Question de M. ALLIZARD Pascal (Calvados - Les Républicains) publiée le 01/02/2019
Question posée en séance publique le 31/01/2019
M. Pascal Allizard. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Ces dernières années, de nombreux Français ont rejoint les rangs de l'État islamique au Levant. Acquis à la cause salafiste, portés par la volonté de contribuer au djihad armé, ils se sont rendus tristement célèbres par leurs exactions contre les populations locales pour imposer l'ordre tyrannique de Daech. Ils voulaient aussi mettre la France à genoux.
Certains d'entre eux, utilisant les réseaux sociaux, ont largement diffusé leur propagande visant à encourager de jeunes Français à les rejoindre ou à commettre des attentats sur notre sol par tous les moyens.
Aujourd'hui, un certain nombre de ces individus dangereux, capturés en Syrie, sont détenus par les forces kurdes. Le désengagement américain du Levant pose la question du devenir de ces prisonniers, qui pourraient revenir en France.
Dès lors, comment le Gouvernement entend-il protéger efficacement les Français de ces criminels, de ces ennemis de la République, alors que la menace terroriste reste très élevée dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 01/02/2019
Réponse apportée en séance publique le 31/01/2019
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur Allizard, vous m'interrogez sur le sort des Français terroristes détenus au nord-est de la Syrie.
La préoccupation qui sous-tend votre question, celle du Premier ministre que je suis, des membres du Gouvernement et de l'ensemble de la représentation nationale, j'en suis certain, est de garantir la sécurité des Français.
C'est pour garantir la sécurité des Français que des gouvernements de notre pays ont décidé de participer à une coalition pour combattre Daech dans cette région.
C'est pour garantir la sécurité des Français qu'un certain nombre d'opérations ont été conduites contre des terroristes qui, quelle que soit la nationalité dont ils pouvaient se prévaloir, étaient des ennemis. Ils ont été traités comme tels.
Il se trouve qu'un certain nombre de combattants de nationalité française qui se sont rendus sur place ont été rejoints par leur conjoint, et certains ont eu des enfants. Certains ont été tués dans les combats, d'autres sont aujourd'hui détenus par les forces kurdes dans le nord-est de la Syrie.
Notre objectif est évidemment de faire en sorte que ceux qui ont fait le choix de se rendre dans cette région au cours des dernières années soient jugés, condamnés et punis à la hauteur de leurs crimes, qui sont immenses.
Monsieur le sénateur, lorsqu'un certain nombre de Français ayant commis des crimes ont été arrêtés, détenus, jugés et condamnés en Irak, nous n'avons rien trouvé à redire.
Vous le savez parfaitement, la situation est un peu différente en ce qui concerne le nord-est de la Syrie. En effet, ceux qui y sont détenus aujourd'hui le sont par les Kurdes. Or la décision unilatérale des États-Unis de se désengager de Syrie a suscité chez les Kurdes des interrogations considérables. Je le dis évidemment avec beaucoup de prudence, mais elle pourrait susciter des décisions de réorganisation de l'effort de leurs forces et la définition d'autres priorités, pouvant les conduire à relâcher les terroristes actuellement détenus, qui se disperseraient alors. Il n'est bien sûr dans l'intérêt de personne, et certainement pas de notre pays, de voir ainsi se disperser des ennemis de la France. Si ces personnes étaient expulsées de Syrie et si elles venaient à être en contact avec les autorités françaises, elles seraient immédiatement arrêtées, soumises à la justice et, je l'espère, punies sévèrement.
M. Alain Fouché. Encore faut-il les trouver !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Notre objectif est de faire en sorte que ceux qui se sont rendus coupables de crimes le simple fait d'être allé sur place est souvent déjà constitutif d'un crime puissent être condamnés.
J'ai entendu nombre de prises de position sur ce sujet depuis quelques jours. Si beaucoup témoignaient d'une véritable hauteur de vues, certaines étaient d'une facilité confondante.
Encore une fois, l'intérêt objectif de la France est d'éviter la dispersion de ces terroristes. Nous prendrons donc toutes nos responsabilités et nous mettrons en uvre toutes les actions nécessaires pour que ces personnes, si elles venaient à être expulsées, puissent faire l'objet de procédures judiciaires extrêmement sévères dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.
M. Pascal Allizard. Monsieur le Premier ministre, il faut dire la vérité aux Français. Ces prisonniers seront-ils échangés par les milices contre des prisonniers kurdes détenus par Daech ? C'est un risque que vous n'avez pas évoqué.
Par ailleurs, la réponse judiciaire envers les « revenants » majeurs est, vous le savez, tributaire de la preuve. Ils tenteront tout pour minimiser leur rôle. Un dossier judiciaire fragile, c'est l'assurance d'une condamnation faible et d'un retour dans la société à brève échéance. Cela n'est pas acceptable.
Enfin, c'est un problème dont l'Europe doit se saisir, car les djihadistes comptent de nombreux Européens dans leurs rangs. La charte de Londres et le statut de Rome, vous le savez, le permettent. Nous parlons ici de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide.
Je crois que votre volte-face n'est que le marqueur d'une certaine faiblesse de notre politique étrangère au Levant. Ces personnes ne doivent pas revenir. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
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