Question de M. BAZIN Arnaud (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 31/01/2019
M. Arnaud Bazin attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique sur l'opportunité de légiférer sur la question des « loot boxes », micro-transactions sous forme de « boîtes surprises » au contenu aléatoire, dans le jeu vidéo. Le 25 avril 2018, le ministre de la justice belge a expliqué dans un communiqué qu'à la suite d'une investigation de la commission des jeux de hasard belges, certaines pratiques utilisées par les acteurs du jeu vidéo allaient être restreintes. Il s'agit d'un modèle économique qui vise, après avoir acheté une copie d'un jeu, à pousser le joueur à réinvestir financièrement dans le jeu dans le but d'obtenir un avantage sur son adversaire en ligne, les jeux concernés utilisant internet. Considérant que ce marché est principalement orienté vers un jeune public, il est surprenant que la législation actuelle ne suive pas l'exemple belge qui a eu le courage de protéger ses jeunes contre des pratiques commerciales plus que douteuses, ainsi que de nombreux pays tels que les Pays-Bas ou la Corée du Sud. Il lui demande s'il envisage de porter une action législative nationale en ce sens dans les prochains mois.
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Transmise au Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique
Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique publiée le 18/07/2019
Les pouvoirs publics portent une attention particulière au développement des micro-transactions dans les jeux vidéo. En effet, les éditeurs de jeux développent un mode de rentabilisation de leurs produits qui consistent à inciter les joueurs à effectuer des dépenses répétées pour ouvrir des « loot boxes » (ou « coffres à butin »), leur permettant d'obtenir, de façon aléatoire, un objet virtuel utile ou indispensable à la progression dans le jeu. Ces dépenses peuvent atteindre des montants importants, qui s'ajoutent au coût d'acquisition initial du jeu, mais ne sont pas affichés au moment de l'achat du jeu. Outre la question de l'information préalable des joueurs sur le coût de revient réel du jeu vidéo, cette pratique présente le risque, en particulier pour les mineurs, de favoriser une addiction aux jeux d'argent. Ces loot boxes, répandues sur toutes les plateformes et tous les types de jeux, se sont considérablement diversifiées dans leurs modèles. Répondant à des typologies très variées, elles peuvent être : gratuites ou non ; accompagnées de récompenses ou d'avantages pour le joueur (« pay-to-win ») dans le jeu ; valorisables contre argent réel ou échangeables ou non ; proposées dans un jeu payant ou non ; dans un jeu multijoueur ou non ; etc. Par conséquent, une analyse au cas par cas doit être privilégiée. S'agissant des loot boxes qui entrent dans le périmètre de l'interdiction générale des loteries, édictée à l'article L. 322-1 du code de la sécurité intérieure (CSI), il existe déjà des dispositifs législatifs et réglementaires permettant d'encadrer de telles activités et des autorités habilitées à constater les manquements en la matière. Pour rappel, les loteries sont définies par les quatre critères suivants : l'existence d'une offre publique, offrant, en l'échange d'un sacrifice financier du joueur, l'espérance d'un gain, fonction, au moins de manière partielle, du hasard. La violation des interdictions prévues aux articles L.322-1 et L.322-2 du CSI est punie de 3 ans d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende. Ces peines sont portées à 7 ans d'emprisonnement et à 200 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée (article L.324-6 du CSI). La DGCCRF et l'ARJEL, qui est en charge de la régulation des jeux d'argent en ligne, assurent le contrôle de ces dispositions. Les loot boxes qui n'entrent pas dans définition légale des loteries, soit parce qu'elles sont gratuites, soit parce qu'elles ne donnent pas à espérer une récompense réelle, appellent un examen scientifique approfondi de leurs effets sur la psychologie et le bien-être des joueurs, qui permettra de déterminer les actions à mener le cas échéant vis-à-vis de ces pratiques. Enfin, l'inclusion de loot boxes dans les jeux vidéo, notamment de type « pay-to-win », soulève la question de l'information du consommateur, lorsque le consommateur ne peut pleinement profiter du jeu qu'au prix de (nombreux) achats de loot boxes, notamment s'il est impossible de progresser dans le jeu sans en acheter ou, de façon plus générale, parce que l'expérience de jeu achetée par le consommateur est sensiblement modifiée, selon que le joueur achète ces loot boxes ou non. Présentés sous forme de loterie, sans aucune visibilité sur leur contenu, ces coffres à butin peuvent générer une dépense globale exceptionnellement élevée. Le prix affiché lors de l'acquisition initiale du jeu est alors très éloigné de la dépense que supportera in fine le joueur. Les dispositions générales du code de la consommation relatives notamment à l'information des consommateurs (articles L. 111-1 et suivants) et aux pratiques commerciales interdites (articles L. 121-1 et suivants) sont de nature à permettre à la DGCCRF de sanctionner en tant que de besoin les manquements qui pourraient être identifiés sur le marché à l'occasion de contrôles. L'ARJEL et la DGCCRF coopèrent entre elles, notamment en se communiquant les renseignements et documents utiles à l'accomplissement de leurs missions respectives, y compris ceux couverts par le secret professionnel (article 39-3 de la loi du 12 mai 2010 précitée). À ce stade, les dispositions du droit de la consommation et du droit de la sécurité intérieure permettent donc d'appréhender ces pratiques, sans qu'il soit nécessaire de légiférer davantage. Toutefois, les pouvoirs publics poursuivent leur réflexion quant à l'opportunité d'élaborer une réglementation spécifique à ce modèle de rentabilisation des jeux en ligne.
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