Question de M. CORBISEZ Jean-Pierre (Pas-de-Calais - RDSE) publiée le 11/04/2019
M. Jean-Pierre Corbisez attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé concernant la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale relative au droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé.
Ce texte autoriserait le bénéficiaire d'un tel contrat à le résilier avant la date anniversaire remettant ainsi en cause le principe jusque là établi d'un engagement annuel.
Cette évolution suscite nombre d'interrogations et comporte des risques réels quant à la qualité de la couverture santé de nos concitoyens.
En premier lieu, autoriser une résiliation anticipée d'un contrat de complémentaire santé pourrait mettre en cause la règle du tiers-payant alors même que le Gouvernement entend améliorer la situation en la matière, au travers notamment du dispositif « 100 % santé ». En effet, dans le cadre de leurs adhésions annuelles, les mutuelles solvabilisent a priori la part complémentaire des dépenses de santé, garantissant ainsi en quelque sorte les professionnels de santé de l'existence d'une telle prise en charge. Demain, si les contrats couvrent des périodes plus courtes, ces professionnels pourraient disposer d'une carte de mutuelle sans avoir l'assurance que l'intéressé y cotise toujours. Les conflits entre mutuelles et professionnels de santé pourraient ainsi se multiplier avec le risque que ces derniers reviennent sur leur pratique du tiers payant, d'autant qu'à ce jour n'existe aucun dispositif national recensant quotidiennement les droits des assurés.
En second lieu, une telle possibilité de résiliation mettrait en cause le fondement même du principe mutualiste de solidarité, incompatible avec la logique de court terme qu'induit la proposition de loi. L'annualité des cotisations concourt aujourd'hui au modèle économique des mutuelles et permet d'éviter, ou en tout état de cause de minimiser, le risque de sélection du risque couvert ou de la personne. Autoriser des contrats plus courts conduira les mutuelles à segmenter davantage les populations en fonction de leurs risques spécifiques et sans doute à augmenter leurs tarifs pour compenser la hausse de leurs frais d'acquisition ou de résiliation de droits ainsi que la communication renforcée qu'elles mettront en œuvre pour capter et conserver leurs adhérents, une conséquence opposée à l'objectif affiché par l'exposé des motifs de la proposition de loi qui consisterait à réduire les tarifs en renforçant la concurrence dans le secteur.
S'ajouteraient à ces risques des difficultés en termes de portabilité de droits forfaitisés annuellement ou de prestations déjà payées pouvant aboutir à une complexification du système et au final à une augmentation des coûts.
Enfin, cette résiliation anticipée aurait un impact très négatif pour les collectivités territoriales participant aux contrats individuels de leurs agents. Les collectivités employeurs doivent en effet s'assurer de la bonne utilisation de leur participation financière et seront dans l'obligation d'opérer des vérifications beaucoup plus fréquentes, mensuellement probablement, sources d'une charge importante de travail et porteuses de risques de dysfonctionnements.
Au vu de toutes ces difficultés, il souhaite connaître la position du Gouvernement sur cette proposition de loi qui semble incompatible avec les objectifs qu'il a annoncés et les ambitions qu'il a affichées pour l'efficacité de notre système de santé.
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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 18/07/2019
Une proposition de loi déposée le 6 février 2019 par M. Gilles Le Gendre, député de Paris, sur la résiliation infra-annuelle de la complémentaire santé a été adoptée par les deux assemblées. Cette proposition de loi vise à donner la possibilité aux assurés, particuliers pour les contrats individuels et entreprises pour les contrats collectifs, de résilier sans frais et à tout moment après la première année de souscription, des contrats de complémentaire santé. Cette mesure de simplification donnera plus de liberté aux assurés et leur permettra de bénéficier d'une concurrence accentuée en matière de couverture complémentaire santé. Elle répond à l'objectif de faciliter les démarches des administrés et d'agir pour leur pouvoir d'achat. Cette possibilité est attendue par nos concitoyens, qui souhaitent obtenir davantage de souplesse et ainsi pouvoir résilier leur contrat de complémentaire santé sans frais et à tout moment au terme de la première année de souscription. Cette proposition de loi ne va pas augmenter le coût des primes. Au contraire, le renforcement de la concurrence qu'elle permettra va inciter les complémentaires à les diminuer, notamment en réduisant leurs frais de fonctionnement, afin d'attirer ou de garder des assurés. C'est la raison pour laquelle, selon un récent sondage mené par l'Institut français d'opinion publique, les Français se prononcent très clairement pour cette mesure : au total, les avis favorables avoisinent les 94 %. D'ailleurs, la mise en uvre de mesures similaires dans d'autres secteurs de l'assurance ne s'est pas traduite par des hausses de primes, au contraire. Par exemple, la mise en uvre de la résiliation annuelle des contrats d'assurance emprunteur depuis le 1er janvier 2018 a conduit certains organismes à diminuer leurs primes de 30 %. Ensuite, cette mesure ne va pas favoriser les comportements opportunistes. En effet, elle ne permet de résilier un contrat d'assurance complémentaire santé qu'au terme d'un délai d'un an. Un assuré qui souhaiterait souscrire une complémentaire santé avant un acte médical programmé, puis s'en défaire après cet acte, ne pourrait donc pas le faire. De surcroît, cette mesure ne va pas déstabiliser le marché. Elle favorisera la mobilité des assurés qui souhaitent changer de complémentaire santé. Néanmoins, d'un point de vue global, elle ne modifiera pas drastiquement la situation actuelle, car une résiliation annuelle est déjà possible. Enfin, cette mesure ne va pas entraîner une démutualisation des risques au détriment des personnes âgées. Les garanties en termes de mutualisation seront inchangées, y compris en faveur des plus vulnérables : les mutuelles et les autres organismes proposant des contrats responsables, qui constituent la quasi-totalité des contrats, ne peuvent recueillir d'informations médicales auprès de leurs membres, ni fixer de cotisations en fonction de l'état de santé des assurés. Ainsi, cette mesure sera favorable à tous les assurés et en particulier aux personnes âgées, pour qui les conditions actuelles de résiliation, du fait de leur nature restrictive, sont très défavorables. Ce sont elles qui sont le plus soumises aux augmentations brusques de cotisations des contrats individuels. Et, pour les personnes âgées, qui sont rarement familiarisées aux nouvelles technologies, il peut être difficile de trouver un nouveau contrat dans le délai de vingt jours impartis. Enfin, cette proposition de loi ne traduit pas la moindre défiance quant au rôle des complémentaires santé dans notre système de santé. Le travail mené en commun avec les organismes complémentaires a donné lieu à des avancées majeures, comme la réforme du 100 % santé, qui a été construite en lien étroit avec l'ensemble des acteurs, et en particulier avec les fédérations d'organismes complémentaires.
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