Question de M. GROSDIDIER François (Moselle - Les Républicains) publiée le 14/02/2019
M. François Grosdidier attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur au sujet de la limitation de vitesse à 80 km/h sur le réseau routier secondaire. Le comité interministériel de la sécurité routière, réuni le 9 janvier 2018 par le Premier ministre, avait décidé de l'abaissement de 90 à 80km/h de la vitesse maximale autorisée sur les routes bidirectionnelles à une seule voie par direction et sans séparateur central appartenant au réseau secondaire, géré par les départements. Cet abaissement a été acté par le décret n° 2018-487 du 15 juin 2018. Si l'objectif est de réduire le nombre de morts et d'accidents sur ces routes, souvent plus dangereuses que les autoroutes ou que les voies en agglomération, c'est bien la méthode et l'uniformité de la décision qui sont contestables. Un premier bilan de cette expérimentation doit intervenir au 1er juillet 2020. Or, lors du grand débat national impliquant les maires de l'Eure et le président de la République le 15 janvier 2019 à Grand-Bourghteroulde, ce dernier a annoncé de possibles aménagements à cette mesure très mal vécue tant par les Français (76 % d'entre eux y seraient opposés selon un sondage) que par les collectivités territoriales. Le ministre de l'intérieur a également déclaré, durant ce mois de janvier 2019, que le Gouvernement serait prêt à annuler la réforme s'il s'avérait qu'elle n'aurait servi à rien. La mission d'information du Sénat sur la sécurité routière appelait dès l'année 2018 à mieux cibler cette mesure particulièrement contestée dans les zones rurales, dans lesquelles particuliers et entreprises voient leurs trajets rallongés pour un bénéfice incertain. Aujourd'hui pas plus qu'hier un président de conseil départemental ou un maire pour les portions se trouvant sur sa commune ne peuvent moduler comme ils le souhaitent la vitesse maximale, que ce soit à la baisse sur des routes dangereuses, ou à la hausse quand la situation mériterait un 90 km/h. La mission proposait alors une mesure de bon sens : décentraliser plutôt que d'uniformiser la vitesse sur toutes les routes nationales et départementales, afin d'adapter les décisions nationales à la réalité des territoires. Cette modulation pourrait être concertée lors de conférences départementales de la sécurité routière réunissant les élus, le préfet et la gendarmerie. Il lui demande donc si une application en cas par cas de la réduction de la vitesse maximale est envisagée avant le terme de l'expérimentation le 1er juillet 2020 et, si oui, si le Gouvernement compte confier aux conseils départementaux et aux maires la modulation des vitesses, ce qui serait logique au regard du fait que ce sont ces collectivités à qui l'État a confié l'entretien des routes départementales, et une partie des routes nationales.
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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 14/05/2020
Conformément aux orientations du comité interministériel de la sécurité routière du 9 janvier 2018, le Gouvernement a décidé en 2018 de fixer à 80 km/h la vitesse maximale autorisée (VMA), sur les routes à double sens sans séparateur central. Cette décision, applicable depuis le 1er juillet 2018, a été prise sur la base des recommandations des experts du conseil national de la sécurité routière (CNSR), elles-mêmes fondées sur plus de 500 études dans le monde occidental, qui ont estimé entre 300 et 400 vies épargnées par an. Une clause de rendez-vous au 1er juillet 2020 a été instaurée afin d'étudier avec précision et objectivité l'impact sur l'accidentalité de cette mesure. Les résultats positifs qui ont suivi la mise en uvre, le 1er juillet 2018, du décret n° 2018-487 du 15 juin 2018 relatif aux vitesses maximales autorisées démontrent la pertinence de cette mesure nationale. Lors de la séance plénière du CNSR qui s'est tenue le 9 juillet 2019, le ministre de l'intérieur a rappelé qu'un an après sa mise en uvre, la mesure d'abaissement de la VMA à 80 km/h sur la partie la plus accidentogène du réseau routier a permis d'épargner, selon les chiffres encore provisoires de l'observatoire national interministériel de la sécurité routière, 206 vies humaines par rapport à la moyenne des cinq dernières années (2013 2017) alors même que le trafic routier inscrit une hausse d'environ + 7 % entre 2013 et 2018, et alors même que le mouvement sans précédent de vandalisme des radars apparu à la mi-novembre 2018 a fortement pesé sur les vitesses pratiquées. Au 1er janvier 2020 et depuis sa mise en uvre en juillet 2018, ce sont 336 vies qui ont été épargnées du fait de l'abaissement de la vitesse à 80 km/h. Cette mesure participe au bilan de l'année 2019, marqué par le chiffre de mortalité sur les routes de métropole le plus bas de toute l'histoire des statistiques de la sécurité routière. D'autres éléments à retenir de l'évaluation de la mesure à douze mois par le centre d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) : sur le réseau passé à 80 km/h, la vitesse pratiquée des véhicules légers a chuté dès le dimanche 1er juillet 2018 de - 3,9 km/h (en comparant juin et septembre 2018). Les vitesses pratiquées sont restées globalement stables jusqu'en novembre, avant de connaître une remontée de + 1 km/h. Les vitesses pratiquées sur le réseau après le 1er juillet 2018 restent à la baisse, une baisse qui s'établit à - 3 km/h par rapport à juin 2018. Sur les premiers mois de la mesure, avant le vandalisme des radars, les résultats ont globalement correspondu aux prévisions ; une des principales inquiétudes des Français lors de la mise en place de la mesure résidait dans la perte de temps générée par cette baisse de vitesse sur des trajets quotidiens. Toutefois, il apparaît que l'allongement du temps de parcours, depuis le 1er juillet 2018, est de l'ordre en moyenne d'une seconde au kilomètre. Il a même été constaté un gain de temps de la même entité sur 34 % des itinéraires observés. En outre, aucun « effet de peloton », c'est-à-dire de files de véhicules, n'a été observé à l'aide des radars mesurant les intervalles entre les véhicules, contrairement aux craintes ou au ressenti exprimés. Dans le cadre de son évaluation, le CEREMA a également conduit une enquête Ipsos relative au ressenti des usagers en interrogeant un panel représentatif des Français âgés de 18 ans et plus (84 % des interrogés conduisent sur les routes concernées par la mesure), avant et après le passage de la mesure. Voici ce qu'il en ressort : 40 % se disent favorables à la mesure (versus 30 % avant son application), 25 % y sont encore aujourd'hui opposés (versus 40 % avant son application) et 76 % déclarent respecter le plus souvent ou systématiquement la nouvelle limitation de vitesse. Depuis l'article 36 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités a ouvert aux présidents de conseils départementaux ainsi qu'aux maires et présidents d'établissement public de coopération intercommunale a possibilité de fixer sur certaines portions de leur domaine routier la vitesse maximale autorisée à 90 km/h. Il résulte de ces dispositions que les préfets, titulaires des pouvoirs de police sur les routes nationales, n'auront pas la possibilité de relever les vitesses maximales autorisées sur celles-ci. Il appartient désormais aux présidents des conseils départementaux d'utiliser la faculté qui leur est ouverte par la loi d'orientation sur les mobilités et de prendre en compte ou pas, selon leur souhait, ces orientations.
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