Question de M. REICHARDT André (Bas-Rhin - Les Républicains) publiée le 14/12/2018

Question posée en séance publique le 13/12/2018

M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, après Claude Kern et Jacques Bigot, permettez à un troisième sénateur alsacien, demeurant à Strasbourg, de s'exprimer après le drame qui a endeuillé sa ville.

Au nom du groupe Les Républicains, je veux à mon tour m'incliner devant les victimes et dire notre compassion à l'égard de leurs familles et de leurs proches.

Je veux également réaffirmer notre soutien et rendre hommage aux forces de l'ordre qui, injustement malmenées ces derniers temps, font un remarquable travail de protection de la population tout au long de l'année, particulièrement durant la période des fêtes de fin d'année.

Strasbourg, capitale des droits de l'homme, capitale de l'Europe des valeurs, comme le dit son maire, a été touchée au cœur et elle l'a été, qui plus est, pendant son marché de Noël, qui, on le sait, n'est pas tout à fait comme les autres. Ce marché constitue, pour les Alsaciens, une tradition multiséculaire de joie, de fraternité et de paix. Le symbole, mes chers collègues, est fort et la blessure est profonde. Pour autant, je veux affirmer solennellement que, malgré la barbarie qui les frappe, les Alsaciens ne renonceront pas à porter leurs valeurs d'humanisme, que d'aucuns voudraient voir disparaître.

Monsieur le Premier ministre, je voudrais ensuite vous dire, après avoir pris connaissance du parcours de vie de ce terroriste qui, à vingt-neuf ans, a déjà été condamné vingt-sept fois, que la population en a assez de la répétition de cette chaîne mortifère, qui commence par de la délinquance de droit commun et se poursuit par de la récidive et de la multirécidive – vingt-sept fois ! –, puis par une radicalisation en prison, puis fichier S, et, enfin, trop souvent, la tentation du passage à l'acte terroriste. Les exemples sont nombreux, je ne veux pas les citer ici pour ne pas faire la promotion de leurs auteurs.

Monsieur le Premier ministre, on sait que 450 détenus radicalisés seront libérés l'année prochaine. Faut-il craindre pour 2019 autant de passages à l'acte ? Quels sont les moyens que vous comptez mettre en œuvre pour répondre à cela ? Pouvez-vous prendre l'engagement devant le Sénat que pas un centime des crédits que le projet de loi de finances pour 2019 affecte à la sécurité et aux forces de l'ordre ne sera redéployé ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 14/12/2018

Réponse apportée en séance publique le 13/12/2018

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Reichardt, chacun sait le lien indéfectible qui existe entre un élu et son territoire. Chacun sait donc leur souffrance plus forte encore, mais chacun sait aussi que, quand on est parlementaire, on a la fierté de la Nation et, quand celle-ci est attaquée, on a la fierté de se sentir proche de vous et du territoire que vous représentez.

Monsieur le sénateur, je voudrais d'abord revenir en quelques mots sur le parcours de cet individu. Dès l'âge de dix ans, sans que cela soit inscrit à son casier judiciaire parce qu'il n'y a pas eu de condamnation, il avait fait montre de violence vis-à-vis de l'autorité familiale. Ensuite, au fil de sa vie, il s'est montré comme un individu particulièrement violent et a été condamné plusieurs fois en France et en Allemagne ; il a systématiquement purgé les peines auxquelles il était condamné. La violence s'est encore accrue et cet individu était susceptible d'être arrêté avant-hier matin pour complicité dans une tentative d'homicide.

On le voit, la violence est devenue, au fond, son quotidien. Rien n'indique qu'il se soit radicalisé en prison. En revanche, c'est bien en prison que nous avons détecté sa radicalisation. C'est la raison pour laquelle, à sa sortie de prison, il était identifié et fiché S, inscrit au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, le FSPRT. Il était en particulier suivi par les services de la DGSI.

Nous devons naturellement tout faire afin que les services compétents aient les moyens nécessaires pour continuer à suivre systématiquement celles et ceux qui présentent de tels risques, mais je vous rappelle que ces risques ne constituent pas une incrimination pénale, sur laquelle nous pouvons intervenir.

C'est la raison pour laquelle les gouvernements précédents et le gouvernement actuel ont fait le choix de doter de moyens exceptionnels les services compétents, notamment ceux de la DGSI : recrutement de plus de 1 900 personnes, 22,5 millions d'euros prévus pour la modernisation des systèmes de renseignement qui sont nécessaires pour assurer le suivi des personnes. Voilà la réponse à votre question sur le plan budgétaire.

Il nous faut aussi agir dans l'immédiat. C'est pourquoi, sous l'autorité du Premier ministre, le Gouvernement a pris une série de mesures, notamment le passage en « urgence attentat » et la mobilisation de 500 militaires dans les vingt-quatre heures ayant suivi l'attaque dont Strasbourg a fait l'objet, ces militaires ayant été redéployés sur l'ensemble des marchés de Noël de l'est parisien – j'ai pu vérifier ce matin que c'était le cas.

M. le président. Il faut conclure.

M. Christophe Castaner, ministre. Le Premier ministre a également annoncé hier soir sa décision de porter les renforts à 1 800 militaires, qui, dans les heures qui viennent, seront mobilisés sur l'ensemble du territoire national. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – Mme Françoise Laborde et M. Jacques Mézard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour la réplique, en quelques secondes.

M. André Reichardt. Je vous remercie de vos propos, monsieur le ministre. Je voudrais simplement vous dire que les réponses au terrorisme doivent s'attaquer à ses causes. Sans une lutte déterminée contre la délinquance de droit commun, sans l'abandon de certains communautarismes, parfois acceptés aujourd'hui, sans l'affirmation de notre identité et de notre culture dès le plus jeune âge, dans les écoles, nous n'y arriverons pas ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

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