Question de M. ANTISTE Maurice (Martinique - SOCR) publiée le 11/04/2019

M. Maurice Antiste appelle l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la nécessaire sécurisation de l'actionnariat des sociétés publiques locales (SPL) et des sociétés d'économie mixte (SEM).

De nombreuses collectivités territoriales ont fait le choix de recourir à des sociétés publiques locales (SPL) pour exercer certaines de leurs compétences. 359 SPL ont ainsi été constituées en moins de dix ans. Or, un arrêt récent du Conseil d'État, en date du 14 novembre 2018, fragilise cette démarche en ce qu'il considère « qu'une collectivité ne peut participer au capital d'une société publique locale que si l'ensemble de l'objet social de la société relève des compétences de la collectivité ».
Ainsi, un certain nombre d'interprétations de cet arrêt conduisent à en étendre la portée aux 925 sociétés d'économie mixte (SEM) françaises, dont l'une en Martinique.

Cette décision du Conseil d'État porte par conséquent un coup d'arrêt à la liberté reconnue aux collectivités territoriales de différents niveaux de constituer ensemble des opérateurs communs pour gérer des activités complémentaires, dans des conditions de mutualisation propices au dégagement d'économies de gestion et donc de marges de manœuvre financières.

De surcroît, cette décision va à l'encontre de l'esprit de la loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales, d'initiative sénatoriale, votée à l'unanimité du Parlement. Cette interprétation du droit incite enfin à une atomisation de l'action publique par le démembrement des SPL-SEM existantes en plusieurs entités.

Une clarification législative rapide étant nécessaire pour réaffirmer la possibilité pour une collectivité de prendre une participation dans une SPL-SEM dont l'objet social comprend au moins une de ses compétences, chaque collectivité actionnaire pouvant évidemment confier à ladite société uniquement des missions relevant de ses compétences, il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement en la matière.

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 05/09/2019

En vertu des dispositions du code général des collectivités territoriales (CGCT) relatives aux entreprises publiques locales (EPL), il est constant qu'une collectivité territoriale, ou un groupement de collectivités territoriales, n'a pas le droit de faire via une société publique locale (SPL), ou une société d'économie mixte locale (SEML), ce qu'elle n'a pas le droit de faire elle-même. Ainsi, l'article L. 1521-1 du CGCT, relatif aux SEML, dispose que « Les communes, les départements, les régions et leurs groupements peuvent, dans le cadre des compétences qui leur sont reconnues par la loi, créer des sociétés d'économie mixte locales (…). » Cette rédaction était déjà celle de l'article 1er de la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d'économie mixte locales, qui a institué le régime juridique actuel de ces sociétés dans le contexte de la décentralisation. Des dispositions similaires existent pour les SPL. Dans sa décision du 14 novembre 2018 [1], le Conseil d'État avait tranché le cas des sociétés à objet « mixte », dont les missions relèvent pour partie seulement de la compétence de la collectivité. Jusqu'à présent, les décisions des cours administratives d'appel se partageaient entre deux interprétations : - selon la plus stricte, la collectivité ne pouvait participer à une SPL que si elle détenait la totalité des compétences correspondant aux missions de la société [2] ; - selon une lecture plus ouverte, la collectivité ne pouvait participer à une SPL que si la part prépondérante des missions de la société n'outrepassait pas son domaine de compétence [3]. C'est à la suite d'un pourvoi formé à l'encontre de cette dernière interprétation que le Conseil d'État retenait la lecture selon laquelle toutes les missions de la société devaient relever des compétences de la collectivité territoriale ou du groupement actionnaire. Cette décision concernait en l'espèce une SPL, mais elle était transposable aux autres EPL. C'est sur cette interprétation que la loi n° 2019-463 du 17 mai 2019 tendant à sécuriser l'actionnariat des entreprises publiques locales a entendu revenir. En vertu de cette loi, une collectivité territoriale ou un groupement peut participer au capital d'une SEML ou d'une SPL dès lors qu'il détient au moins l'une des compétences correspondant aux missions, et donc à l'objet social, de la société. Les sociétés existantes s'en trouvent par ailleurs sécurisées. Consciente de l'inquiétude que la décision du 14 novembre 2018 a suscité dans le secteur des entreprises publiques locales, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a soutenu cette initiative parlementaire permettant de sécuriser les EPL existantes et d'assouplir rapidement l'état du droit. 1] CE, 14 novembre 2018, syndicat mixte pour l'aménagement et le développement des Combrailles, n° 405628. [2] CAA de Nantes, 19 septembre 2014, syndicat intercommunal de la Baie, n° 13N01683. [3] CAA de Lyon, 4 octobre 2016, SEMERAP, n° 14LY02753.

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