Question de M. THÉOPHILE Dominique (Guadeloupe - LaREM) publiée le 10/01/2019
M. Dominique Théophile interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les études nécessaires à mener pour connaître les possibles liens entre le taux de cancer de la prostate aux Antilles, le plus élevé au monde, en Martinique, et l'usage du pesticide chlordécone.
Au 1er janvier 2019, les produits pesticides ont été interdits à la vente aux particuliers. C'est une excellente nouvelle pour les citoyens des départements d'outre-mer, grands consommateurs de pesticides. Pour mémoire, La Réunion, la Martinique et la Guadeloupe sont classées respectivement en deuxième, troisième et sixième position dans l'usage du glyphosate, qui d'ici à trois ans devrait être interdit sur le territoire national.
Lors de sa visite aux Antilles fin septembre 2018, le président de la République a reconnu la pollution des sols de Martinique et de Guadeloupe par le chlordécone comme un « scandale environnemental » pour lequel l'État devait assumer sa part de responsabilité.
Le chlordécone n'a été interdit en France que tardivement, soit quinze ans après les alertes de l'organisation mondiale de la santé (OMS), et alors que des centaines de tonnes de cette substance avaient été déversées sur les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique. Les travailleurs de ces bananeraies ont été surexposés à la molécule et, à travers la consommation de produits maraîchers, la quasi-totalité de la population a été contaminée. Le chlordécone fait donc peser un risque sanitaire grave sur les citoyens d'outre-mer pour plusieurs centaines d'années.
Le 27 septembre 2018, le président de la République a annoncé l'ouverture d'une procédure de reconnaissance de l'exposition au chlordécone comme maladie professionnelle. Il salue cette initiative, mais voudrait signaler que demeure la question du cancer de la prostate.
Les Antilles françaises détiennent le triste record du monde en la matière, le taux d'incidence annuel de ce cancer en Martinique étant de 227,2 cas sur 100 000 hommes et celui de Guadeloupe étant d'un niveau proche. Or, les études sont encore trop peu nombreuses sur le lien entre le chlordécone et le cancer de la prostate alors qu'elles sont indispensables pour ne pas exclure ce phénomène massif et dramatique de la démarche présidentielle.
Il lui demande si l'étude confiée à l'institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et à l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) sur le lien entre l'exposition à la chlordécone et les pathologies constatées, qui constituera la base de leur reconnaissance comme maladies professionnelles, concernera le cancer de la prostate. Dans le cas contraire, il lui demande si le Gouvernement compte lancer un appel à projets pour qu'une étude soit menée sur ce record malheureux.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 23/01/2019
Réponse apportée en séance publique le 22/01/2019
M. Dominique Théophile. Madame la secrétaire d'État, lors de sa visite aux Antilles à la fin du mois de septembre dernier, le Président de la République a reconnu la pollution des sols de Martinique et de Guadeloupe par la chlordécone comme un « scandale environnemental », pour lequel l'État doit assumer sa part de responsabilité.
Comme vous le savez, la chlordécone n'a été interdite en France que tardivement, soit quinze ans après les alertes de l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, et alors que des centaines de tonnes de cette substance avaient été déversées sur les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique. Les travailleurs de ces bananeraies ont été surexposés à la molécule et, par la consommation de produits maraîchers, un grand nombre de la population a été contaminé. La chlordécone fait donc peser un risque sanitaire grave sur les citoyens d'outre-mer pour plusieurs centaines d'années.
Le 27 septembre 2018, le Président de la République a annoncé l'ouverture d'une procédure de reconnaissance de l'exposition à la chlordécone comme maladie professionnelle. Nous saluons cette initiative. Cependant, la question du cancer de la prostate demeure.
