Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 27/12/2018

Mme Laurence Cohen interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation du tribunal de grande instance (TGI) de Créteil.
Depuis plus de vingt ans, des personnels dénoncent la présence d'amiante dans les locaux du TGI, responsable de nombreuses maladies et certainement du décès d'une ancienne magistrate.

Après plusieurs années de déni de la part des autorités concernées, une expertise du bâtiment a démontré en 2006 que de l'amiante était bien présente dans les dalles au sol, les cloisons de bureaux, ou les volets coupe-feu.
Dans la salle des archives où sont stockés les dossiers, le taux d'amiante atteignait 38 fibres par litre avant un désamiantage en 2009, puis 22,6 fibres par litre après les travaux, quand le seuil légal est de 5 fibres.
La mobilisation d'une alliance syndicale réunissant magistrats, policiers et fonctionnaires du TGI commence à être entendue, puisque les services du ministère ont assuré qu'un suivi médical était assuré pour tous les agents qui en faisaient la demande.
Néanmoins, elle lui demande si elle n'estime pas qu'il serait plutôt indispensable de prévoir un suivi obligatoire de toutes les personnes travaillant ou ayant travaillé au TGI.
Par ailleurs, elle lui demande si elle peut lui confirmer le calendrier des travaux, censés débuter au printemps 2019 et si une enveloppe budgétaire de 5,2 millions d'euros pour le désamiantage est bien prévue. Après des années d'attente et de faux espoirs, les personnels ont besoin de certitudes.
Enfin, elle lui demande si elle peut intervenir auprès du président du TGI afin qu'un comité d'hygiène et de sécurité, extraordinaire, commun aux ministères de l'intérieur, de la justice, des armées et au conseil départemental du Val-de-Marne, puisse se tenir dans les plus brefs délais.
Cette demande légitime demeure refusée jusqu'à présent. Elle est pourtant nécessaire pour que puissent être enfin abordées les mesures à prendre pour protéger et suivre les personnels et le public exposés à l'amiante.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 20/03/2019

Réponse apportée en séance publique le 19/03/2019

Mme Laurence Cohen. Madame la garde des sceaux, depuis plus de vingt ans, les personnels du tribunal de grande instance de Créteil dénoncent la présence d'amiante dans les locaux, laquelle est responsable de nombreuses maladies et, probablement, du décès d'une ancienne magistrate ainsi que de deux autres personnes en 2018. Après plusieurs années de déni de la part des autorités concernées, une expertise a démontré en 2006 que de l'amiante était bien présent dans les dalles au sol, les cloisons de bureaux ou bien encore dans les volets coupe-feu de ce bâtiment construit en 1977.

Dans la salle des archives où sont stockés les dossiers, le taux d'amiante atteignait 38 fibres par litre avant un désamiantage en 2009, puis 22,6 fibres par litre après les travaux, alors que le seuil réglementaire est de 5 fibres par litre.

La mobilisation syndicale réunissant magistrats, policiers et fonctionnaires du TGI commence à être entendue, puisque les services du ministère ont assuré que tout agent en faisant la demande bénéficierait d'un suivi médical. C'est une bonne chose.

Néanmoins, madame la garde des sceaux, n'estimez-vous pas plutôt qu'il serait indispensable de prévoir un suivi médical obligatoire de toutes les personnes travaillant ou ayant travaillé au tribunal de grande instance de Créteil ? Quelles sont aujourd'hui les mesures d'urgence mises en place pour protéger les fonctionnaires en poste ainsi que les usagers ?

Par ailleurs, pouvez-vous me confirmer le calendrier des travaux, censés débuter au printemps 2019 ? Une enveloppe budgétaire de 5,2 millions d'euros pour le désamiantage est-elle bien prévue ?

Enfin, pouvez-vous intervenir auprès du président du TGI, afin qu'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail extraordinaire commun aux ministères de l'intérieur, de la justice et des armées et au conseil départemental du Val-de-Marne puisse se réunir dans les plus brefs délais ? Il s'agit là d'une demande légitime, qui est jusqu'à présent refusée.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Cohen, le tribunal de grande instance de Créteil, mis en service en 1978, contient des matériaux amiantés, comme nombre de bâtiments de cette période. À ce titre, il est soumis à une réglementation spécifique visant à protéger la santé des occupants et des travailleurs appelés à y faire des travaux. À cet égard, les diagnostics amiante réalisés conformément à la réglementation depuis 1997 ont conclu que les matériaux amiantés présents dans le bâtiment ne relèvent pas de la liste des matériaux friables exigeant un désamiantage.

Le ministère de la justice n'a jamais nié la présence d'amiante dans ces locaux et la situation du TGI de Créteil retient toute mon attention. À la suite du décès récent d'une magistrate, j'ai demandé à mes services de prendre toutes les mesures qui s'imposent de nature à rassurer les agents.

Ainsi, le 11 octobre dernier, le directeur des services judiciaires et la secrétaire générale adjointe du ministère se sont rendus au TGI de Créteil et y ont rencontré les personnels. Ils ont annoncé des mesures d'empoussièrement généralisées, qui seraient conduites en concertation étroite avec les organisations syndicales et avec les agents, afin de donner aux personnels concernés toutes les informations qu'ils attendent légitimement pour dissiper leurs éventuelles craintes. Ces mesures se sont déroulées entre les mois de novembre 2018 et de février 2019. Le nombre de mesures imposé par les normes a été complété en concertation avec les organisations syndicales. Ce sont ainsi deux vagues successives de 192, puis 144 mesures, qui ont eu lieu, ce qui constitue une densité exceptionnellement élevée de points de contrôle. La totalité des résultats est disponible depuis la semaine dernière et tous sont négatifs : aucune fibre n'a été détectée.

Ces informations fiables et objectives apportent, je le crois, une réponse rassurante.

Mes directeurs ont également indiqué, en accord avec les chefs de juridiction, que toute personne craignant une exposition pourrait se manifester et verrait sa situation portée à la connaissance de la médecine de prévention. Des mesures ont été prises afin de permettre des consultations rapides.

L'opération de désamiantage et de rénovation du site est désormais lancée.

Les travaux préparatoires ont débuté en 2018. Ces travaux vont se poursuivre en 2019 avec la construction du bâtiment modulaire, qui accueillera une partie des services situés dans l'actuel immeuble de grande hauteur. En parallèle sera menée la phase d'appel d'offres des travaux de désamiantage et de mise aux normes. Le financement de l'ensemble de cette opération est assuré grâce aux crédits votés dans le projet de loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice.

Les instances représentatives et le personnel sont régulièrement informés des mesures prises et des travaux réalisés. C'est bien le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail départemental du ministère de la justice qui a l'entière compétence pour assurer le suivi des actions menées pour le bâtiment du tribunal de grande instance de Créteil et pour l'ensemble des personnels concernés. Le président du TGI de Créteil lui a communiqué le diagnostic amiante du tribunal. Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail doit se réunir prochainement pour une séance dédiée à ces questions.

Comme vous le voyez, madame la sénatrice, ce sujet retient toute mon attention.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour répondre à Mme la garde des sceaux.

Mme Laurence Cohen. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de ces précisions. Mes questions montrent que se pose un problème d'information non seulement des personnels, mais aussi du public qui fréquente le TGI.

Ces travaux sont un véritable serpent de mer ! J'ai alerté plusieurs fois le ministère sur ce point. La vigilance est de mise et il faut un réel suivi.

Je regrette que, sur ce problème de santé publique, la proposition que je formule d'une visite systématique pour tous les personnels n'ait pas retenu votre attention : il faut que ce soient les personnels qui le demandent.

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