Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - SOCR) publiée le 14/02/2019
Mme Maryvonne Blondin interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics au sujet d'une alerte relative à un changement de paradigme fiscal quant aux recettes perçues par les personnes prostituées.
Cette nouvelle position, appliquée par certaines directions générales des finances publiques au niveau local, est issue de l'évolution suivante : l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), censée concerner uniquement les activités économiques du secteur concurrentiel, était appliquée précédemment uniquement aux entreprises qui généraient des revenus de par leur recours à la prostitution (exemple de certains salons de massage) ; les personnes prostituées exerçant à titre individuel n'y étaient donc pas assujetties.
Or, il semblerait que les personnes prostituées soient désormais considérées par l'administration comme des entreprises individuelles exerçant une activité économique concurrentielle, et soumises à la TVA. Cette posture est nouvelle et paraît aller à contre-courant de la position abolitionniste de la France (position affirmée par la ratification en 1960 de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui ; puis par la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées).
L'interdiction de l'achat d'acte sexuel a en outre été réaffirmée le 1er février 2019 par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-761 QPC.
Vouloir soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée les paiements faits aux personnes prostituées conduit à assimiler celles-ci à des entreprises du secteur concurrentiel, ce qui paraît contraire au principe de non exploitation de la prostitution, ainsi qu'à l'interdiction légale d'acheter des actes sexuels. Cela ne s'inscrit pas dans les orientations affichées par le Gouvernement en matière de lutte contre le système prostitutionnel, dans lesquelles les personnes prostituées sont reconnues comme des victimes.
Elle lui demande donc de bien vouloir l'éclairer sur la position de l'administration fiscale quant à la décision d'assujettir les personnes prostituées à la TVA.
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Transmise au Ministère de l'économie et des finances
Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 25/04/2019
Conformément à l'article 256 du code général des impôts (CGI), sont soumises à la TVA les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. À cet égard, l'article 256 A du CGI prévoit que sont assujetties à la TVA les personnes qui effectuent de manière indépendante une activité économique, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), une activité est qualifiée d'économique lorsqu'elle présente un caractère permanent et est effectuée contre une rémunération perçue par l'auteur de l'opération (Cour de justice des communautés européennes, 13 décembre 2007, aff. C-408/06, Gotz, point 18). Le caractère éventuellement illicite de l'activité est indifférent. Comme l'a rappelé mon prédécesseur à la mission d'information sur la prostitution en France de l'Assemblée nationale dans une note reprise en annexe 6 du rapport de la mission d'information du 13 avril 2011, les personnes qui se prostituent et qui exercent leur activité à titre indépendant sont assujetties à la TVA. Néanmoins, dans la généralité des cas, les personnes concernées exercent leur activité sous la surveillance étroite et constante des proxénètes. Lorsque tel est le cas, la condition tenant à l'exercice indépendant de l'activité n'est pas satisfaite et les personnes intéressées n'ont pas la qualité d'assujetties à la TVA.
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