En effet, je tiens à le rappeler, les Antilles françaises détiennent un triste record en la matière, le taux d'incidence annuel de ce cancer en Martinique étant de 227 cas sur 100 000 hommes. En Guadeloupe, la situation est quasiment identique. Or les études sur le lien entre la chlordécone et le cancer de la prostate sont encore trop peu nombreuses, bien qu'elles soient indispensables pour ne pas exclure ce phénomène massif et dramatique de la démarche présidentielle.
J'en viens à ma question. L'étude confiée à l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, et à l'ANSES, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, sur le lien entre l'exposition à la chlordécone et les pathologies constatées, qui sera la base de leur reconnaissance comme maladies professionnelles, concernera-t-elle le cancer de la prostate ?
Dans le cas contraire, le Gouvernement compte-t-il lancer un appel à projets pour qu'une étude soit menée sur ce record malheureux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, le ministère chargé de la santé copilote, avec le ministère des outre-mer et en liaison avec les ministères concernés, à savoir les ministères de l'agriculture, de l'environnement, de l'économie et de la recherche, le plan Chlordécone III.
Dans ce cadre, le ministère chargé de la santé a contribué au financement d'une étude sur le cancer de la prostate réalisée par l'INSERM au cours de la période 2004-2007 en Guadeloupe.
Cette étude était destinée à identifier les facteurs de risques environnementaux et génétiques de survenue du cancer de la prostate. Il s'agissait également d'étudier le lien éventuel entre l'exposition à la chlordécone et le risque de survenue de ce cancer.
Ses conclusions, publiées dès 2010, ont montré que, chez les hommes dont la concentration en chlordécone dans le sang est la plus forte, le risque de survenue du cancer de la prostate est plus élevé. Cette probabilité est influencée par l'âge, le patrimoine génétique, les habitudes alimentaires et les habitudes de vie des hommes exposés.
Une autre étude l'étude de cohorte KP Caraïbes , également cofinancée par le ministère chargé de la santé, est actuellement menée par l'INSERM afin d'évaluer en Guadeloupe, et si possible en Martinique, l'impact des expositions à la chlordécone dans l'évolution du cancer de la prostate en fonction des parcours thérapeutiques.
En outre, l'Institut national du cancer a été saisi par le ministère chargé de la santé en avril 2018, en vue d'explorer la possibilité de mettre en place une étude pour répondre à la question du lien entre exposition à la chlordécone et survenue d'un cancer de la prostate, et d'organiser le lancement d'un appel à projets.
Cet institut a, dans ce cadre, réuni un comité d'experts internationaux sur la question. Il a rendu ses propositions au ministère en décembre 2018 sur la construction d'un programme de recherche interdisciplinaire sur le sujet, incluant une étude cas-témoins.
La proposition est en cours d'analyse avec le ministère chargé de la recherche. Un appel à projets sera donc lancé au cours du premier semestre 2019.
S'agissant des travaux sur la reconnaissance des maladies professionnelles en lien avec le cancer de la prostate et l'exposition aux pesticides, en particulier à la chlordécone, le ministère chargé de la santé a effectivement saisi l'INSERM et l'ANSES, respectivement le 24 avril 2018, avec un addendum le 28 septembre 2018 priorisant les travaux sur la chlordécone, et le 26 novembre 2018.
Ces travaux d'expertise, qui doivent être rendus dans le courant du premier semestre 2019, seront versés à l'instruction des commissions chargées de la création des tableaux de maladies.
À l'issue des travaux menés dans le cadre de ces instances, tout nouveau tableau de maladie professionnelle doit faire l'objet d'un décret du ministère chargé de la santé pour le régime général et d'un décret du ministère chargé de l'agriculture pour le régime agricole. Aussi, il sera nécessaire d'attendre la fin du second semestre 2019 pour voir aboutir la procédure en cours.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile, pour répondre à Mme la secrétaire d'État.
M. Dominique Théophile. Madame la secrétaire d'État, je constate que les choses sont lancées. Nous attendons avec beaucoup d'intérêt les conclusions des différentes actions menées.
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