Question de M. CHARON Pierre (Paris - Les Républicains) publiée le 24/01/2019
M. Pierre Charon interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la portée du pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières en matière de débat sur les questions migratoires. Ce dernier a été adopté à Marrakech le 10 décembre 2018. Or certaines de ses stipulations suscitent de véritables circonspections en raison de leur terminologie floue et ambiguë. Elles semblent même dangereuses quant à la liberté d'expression. À ce titre, si l'objectif 17 dudit pacte prévoit d'« éliminer toutes formes de discrimination, condamner et contrer les expressions, actes et manifestations de racisme, de discrimination, de violence, de xénophobie et d'intolérance envers les migrants », il demande aux États de « sensibiliser et informer les professionnels des médias sur les questions migratoires et la terminologie adaptée ». Cette dernière formule est insidieuse. L'objectif semble mettre en cause la liberté des médias lorsque ceux-ci abordent le phénomène migratoire. Cet objectif envisage même de priver « de subventions ou d'aide matérielle tous les médias qui promeuvent systématiquement l'intolérance, la xénophobie le racisme et d'autres formes de discrimination à l'égard des migrants, le tout dans le plein respect des médias ». S'agit-il, par exemple, d'interdire à un média de traiter de ces questions de manière critique ? Les accusations de xénophobie ont parfois été lancées sans nuance à l'encontre de certaines publications, alors qu'un débat apparaît comme nécessaire sur ces questions. Or, en raison de sa phraséologie, le pacte mondial accrédite l'idée qu'il serait impossible d'aborder de manière nuancée ou négative la question de l'immigration. Il souhaite donc savoir ce qu'il en est réellement de ces dispositions, qui font planer le spectre de la censure dans tout débat sur l'immigration.
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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 30/04/2020
Négocié sous l'égide des Nations unies, le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières a été adopté le 10 décembre 2018, à Marrakech, puis approuvé par l'Assemblée générale des Nations unies le 19 décembre 2018, avec 152 votes pour, 5 votes contre et 12 abstentions. La France a soutenu l'adoption de ce texte qui représente une contribution importante en vue d'une meilleure gestion des flux migratoires à l'échelle internationale. Comme cela est indiqué dès le Préambule, ce Pacte n'est pas juridiquement contraignant et constitue pour l'essentiel un recueil de bonnes pratiques. Il ne crée aucune nouvelle obligation juridique autre que celles auxquelles un État a déjà souscrit. S'il prévoit des « engagements », il s'agit d'engagements politiques qui correspondent à des grands principes de gestion de la migration de façon sûre, ordonnée et régulière qui se déclinent en des listes de bonnes pratiques, des « instruments de politique publique » dont les États sont encouragés à s'inspirer. L'adoption du Pacte n'aura pas d'impact sur notre souveraineté nationale. Au contraire, la souveraineté des États en matière de politique migratoire est réaffirmée dès le Préambule et élevée au rang de « principe directeur » du texte qui invite les États à mettre en uvre les instruments de politique publique proposés « en tenant compte des différentes réalités nationales, politiques, priorités et conditions pour l'entrée sur le territoire, les conditions de résidence et de travail, en conformité avec le droit international ». Par conséquent, rien dans le Pacte ne contraindra la France à mettre en uvre telle ou telle action proposée par le Pacte qui ne serait pas compatible avec notre législation ou nos politiques publiques telles que définies démocratiquement. La France attache la plus grande importance au respect des libertés fondamentales, dont la liberté d'opinion et d'expression et leur corollaire, la liberté de la presse. Ces libertés constituent l'un des fondements essentiels d'une société démocratique et consacrées par notre Constitution comme par nos engagements internationaux, notamment le Pacte international sur les droits civils et politiques et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. La France est engagée, au plan national comme international, en faveur de la défense et de la promotion de ces libertés que le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ne saurait d'aucune façon remettre en cause. Conformément aux obligations constitutionnelles et aux engagements internationaux de la France, les limites à la liberté d'expression constituent des exceptions rares, définies par la loi et à la seule fin de faire respecter le droit à la réputation d'autrui, à la sauvegarde de la sécurité nationale, l'ordre public la santé ou la moralité publiques, et qu'il appartient au juge de mettre en uvre. De même, tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence est interdit par la loi. Le Pacte prévoit un « débat public ouvert » sur la question à travers une « information indépendante, objective et de qualité ». Cet appel au débat n'est guère contestable. Alors que la manipulation de l'information représente une des menaces les plus importantes auxquelles font face nos démocraties et nourrit le populisme, il est plus que jamais nécessaire de favoriser, comme le Pacte nous y encourage, un débat démocratique, contradictoire et fondé sur des arguments rationnels et sur des faits, au sujet des migrations, dans le plein respect de la souveraineté nationale. C'est aussi au nom de son engagement dans la lutte contre toute forme de censure, d'atteinte à la liberté d'expression et d'opinion, de manipulations de l'information, d'origine étatique ou non, que la France a lancé, avec une trentaine d'États partenaires, le « Partenariat international pour l'Information et la Démocratie », une initiative qui vise à mobiliser les États, les professionnels de la presse, les plateformes numériques et la société civile au sens large afin de garantir le droit de tous les citoyens à une information libre, indépendante, pluraliste et fiable.
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