministre sur les ordonnances prévues aux articles 11 et 17 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite loi EGALIM). Ces ordonnances tendraient à modifier les règles relatives au modèle des coopératives agricoles. Or, ce modèle, mis en place avec les acteurs du secteur pour leur permettre de faire face à un marché extrêmement volatile et concurrentiel, est pour eux une garantie de stabilité économique et d'efficience commerciale. De telles ordonnances feraient ainsi présager la mise en place d'une fiscalité trop lourde, des relations commerciales inadaptées au secteur agricole, et des conséquences dommageables en trésorerie que les nouvelles mesures généreraient qui seraient à la charge des coopérateurs. Si les dérives constatées dans la gouvernance de certaines très grandes coopératives ont inquiété à juste titre, et si le souci d'éradiquer les prix abusivement bas dont sont victimes de nombreux agriculteurs est tout-à-fait légitime, cela ne doit être un prétexte à la transformation juridique de la relation coopérateur-coopérative en banal contrat commercial. Elle rappelle que le 14 septembre 2018, le Gouvernement s'était engagé à une rédaction du projet d'ordonnance en concertation avec les parlementaires. La loi précise de plus à l'article 45 alinéa 6 que la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, dans ses dimensions internationale, européenne, nationale et territoriale, a pour finalités de promouvoir l'indépendance alimentaire de la France à l'international, en préservant son modèle agricole ainsi que la qualité et la sécurité de son alimentation. L'alinéa 8 stipule que cette politique doit veiller dans tout nouvel accord de libre-échange au respect du principe de réciprocité et à une exigence de conditions de production comparables pour ce qui concerne l'accès au marché, ainsi qu'à un degré élevé d'exigence dans la coopération en matière de normes sociales, environnementales, sanitaires, phytosanitaires et relatives au bien-être animal, en vue d'une protection toujours plus forte des consommateurs et d'une préservation des modèles agricoles européens. Il lui apparaît donc particulièrement étonnant que la loi exige la préservation du modèle agricole français et que le Gouvernement prenne en premières ordonnances des mesures qui le bouleversent. Elle s'interroge ensuite sur l'opportunité de telles ordonnances quand d'autres mesures lui auraient paru plus urgentes et plus opportunes pour le monde agricole, protégeant ainsi les agriculteurs français soumis à de lourdes normes sanitaires et environnementales de leurs homologues étrangers plus libres dans leurs méthodes de production. Aussi lui demande-t-elle que ces ordonnances ne soient appliquées que lorsque des discussions auront été engagées avec les partenaires socio-professionnels du monde agricole et que des garanties fermes auront été données au monde agricole afin qu'il soit protégé d'une concurrence de facto déloyale.
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Transmise au Ministère de l'agriculture et de l'alimentation
Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 08/08/2019
Les mesures prises dans le cadre de l'ordonnance relative à la coopération agricole visent à renforcer le modèle coopératif auquel le Gouvernement est très attaché, et à conforter son exemplarité notamment dans la prise en compte des avancées issues des états généraux de l'alimentation. L'ordonnance est issue de plusieurs mois de concertation avec Coop de France, le haut conseil de la coopération agricole (HCCA) et les organisations professionnelles agricoles. Elle prend en compte les échanges du débat parlementaire organisé sur la gouvernance des grands groupes coopératifs le 15 janvier 2019. L'inscription de l'interdiction de cession à un prix abusivement bas prévue dorénavant à l'article L. 442-7 du code de commerce est adaptée dans le code rural et de la pêche maritime. En effet, la relation entre un associé coopérateur et sa coopérative, distincte d'une relation commerciale, ne relève pas du code de commerce. Il s'agit avec ce dispositif adapté de faire en sorte que les associés coopérateurs puissent bénéficier des avancées de la loi si le prix s'écarte trop des indicateurs, notamment ceux publiés par les interprofessions. L'adaptation prévue est issue de la concertation et tient compte des spécificités du secteur coopératif. Elle prévoit ainsi l'avis motivé du ministre de l'agriculture ainsi que du HCCA ou l'intervention du médiateur avant introduction de l'action devant la juridiction civile compétente. Elle prévoit également la prise en compte par le juge des spécificités des contrats coopératifs. L'ordonnance précise que le médiateur de la coopération agricole est désormais nommé par décret afin de renforcer son indépendance. Les attributions du médiateur de la coopération agricole, les modalités d'exécution de sa mission et les conditions de la contribution du médiateur des relations commerciales agricoles (MRCA) à cette mission, seront fixées par décret. Ce décret prévoira, s'agissant des questions de prix des apports et du montant des indemnités en cas de départ d'un associé-coopérateur de la coopérative, que le médiateur de la coopération agricole restera maître de la proposition de conclusion de la médiation aux parties après avoir pris l'avis du MRCA. Par son ensemble de mesures liées à la transparence, au renforcement de la capacité d'action du HCCA, et à l'affirmation du rôle du médiateur de la coopération agricole, cette ordonnance vise à renforcer le modèle coopératif et son appropriation par ses adhérents.
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