Question de M. CABANEL Henri (Hérault - SOCR) publiée le 06/02/2019
Question posée en séance publique le 05/02/2019
M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre Marc Fesneau, la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite loi Égalim, que nous avons examinée l'année dernière, prétend améliorer le revenu des agriculteurs en imposant une plus juste rémunération. Son encre est à peine sèche. Pourtant, les ordonnances qu'elle vous a autorisés à rédiger suscitent de vives inquiétudes dans le milieu agricole, notamment chez les trois quarts des agriculteurs membres d'une coopérative, qui craignent une remise en cause du statut coopératif.
En effet, vos ordonnances assimileraient les coopératives à des entreprises commerciales pour le calcul du prix d'achat aux agriculteurs. Ce prix c'est tout l'objet de la loi Égalim ne doit pas être abusivement bas au regard d'indicateurs à préciser.
Monsieur le ministre, il faut comparer ce qui est comparable. La coopérative est la continuité de l'exploitation, et non une entreprise commerciale. L'inquiétude dont je me fais le porte-voix vient de ce que la notion de prix serait appliquée par votre ordonnance aux relations entre la coopérative et l'adhérent. Or la coopérative, jusqu'à présent, n'achète pas le produit, mais le vend aux entreprises commerciales. C'est aussi pour cela que le médiateur de la coopération agricole ne doit pas être remplacé par un médiateur de la relation commerciale.
Certes, il peut y avoir des abus dans certaines grosses coopératives, dont la gouvernance est assez éloignée des adhérents. Il faut évidemment les corriger, mais pas au prix d'une remise en cause de la singularité du modèle coopératif, qui est fondé sur l'humain et la solidarité. (Marques d'approbation sur plusieurs travées.) Beaucoup d'exploitations sont de taille modeste, notamment en Occitanie, comme me le souffle mon collègue du Gers, Franck Montaugé, que j'ai plaisir à associer à cette question. (Sourires.)
Elles sont fragiles, mais elles font vivre les territoires, le modèle coopératif étant un outil performant pour une agriculture saine et de qualité.
Certains pensent qu'à terme l'objectif de Bercy serait de parvenir à fiscaliser le chiffre d'affaires des coopératives, ce qui reviendrait à taxer deux fois les coopérateurs.
Monsieur le ministre, nous connaissons votre attachement à l'agriculture et aux agriculteurs. Il faut les défendre non pas seulement contre les critiques, mais aussi contre les logiques purement économiques, qui leur sont défavorables.
Ma question est simple : quelles preuves de soutien vos ordonnances apporteront-elles à notre modèle coopératif agricole ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
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Réponse du Premier ministre - Relations avec le Parlement publiée le 06/02/2019
Réponse apportée en séance publique le 05/02/2019
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Henri Cabanel, je voulais vous remercier de votre question et excuser tout d'abord le ministre Didier Guillaume, retenu en Lozère pour le congrès national de la Fédération bovine.
Vous nous avez interrogés sur l'ordonnance en cours de rédaction relative à la coopération agricole.
Je voudrais tout d'abord replacer cette ordonnance dans son contexte, à savoir la volonté, au travers des états généraux de l'alimentation puis de la loi Égalim, d'accorder une juste rémunération aux agriculteurs. À cette fin, nous avons tout particulièrement discuté avec les représentants des coopératives, qui se sont mis d'accord pour mettre en place certains outils.
L'instauration du prix anormalement bas, réclamé par l'ensemble de la profession, est un maillon essentiel de cette chaîne.
Ce contexte devrait permettre de répondre clairement à votre inquiétude : non, le Gouvernement ne veut absolument pas mettre fin au modèle coopératif. Au contraire, il soutient fortement un modèle de solidarité, de création et de juste répartition de la valeur ajoutée entre les coopérateurs, qui permet aussi de mettre en valeur tous les territoires. Il n'en reste pas moins que, comme toutes les organisations, ce modèle mérite d'être amélioré.
Les services du ministère de l'agriculture travaillent en étroit partenariat avec les représentants des coopératives, y compris sur la rédaction de cette ordonnance.
Mme Sophie Primas. Et avec le Parlement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Le prix abusivement bas est effectivement par nature et par construction une notion juridique qui peut entrer en contradiction avec la construction d'un prix coopératif.
C'est pourquoi l'ordonnance veille à préserver le modèle coopératif en maintenant, dans le code rural et non dans le code de commerce ce n'est pas un point négligeable la notion de prix abusivement bas et en instituant le recours au Haut Conseil de la coopération agricole ou au médiateur de la coopération agricole en cas de pré-litige, et non au médiateur des relations commerciales.
Nous voulons maintenir l'excellence de l'agriculture française et le modèle coopératif, qui regroupe effectivement les trois quarts des agriculteurs, en constitue l'un des fers de lance. Il fait figure pour nous de modèle d'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. M. Alain Cazabonne applaudit également.)
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