Question de M. SAVOLDELLI Pascal (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 20/02/2019

Question posée en séance publique le 19/02/2019

M. Pascal Savoldelli. « Ne parlez pas d'acquis sociaux, parlez de conquis sociaux, parce que le patronat ne désarme jamais. » C'est par cette citation d'Ambroise Croizat, monsieur le Premier ministre, que je souhaite commencer mon intervention.

J'ai appris que, lors d'un débat dans le Finistère, vous aviez une fois encore remis en cause le principe de la solidarité nationale.

Quels sont les droits qui, selon vous, devraient être soumis à contreparties ? Les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, devraient-ils la mériter pour l'obtenir ? Les personnes sans emploi ont-elles une dette envers la communauté, ou les indemnités qu'elles perçoivent sont-elles des droits, qu'elles ont acquis par leur travail et leurs cotisations ?

Cette stigmatisation des personnes les plus fragiles, les plus pauvres, est devenue proprement insupportable, monsieur le Premier ministre ! Cessez de les culpabiliser ! C'est votre politique qui les exclut. Vous brisez des rêves, mais aussi des corps ; vous instillez l'humiliation, au lieu d'insuffler l'espoir. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 20/02/2019

Réponse apportée en séance publique le 19/02/2019

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Le principe du grand débat national, monsieur le sénateur Savoldelli, est de poser des questions et de réfléchir ensemble au modèle que nous voulons construire pour l'avenir.

Dans ce cadre, le Premier ministre a soulevé une question qui figure d'ores et déjà parmi celles soumises aux Français au titre du volet « démocratie et citoyenneté » du grand débat national : faut-il des contreparties aux allocations de solidarité ?

M. Pierre Laurent. C'est vous qui posez la question !

Mme Agnès Buzyn, ministre. En réalité, ces contreparties existent déjà. L'attribution du revenu de solidarité active, notamment, emporte des devoirs, puisqu'elle repose sur une contractualisation en vue d'une réinsertion dans l'emploi. Il s'agit bien d'une contrepartie.

On le sait, nos aides sociales sont aujourd'hui très nombreuses, fragmentées, et nos concitoyens ont du mal à se retrouver dans ce système construit par sédimentation. Nous avons donc décidé de simplifier l'accès aux aides sociales, notamment pour réduire le taux de non-recours. Cette simplification consiste en l'instauration d'un revenu universel d'activité, sur lequel nous travaillons. Par ce biais, nous pourrons éviter que 30 % des personnes éligibles au RSA n'y accèdent pas, comme c'est le cas aujourd'hui.

Nous savons aussi que nos aides sociales sont des trappes à pauvreté. À l'heure actuelle, 50 % des allocataires du RSA ne se voient proposer aucun parcours de réinsertion et aucune contractualisation.

Il est donc nécessaire de poser cette question des droits et des devoirs dans le cadre du grand débat national. Il est hors de question de revenir sur l'accompagnement de nos concitoyens les plus en difficulté, mais cet accompagnement ne saurait être que financier : il doit être global, et viser aussi à l'insertion dans l'emploi. (M. Martin Lévrier applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Je remercie M. le Premier ministre de sa réponse… (Sourires.)

Madame la ministre, puisque nous allons bientôt travailler à une révision constitutionnelle, permettez-moi de vous rappeler que le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 précise que la Nation garantit à tous, sans condition, « la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »

À défaut de respecter l'héritage de la Résistance, il conviendrait, au moins, de respecter la Constitution ! Vous parlez d'allocations fragmentées, sédimentées, madame la ministre… Lesquelles visez-vous exactement ? Allez-vous remettre en cause les allocations familiales, la prestation d'accueil du jeune enfant, la prime de naissance, les allocations chômage, l'allocation aux adultes handicapés, le complément de libre choix d'activité ou même, demain, les bourses universitaires ? Où allons-nous ? Ce n'est pas sérieux !

Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, je vous offrirai à la sortie de l'hémicycle un livre d'Édouard Louis, Qui a tué mon père.

M. le président. Mon cher collègue, ne débordez pas sur votre temps de parole et les droits d'auteur… (Sourires.)

M. Pascal Savoldelli. Vous y lirez que, « pour les dominants, la politique est une question esthétique : une manière de se penser, une manière de voir le monde, de construire sa personne. »

M. le président. Vous direz tout cela au Premier ministre à la sortie !

M. Pascal Savoldelli. « Pour nous, c'était vivre ou mourir. » (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

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