Question de Mme ESTROSI SASSONE Dominique (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 31/01/2019

Mme Dominique Estrosi Sassone interroge M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, au sujet de l'assurance construction.

De nombreux assurés notamment des professionnels du bâtiment, des très petites entreprises (TPE) du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) et des artisans (étancheurs, carreleurs, piscinistes) ou sous-traitants du BTP risquent de se retrouver sans assurance professionnelle en raison d'un détournement de l'application à échelle européenne du service de paiement des sinistres, un service libéralisé dans l'Union européenne mais dont l'application demeure libre dans chaque pays.

Le principe de la libre prestation de service permet à une entreprise d'assurance implantée en Europe d'offrir ses services sur le territoire d'un autre État membre de l'Union européenne que celui dans lequel elle est établie. Dans ce cadre, l'autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) a été créée le 1er janvier 2011 pour veiller à la prévention des risques dans le secteur des assurances mais son rôle actuel se borne à la surveillance du marché.

Or, plusieurs compagnies d'assurances étrangères ont effectué une percée sur le marché français de l'assurance construction. Ces entreprises ont pratiqué une politique tarifaire de dumping en sous-estimant le provisionnement et la capitalisation nécessaires à la couverture des risques en ignorant les spécificités de la législation française particulière en matière de risque qui impose, par exemple, le diagnostic obligatoire ou la règle de la garantie décennale. Ces compagnies ont ainsi profité du décalage entre l'encaissement des primes et le paiement des sinistres sans nécessairement provisionner les engagements qui découlent des législations.

Mais, ces compagnies basées en Irlande, à Malte ou encore au Danemark ont connu une série de défaillances entraînant des faillites. Un risque de non-indemnisation à grande échelle des entreprises qui y étaient assurées et des ménages qui ont fait appel à ces entreprises de BTP pour effectuer des travaux est donc devenu une menace réelle.

Les responsabilités judiciaires sont également problématiques puisque ces entreprises ont généralement mis en place des montages complexes voire nébuleux avec de multiples intermédiaires implantés dans divers pays ce qui complexifie une action en justice.

L'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) chargée de la surveillance des banques et des assurances en France a manifesté son inquiétude car outre le risque de voir des faillites d'entreprises se multiplier, les assureurs français sont évidemment réticents à l'idée de reprendre des polices d'assurance qui ont un risque qu'en cas de sinistre le passif peu ou pas pris en charge par l'ancien assureur leur soit attribué alors qu'ils n'étaient pas en contrat à la date de reprise, ce qui bloquerait le marché.

Enfin, en cas de défaillance, le fonds de garantie des assurances obligatoires français ne prendrait pas en charge les dommages en raison d'éléments juridiques techniques (agrément des entreprises par l'ACPR ou date d'entrée d'effet des contrats).

De nombreux assurés risquant donc de se retrouver dans une situation précaire, elle lui demande si le Gouvernement entend faire évoluer la législation tout particulièrement sur la question de l'extension du champ d'application du fond de garantie à l'ensemble des contrats d'assurance construction souscrits par les promoteurs sur la base du principe de la libre prestation de service afin d'éviter une éventuelle crise du secteur qui est une crainte partagée tant par les professionnels du secteur du logement, de la construction, des assurances et du droit. Elle voudrait également savoir le Gouvernement entend porter une initiative au niveau européen contre ces pratiques qui détournent le régime européen de la libre prestation de service.

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales – Ville et logement publiée le 22/08/2019

La question des pratiques frauduleuses en matière d'assurance construction est suivie avec vigilance par le Gouvernement depuis bientôt deux ans. Les ministères de l'économie et des finances et du logement échangent régulièrement des informations sur les faillites ou mises en liquidation de portefeuilles d'assureurs agissant dans le cadre de la libre prestation de service (LPS) mais également de courtiers en assurance qui vendent ces produits. C'est un enjeu en matière de responsabilité des entreprises du bâtiment, qui en cas de faillite peuvent être contraintes de souscrire une nouvelle assurance pour couvrir leur activité passée et future. Il est donc important de rappeler au secteur du bâtiment la nécessité de vérifier a minima, avant de souscrire un contrat d'assurance en responsabilité civile décennale, le ratio de solvabilité de la compagnie d'assurance (à comparer avec le minimum réglementaire), le montant des fonds propres ainsi qu'une justification des compétences techniques des équipes de l'assureur pressenti. La fédération française de l'assurance (FFA) et l'ensemble de ses adhérents se sont engagés en 2018 à prendre en compte dans les futurs contrats signés avec des entreprises victimes de faillites de leur assureur, les sinistres à venir des chantiers réalisés dans le cadre de leur contrat précédent. Il s'agit de la « reprise du passé inconnu » proposé par les assureurs français contre une prime complémentaire et suite à une analyse fine de la qualité de l'entreprise. De son côté, l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) n'a que peu d'outils de contrôle des assureurs implantés hors du territoire national (un simple enregistrement des agréments délivrés par ses homologues européens) et ne peut qu'alerter le grand public sur les assureurs qui présentent un risque majeur, en termes de provisions pour sinistres éventuels notamment. Le rapport annuel de l'ACPR de mai 2019 a ainsi conduit le superviseur à exprimer ses inquiétudes sur le marché de l'assurance construction. L'ACPR siège aux côtés de ses homologues au sein de l'autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA), seule instance en capacité d'assurer une veille des situations litigieuses et de lancer des messages d'alerte au niveau de l'ensemble des États membres de l'Union européenne. Le Gouvernement a souhaité sécuriser au maximum la situation des particuliers. En effet, tout particulier ayant souscrit un contrat d'assurance dommage-ouvrage à partir du 1er juillet 2018 avec un assureur qui a ensuite été déclaré en situation de faillite, peut solliciter une réparation auprès du fond de garantie d'assurance obligatoire (FGAO), et ce pour une durée de cinq ans à compter de la survenance de cette situation de carence de l'assureur (Article 7 de l'ordonnance n° 2017-1609 du 27 novembre 2017 relative à la prise en charge des dommages en cas de retrait d'agrément d'une entreprise d'assurance). Le Gouvernement, conscient de l'enjeu pour le secteur français de la construction, va confier au conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) une mission de réflexion dans les prochains mois avec pour objectif de procéder à une analyse détaillée du système d'assurance-construction et de proposer des pistes d'amélioration, dans le respect des règles du marché intérieur européen.

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