Question de Mme GUILLOTIN Véronique (Meurthe-et-Moselle - RDSE) publiée le 18/04/2019
Mme Véronique Guillotin appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances sur les inquiétudes des travailleurs frontaliers concernant la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune. Ratifiée par la loi n° 2019-130 du 25 février 2019, cette convention fait craindre une imposition supplémentaire pour les Français travaillant au Luxembourg. Le nouveau mode d'imposition, présenté à l'article 22.1 de la convention, est fondé sur le principe de l'imputation et non plus de l'exemption. Les services fiscaux français examineraient ainsi les impôts payés sur les revenus acquis au Luxembourg et calculeraient le montant que la personne aurait dû payer en France. Si ce montant est plus élevé que celui prélevé au Luxembourg - ce qui est le cas pour la plupart des revenus modestes et moyens - l'administration fiscale serait désormais en mesure de réclamer la part manquante. Elle lui demande donc quels sont les arguments du Gouvernement pour rassurer les 100 000 frontaliers qui travaillent actuellement au Luxembourg.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique publiée le 17/07/2019
Réponse apportée en séance publique le 16/07/2019
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le secrétaire d'État, je me fais aujourd'hui la porte-parole des travailleurs lorrains et ardennais qui chaque jour passent la frontière pour rejoindre le Luxembourg.
Ratifiée en France le 25 février et au Luxembourg le 3 juillet, la nouvelle convention fiscale vise à éviter les doubles impositions comme les doubles exonérations, et à prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les sociétés.
Elle porte également une nouvelle ambition concernant le télétravail, qui s'en trouve facilité, même si nous avons souhaité aller plus loin et permettre le télétravail 46 jours par an, compte tenu de l'engorgement des infrastructures de transport.
Cette convention succède à celle de 1958, devenue obsolète, et place nos deux pays en conformité avec les standards internationaux en vigueur. C'est heureux !
J'ai bien conscience de ces avancées. Celles-ci nous ont d'ailleurs poussés à adopter la loi de ratification. Néanmoins, lors de son examen en février, j'avais émis des réserves sur l'absence d'étude d'impact concernant la nouvelle méthode retenue pour le calcul de l'impôt sur le revenu : en effet, les services fiscaux calculeront désormais les impôts que les contribuables français ont à payer en France sur les revenus du travail effectué au Luxembourg. Mais quid du différentiel ?
Les salariés français aux revenus les plus modestes pourraient être les premiers impactés, en raison du plus faible taux d'imposition sur ces revenus au Luxembourg.
Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous apporter des clarifications sur ce point, et rassurer au plus vite les 100 000 travailleurs frontaliers concernés sur l'application et l'interprétation de cette convention par la direction de la législation concernée ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique. Madame la sénatrice, conformément au modèle de convention fiscale de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, le 1 de l'article 14 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise signée le 20 mars 2018 prévoit une imposition partagée des revenus d'emploi entre l'État de résidence du salarié et celui de l'exercice de son activité.
La convention du 1er avril 1958 prévoyait quant à elle une imposition exclusive dans ce dernier État, c'est-à-dire le Luxembourg pour les travailleurs frontaliers français.
Afin de tirer les conséquences de ce partage d'imposition, la méthode d'élimination des doubles impositions relative aux revenus salariaux a été modifiée dans la nouvelle convention.
Le mécanisme d'exonération des revenus du travail étranger couplé à sa prise en compte pour le calcul du taux effectif de l'impôt à acquitter en France sur les autres revenus a ainsi été remplacé par un mécanisme d'imposition en France des revenus du travail étranger couplé à l'octroi d'un crédit d'impôt égal à l'impôt étranger acquitté sur ces mêmes revenus.
Cette méthode prévue par le modèle de convention fiscale de l'OCDE permet de se cantonner strictement à la nécessité d'éliminer la double imposition, et de garantir que l'impôt acquitté par les contribuables français est le même, quel que soit le lieu d'exercice de leur activité. En d'autres termes, à salaire égal, l'impôt acquitté sera le même pour un salarié résidant en France et travaillant en France que pour un salarié résidant en France et travaillant au Luxembourg.
Ce changement n'aura de conséquence sur le niveau d'imposition des travailleurs frontaliers que si l'impôt calculé en France sur les revenus salariaux luxembourgeois se trouve supérieur à l'impôt luxembourgeois sur ces mêmes revenus.
En raison d'une réforme fiscale introduite au Luxembourg en 2017 ayant conduit à une augmentation significative du crédit d'impôt pour les salariés luxembourgeois, et, par conséquent, à une diminution de l'imposition des travailleurs frontaliers, certains d'entre eux auront toutefois un reliquat d'impôt à acquitter en France. Ce reliquat d'impôt sera égal à la différence entre l'impôt français qui aurait été dû si le travailleur exerçait son activité en France et l'impôt prélevé au Luxembourg.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Cédric O, secrétaire d'État. Cette situation ne concernera toutefois qu'une minorité des contribuables, l'impôt sur le revenu français étant globalement plus favorable, en raison notamment du quotient familial et des réductions et crédits d'impôt. Le recours aux frais réels pour les frais professionnels peut également conduire à un impôt français inférieur.
M. le président. Je vous remercie de veiller à respecter votre temps de parole, monsieur le secrétaire d'État.
La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.
Mme Véronique Guillotin. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le secrétaire d'État, bien que celles-ci ne soient pas vraiment de nature à rassurer les travailleurs frontaliers.
Comme je le disais, ils sont 100 000, chiffre considérable si on le rapporte aux 600 000 habitants que compte le Luxembourg, et la dynamique se poursuit !
L'interprétation de cette convention fiscale est donc une question cruciale pour notre territoire. Les travailleurs frontaliers subissent chaque jour plusieurs heures de transport dans des infrastructures engorgées. Or un grand nombre d'entre eux n'ont d'autre choix que de traverser la frontière pour trouver un emploi. Ils ne comprendraient pas que la France prélève un impôt supplémentaire sur leurs revenus luxembourgeois, d'autant que ce sont les plus bas revenus qui risquent, à terme, d'être impactés.
Je compte sur l'engagement du Gouvernement pour que l'application de cette convention ne se fasse pas de manière abrupte, mais attentive, et reste au bénéfice de nos deux pays et de l'ensemble de nos concitoyens.
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